Madagascar-UA : mais restez donc saisi de la question !

Vendredi, 15 Février 2013 17:23 Dossier
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Cela fait quatre ans que Madagascar a été suspendu de la Sadc et de l’Union africaine. Qu’est-ce que cela a changé dans le quotidien des Malgaches ? Rien ! Pourtant la Grande île doit s’acquitter de sa quote-part. C’est çà l’image d’une entité qui entend œuvrer pour la paix ?

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COMMUNIQUÉ


Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine (UA), en sa 355ème réunion tenu le 13 février 2013, à Addis Abeba, a adopté la décision qui suit sur la situation à Madagascar :

Le Conseil,

1. Prend note des communications faites par le Commissaire à la Paix et à la Sécurité par intérim, Prof. Jean‐Pierre Ezin et le Médiateur de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC), l’ancien Président Joaquim Alberto Chissano, sur la situation à Madagascar, ainsi que des déclarations faites par les représentants du Mozambique, pays assurant la présidence de la SADC et les Nations unies ;

2. Rappelle toutes ses décisions et communiqués antérieurs sur la situation à Madagascar et les décisions adoptées par la 20ème session ordinaire de la Conférence de l’Union, tenue à Addis‐Abeba, du 27 au 28 janvier 2013, ainsi que son attachement à la Feuille de route pour la sortie de crise à Madagascar du 17 septembre 2011, qui offre le cadre approprié pour parvenir au retour à l’ordre constitutionnel et à une solution globale à la crise que connaît Madagascar ;

3. Se félicite des avancées enregistrées dans le processus de sortie de crise à Madagascar, notamment la renonciation par M. Andry Rajoelina et M. Marc Ravalomanana à leur candidature respective à la prochaine élection présidentielle et en appelle à toutes les Parties malgaches pour qu’elles mettent pleinement en œuvre la Feuille de route qui constitue le seul mécanisme viable pour mettre fin à la crise que connait leur pays ;

4. Prend note des échéances électorales actualisées, qui prévoient, entre autres, la tenue du 1er tour de l'élection présidentielle, le 24 juillet 2013, le 2ème tour couplé aux élections législatives, le 25 septembre 2013, et les élections communales, le 23 octobre 2013 ;

5. Prend également note de la décision du Sommet de la Troïka de l’Organe des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la SADC, et du Mozambique, en sa qualité de pays assurant la Présidence de la SADC, tenu à Dar es Salaam, en République unie de Tanzanie, du 10 au 13 janvier 2013, dans laquelle les chefs d’Etat et de Gouvernement ont, entre autres, réaffirmé leur soutien à la Feuille de route ;

6. Constate que, malgré les nombreux progrès réalisés, certaines dispositions de la Feuille de route restent encore à mettre en oeuvre, en particulier l’article 20, et, par conséquent décide de maintenir la suspension de la participation de Madagascar aux activités de l’UA et les sanctions imposées contre Madagascar, tout en réitérant sa volonté de procéder à la levée de cette mesure dans les meilleurs délais possibles. A cet égard, le Conseil, endossant les recommandations du Médiateur :

(i) exige la neutralité des institutions de transition malgaches, en particulier durant la période électorale ;

(ii) souligne la nécessité de sauvegarder l’indépendance, l’intégrité et la crédibilité de la Commission électorale nationale indépendante de transition (CENI‐T), et appelle au respect et à l’application scrupuleuse des décisions de cette institution ;

(iii) exige des acteurs politiques malgaches qu’ils fassent preuve de retenue et assument pleinement leur responsabilité qui consiste à ramener l’ordre constitutionnel à Madagascar.

7. Rappelle en particulier le communiqué de sa 303ème réunion tenue à Addis‐Abeba, le 8 décembre 2011, dans lequel il a exprimé son intention de lever la mesure de suspension de la participation de Madagascar aux activités de l’UA, telle que contenue dans le communiqué

PSC/PR/COMM.(CLXXXI) adopté lors de sa 181ème réunion tenue le 20 mars 2009, ainsi que les sanctions ciblées imposées aux termes de ses communiqués PSC/PR/COMM.1(CCXVI) et

PSC/PR/COMM.1(CCXXI), adoptés lors de ses 216ème et 221ème réunions tenues respectivement le 19 février et le 17 mars 2010. A cet égard, le Conseil demande à la Présidente de la Commission, en consultation avec la SADC, de lui faire rapport, au plus tard en début avril 2013, sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Feuille de route, y compris son article 20, à l’effet de lui permettre de statuer sur la levée de la mesure de suspension de Madagascar ;

8. Encourage la Présidente de la Commission, conformément au communiqué de sa réunion du 8 décembre 2011, à mobiliser l’Afrique et la communauté internationale dans son ensemble, pour qu’elles apportent tout l’appui nécessaire au processus de transition à Madagascar ;

9. Demande à la Présidente de la Commission, en consultation avec le Secrétaire exécutif de la SADC, de prendre les dispositions requises pour renforcer le Bureau conjoint UA/SADC à Madagascar, en vue d'assurer une plus grande présence au cours de la période électorale;

10. Félicite la SADC pour ses efforts visant à faciliter le retour à l’ordre constitutionnel à Madagascar sur la base de la «Feuille de route pour une sortie de crise à Madagascar». Le Conseil réitère son appréciation au Médiateur de la SADC, le Président Joaquim Alberto Chissano, et l’encourage, avec son équipe, à poursuivre ses efforts en vue de parvenir à une solution consensuelle et inclusive à la crise malgache ;

11. Décide de rester activement saisi de la question./.

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Vous voulez mettre en œuvre l’article 20 de la feuille de route ? Bien. Mais tout le monde semble oublier complètement la note explicative. On met cet article 20 en avant, comme un paravent alors que c’est toute une philosophie, toute une vraie justice que se trouve dans cette note. La re-voici :

45. L’article 20 de la présente Feuille de Route sera lue avec la Note explicative, en annexe, qui
constituera une partie intégrante de cette même Feuille de Route
.

Antananarivo, le 16 septembre 2011

NOTE EXPLICATIVE DE L’ARTICLE DE LA PRESENTE FEUILLE DE ROUTE

Dans le cadre du mandat donné par le Sommet de la SADC tenu à Sandton et réitéré à Luanda, les 17-18 Août 2011, la Troïka de la SADC propose le texte suivant pour le paragraphe 20 de la feuille de route :

La Haute Autorité de la Transition (HAT) devra permettre à tous les Citoyens Malgaches en exil pour des raisons politiques de rentrer à Madagascar sans conditions, y compris Monsieur Marc Ravalomanana. La HAT devra fournir la sécurité à tous les exilés malgaches rapatriés. La HAT devra développer et promulguer d’urgence les instruments juridiques nécessaires, y compris une loi d’amnistie, afin d’assurer la liberté politique de tous les citoyens Malgaches dans le processus inclusif de transition, débouchant sur la tenue d’élections libres, justes et crédibles.

La Troïka souhaite apporter l’interprétation suivante du terme « sans conditions » énoncé dans les décisions du Sommet de la SADC.

1. Les principes et valeurs de la SADC n’acceptent pas l’impunité. Le terme « sans condition » s’applique à la notion de liberté de rentrer à Madagascar pour tous les citoyens malgaches en exil pour des raisons politiques. Cela implique qu’aucune mesure administrative et politique ne devrait être appliquée pour restreindre ou empêcher leur liberté de rentrer au pays.

2. Ainsi, « sans conditions » ne suggère et n’implique pas les citoyens malgaches rapatriés une exonération de poursuites judiciaires ou pour des crimes allégués.

3. Les principes et les valeurs de la SADC reposent sur le respect de l’intégrité territoriale et la souveraineté des Etats membres. La SADC reconnaît et respecte la compétence, la légitimité et l’indépendance des systèmes judiciaires de ses Etats membres. La SADC n’a pas le pouvoir de s’ingérer ou d’annuler quelque condamnation judiciaire par le tribunal national de tout Etat

4. La SADC ne définit pas et ne détermine pas l’étendue et le contenu des lois d’amnistie des Etats membres. Il est du ressort des autorités compétentes de ses Etats membres de débattre et de s’accorder sur leurs lois d’amnistie en prenant compte des normes internationales applicables qui excluent de l’amnistie les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les violations graves des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.


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Marc Ravalomanana ne peut pas sortir d’Afrique du Sud, à la suite d’une plainte -qui a été recevable- contre lui pour crime contre l’humanité. Cela conformément la loi sud-africaine n°27/2002 sur la mise en œuvre du statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) qui prévoit que « tout ancien chef d'Etat, présumé avoir commis des crimes contre l'humanité ou d'autres crimes graves tels que les crimes de guerre ou les génocides, peut faire l'objet d'enquêtes et de poursuites judiciaires dans le pays où il se trouve ».

Le passeport de Ravalomanana a été confisqué, en septembre 2012, dans le cadre de l’enquête. Il a fait appel, mais celui-ci a été rejeté le 4 février 2013, sous le dossier CCT 127/12. Tous ses espoirs de retour reposent donc sur un « accord politique », avec l’application de ce fameux article 20. La justice sud-africaine a-t-elle son mot à dire ? De cela, personne ne parle. Par ailleurs, où se situent les « principes et valeurs de la Sadc qui n’acceptent pas l’impunité » ?

Ne vaudrait-il pas mieux qu’il attende la suite de la plainte avant de songer même à rentrer ? Surtout qu’il ne va pas se présenter à la prochaine élection présidentielle ?

Par ailleurs, étant donné que " la SADC reconnaît et respecte la compétence, la légitimité et l’indépendance des systèmes judiciaires de ses Etats membres, et qu’elle n’a pas le pouvoir de s’ingérer ou d’annuler quelque condamnation judiciaire par le tribunal national de tout Etat membre ", qu'est-ce que ce micmac, étant donné que Ravalomanana est bloqué sans passeport en Afrique du Sud ?

Le grand point en suspens est aussi cette histoire d’amnistie. Comme il a été condamné à Madagascar, elle peut-être envisageable. Mais du côté de l’Afrique du sud et du statut de Rome de la CPI, il faudrait d’abord attendre où va aboutir la plainte déposée contre lui. Sinon pourquoi avoir refusé la requête d'appel pour la restitution du passeport de l'ex-président démissionnaire fuyard ?

SADC, UA, au sein de ces entités, il y a un manque de logique envers elles-mêmes. De quoi être saisi de… stupeur !

Jeannot Ramambazafy – 15 février 2013

Mis à jour ( Samedi, 16 Février 2013 07:23 )