Samedi 5 septembre 2015. Au centre, en chemise à carreaux rouge et blanc, tel un conquérant, Marc Ravalomanana sur le terrain appartenant à la CCIAA, à Ankorondrano, Antananarivo
Décidément, l’ancien président démissionnaire fuyard de Madagascar est un extra-terrestre. Vraiment. Il oublie qu’il suffit d’une saute d’humeur de l’actuel président de la république, Hery Rajaonarimampianina, pour que sa condition d’homme « libéré », conditionnée -justement- par un simple accord politique, se retransforme en homme condamné, par contumace, aux travaux forcés à perpétuité, le 28 août 2010 (ICI compte-rendu du journal Le Monde).
Or, le samedi 5 septembre 2015, voilà que l’homme est revenu pour la seconde fois sur le terrain sis à Ankorondrano, loué au vrai propriétaire qui est la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture d'Antananarivo (CCIAA). Cela, comme si de rien n’était, comme si ce terrain lui appartenait encore, faisant fi de l’autorité de la chose jugée. En effet, le 10 mars 2010, le tribunal de commerce d’Antananarivo a tranché, suite à la requête de la CCIAA : expulsion avec amende de 10 millions d’ariary pour non-paiement de loyers. C’est pour cela que les meetings ont été déplacés au Magro de Behoririka, le terrain d’Ankorondrano ayant été mis sous scellés. Ce qui n’a pas empêché, en passant, un pillage de tous les matériaux restant après l’incendie du 26 janvier 2009.
Quels sont les arguments ravalomananiens, face à ce jugement ? « C’est vrai que le terrain appartient à la Chambre de Commerce mais elle a conclu un contrat de bail emphytéotique de 40 ans avec Tiko. Et puis, la décision du Tribunal commercial prise en mars 2011 qui a donné gain de cause à la Chambre de commerce d’Antananarivo en ce qui concerne la gestion du terrain d’Ankorondrano, a été prise par un régime illégal ». Il oublie que ce régime qu’il qualifie d’illégal a été reconnu par la communauté internationale à l’issue de la signature de la Feuille de route, en septembre 2011. Il feint d’ignorer le principe de la rétroactivité de la loi en matière de jurisprudence constitutionnelle. Mais surtout du principe de l’autorité de la chose jugée. Quelle que soit la juridiction. Il faut le mettre en exergue.
Ainsi, quoi que dise, quoi que fasse Marc Ravalomanana, le terrain d’Ankorondrano, qu’il a déjà commencé à faire déblayer, ne lui a jamais appartenu. Cela dit, il doit également énormément d’argent à l’Etat malgache. Voici les détails.
Sur la tête Marc Ravalomanana, ayant résidé volontairement en Afrique du Sud de 2009 à 2014, plane pas moins de 13 dossiers traitant d’affaires civiles, commerciales et pénales. Pour ce dernier sujet, nous avons la tuerie du 7 février 2009 récemment traitée par la chambre d’accusation de la Cour d’Appel d’Antananarivo (et actuellement par la justice sud-africaine, l'empêchant de sortir d'Afrique du Sud). Il s’agit du dossier n° 6052-Rp/09/11-Cr/J3/09. L’enquête se poursuivant et comme il existe un lien avec la politique politicienne des assassins (Le terme assassin vient entre autres de l'arabe حَشَّاشِين, haschashin (« les gens qui fument le haschisch, herbe ou cannabis »), je laisserai cela en suspens pour vous révéler les autres dossiers civils et commerciaux.
Pour le dossier n°6 992-Rp/09/16-Cr/J3/09, relatif à l’achat du terrain sis à Andohatapenaka sur la route digue, Marc Ravalomanana a été condamné à 5 ans de travaux forcés. Il avait acquis ce terrain qu’il a fait remblayer avec l’argent de la région Analamanga, des deniers publics donc. Un montant de 3.654.140.000 ariary exactement. Purement et simplement détournés grâce à Fidy Ratsimbazafy alors chef de la région, accusé d’abus de fonction. Concernant le fameux Boeing « Force One II », Marc Ravalomanana a été condamné à 4 ans d’emprisonnement ferme pour avoir fait acheter ce Lear Jet pour un prétendu montant de 60 millions de dollars. Achat réalisé par l’ancien ministre des Finances Haja Razafinjatovo, évaporé dans la nature. Cet argent a été décaissé du port de Toamasina et des assurances Aro.
Venons-en maintenant à l’empire Tiko, société qu’il a fondé et qui s’est agrandie en moins de temps qu’il faut pour le dire. Mais tout a été découvert. En fait, il a utilisé la puissance publique pour laisser des tas de casseroles, inconnues s’il ne s’était pas enfui en Afrique australe. Cela relève des domaines civil et commercial. En juillet 2009, 1.940 tonnes de riz saisis chez la société Magro ont été mis en vente publique. Car cette filiale de Tiko devait à la Direction générale des Impôts, une somme d’impayés chiffrés à 204.075.718,56 ariary. Par ailleurs, les services des Douanes ont révélé le non-paiement de droits et taxes à l’importation d’une valeur de 26.066.764,982 ariary. Cela a été payé in extremis le 10 mars 2010. Pourquoi avoir attendu ? Du côté d’Air Madagascar, les impayés de la société Tiko s’allongent. Nous en sommes actuellement à 1.527.207.964,32 ariary. Et ce n’est pas fini…
Les filiales de Tikoland, Fanampy Rice Sa et Tiko Sa doivent aussi quelque 967.600.000 ariary à la Sonapar qui a eu le malheur de leur avancer cette somme en guise de capital de démarrage. Actuellement, ce dossier n°402-Ap se trouve en appel. Comme l’est le dossier n°41-Ap sur l’argent emprunté à la société d’assurances Aro, d’un montant de 18.187.287.614,40 ariary. Impayés à ce jour. Sûre d’être au-dessus des lois, grâce à son fondateur devenu président de la république, la société Tiko SA s’est permis de ne pas s’acquitter des coûts de prestations médicales pour son personnel dirigeant. Ainsi, le Pavillon Sainte Fleur de l’hôpital Joseph Ravoahangy Andrianavalona (Hjra) d’Anosy a été obligé de traîner Tiko SA devant le tribunal de Commerce pour le non paiement de 2.082.943,28 ariary. Le dossier est en cours de traitement.
En fin de compte, l’empire Tiko n’aura été qu’un gigantesque conglomérat commercial, protégé par le Président Ravalomanana, qui n’a eu de cesse d’être un très mauvais payeur dans tous les domaines : non paiement des factures de la société Delated & Fils par la société Tiko Oil Products ou Top; non-paiement, par le groupe Tiko, du coût de 40.000 sacs de ciment (soit 680.000.000 ariary) appartenant à la société Seimad; non paiement, par la société Tiko SA, d’une créance de 200.000 dollars à la société Céréalis Sa (à propos de céréales, c’est évident). Dernière en date : l’expulsion des sociétés Top et Magro du terrain d’Ankorondrano, appartenant à la Chambre de Commerce et d’industrie d’Antananarivo. Les deux sociétés « tikoesques » ne lui avaient pas payé le loyer qui a fini par s’élever à 22.080.000 ariary. Si l’on fait la somme de tous ces impayés, cela nous donne des dettes s’élevant à 250 milliards d’anciens francs arrondis (un euro vaut en moyenne 3.000 ariary et un ariary 5 anciens francs malgaches).
Ces chiffres ne peuvent pas s’inventer. C’est le fruit de longs mois d’investigations. Tout est vérifiable au tribunal d’Anosy et dans les sociétés citées. Que va faire le président Hery Rajaonarimampianina qui lui a permis de revenir au pays, l’a fait emprisonner à Antsiranana puis l’a fait libérer à la suite d’un accord politique signé au Centre de conventions internationale d’Ivato (CCI), début mai 2015 ? En effet, c’est à ce moment-là que le décret qui maintenait Marc Ravalomanana en résidence fixe, a été annulé. Depuis, ce dernier a même eu l’occasion de se rendre à l’île Maurice. Au point où nous en sommes, il est clair Mister Hery Vaovao s’est piégé lui-même.
Et Ravalomanana s’est même octroyé le luxe de lui donner des leçons : « Si l’un de vos proches collaborateurs constitue un problème mais non une solution, le mieux est de s’en séparer ». Cela concerne plus précisément le ministre d’Etat Rivo Rakotovao qui fut membre du cabinet du ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, Harison Randriarimanana, sous le régime… Ravalomanana.
Un dossier de Jeannot Ramambazafy – 7 septembre 2015.