Discours de M. Jean-Christophe Belliard, Ambassadeur de France à Madagascar
Résidence de France - 14 juillet 2012
(Version prononcée)
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions de la Transition,
Chers tous,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, merci beaucoup de nous faire l’honneur d’être ici aujourd’hui parmi nous. Je vous avoue être très impressionné par cette foule ; je crois n’avoir jamais serré autant de mains de ma vie en aussi peu de temps. Et pourtant je ne suis candidat à rien !
J’ai été très frappé pendant l’heure passée par l’extrême gentillesse de tout le monde, notamment des Malgaches, qui nous ont souhaité une bonne arrivée dans ce pays. Comme vous le savez, nous sommes ici en famille depuis maintenant deux semaines avec mon épouse et trois enfants. Nous découvrons votre pays et, au fond, c’est notre toute première sortie publique.
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Je voudrais saluer d’abord la communauté française. Il y a 30 000 Français à Madagascar : c’est la plus importante communauté française en Afrique. Vous qui êtes ici aujourd’hui, vous êtes les représentants de cette communauté. Je ne doute pas qu’au même moment ailleurs dans le pays, il y a d’autres célébrations dans nos chancelleries détachées et dans nos consulats. Je salue à travers vous tous les Français de Madagascar. Je salue aussi la présence des élus français qui sont ici parmi vous. Évidemment, nous allons travailler ensemble main dans la main dans la période et les années à venir.
30 000, c’est considérable et c’est le reflet d’une longue histoire commune, d’un long passé commun. Qu’on le veuille ou pas, on ne réécrit pas le passé. Le passé est là : nous devons ensemble assumer ce passé, ces moments forts passés ensemble. Il y a eu des moments difficiles, il y a eu des moments moins difficiles. Aujourd’hui, nous devons ensemble regarder vers l’avenir.
Nous avons également une géographie commune : la France est à vos portes, la France est dans l’Océan Indien, Mayotte est à 300 km de Madagascar, La Réunion est à une heure d’avion. Il y a dans l’Océan Indien un million de Français. La France a des frontières avec Madagascar.
De toute évidence, Madagascar est pour la France un pays important. Un pays de vingt millions d’habitants, ce n’est pas rien. Parce que le pays est important, nous avons une présence administrative importante. Une grosse ambassade : je voudrais ici remercier tous ceux qui, non seulement nous ont réservé depuis deux semaines un tel accueil, mais aussi tous ceux qui ont travaillé pour préparer cette journée. J’ai une pensée pour ceux qui sont ailleurs à Madagascar, notamment nos chancelleries détachées. Vous connaissez la situation économique, financière en ce moment en France : il y a en ce moment un débat, en France, au Ministère des Affaires étrangères, sur le devenir de notre réseau dans le monde entier (ce n’est pas uniquement à Madagascar) et nous ferons tout avec le soutien des élus français ici pour conserver ce que nous pourrons. A Madagascar, en tout état de cause, pour vous, c’est quelque chose d’important. Nous avons une présence culturelle considérable : 29 alliances françaises, 22 établissements qui scolarisent 12 000 enfants. Là aussi, nous allons nous battre pour que le réseau qui, je comprends, est un des réseaux les plus importants dans le monde. Nous allons également tout faire pour que ce réseau reste en l’état.
Nous avons enfin une présence commerciale considérable. La France est le premier client de Madagascar, son troisième fournisseur et il y a ici 650 entreprises françaises. Je lisais hier le compte-rendu d’une visite d’un ministre français en Afrique du Sud où il y a 350 entreprises françaises.
Donc nous avons une histoire commune, une géographie commune et, de toute évidence, nous avons des intérêts communs. Et donc Madagascar est important pour nous.
C’est pour cette raison que nous voulons absolument que la situation actuelle trouve la voie de l’apaisement. Nous souhaitons l’apaisement à Madagascar.
Je suis ici depuis deux semaines, j’ai rencontré déjà beaucoup de monde et j’ai l’impression qu’il y a un consensus, aussi bien parmi les Malgaches que parmi les collègues de la communauté internationale, pour considérer un certain nombre de choses :
Un, que les choses vont mal. Tout le monde me dit : « ça ne va pas ». Dégradation économique, dégradation sociale, dégradation sécuritaire.
Tout le monde est également d’accord pour considérer que les choses ne peuvent pas durer. Il
faut trouver une solution. Le consensus également est que tout le monde a l’air de dire que seules des élections crédibles permettront de sortir de la situation actuelle. Des élections crédibles sont des élections dont le résultat sera accepté par tous, notamment par ceux qui n’auront pas gagné. Pour cela, il faut une commission électorale indépendante, totalement indépendante. Et c’est parce que la commission électorale sera indépendante que l’on réussira les élections. C’est parce que les élections seront indiscutables qu’on sortira de la crise politique.
Autre consensus, j’ai l’impression que la communauté internationale est cohérente et qu’il y a une cohésion de la communauté internationale sur ce que je viens de dire. Tous les collègues sont d’accord avec ce que je viens de dire et beaucoup d’acteurs, si ce n’est tous les acteurs malgaches. La France fait partie de la communauté internationale. Nous ne sommes pas un acteur à part de la communauté internationale et donc la France soutient le travail en cours de la SADC. La France soutient la feuille de route. La France souhaite qu’on aille au bout de la logique de la feuille de route, qui est un accord des principales forces politiques.
L’impression que j’ai aussi depuis que je suis ici, c’est que si on parvient à sortir de cette crise politique actuelle, les perspectives pour Madagascar sont brillantes.
Retour à la normale dans le domaine diplomatique : il faut absolument que Madagascar revienne au sein de l’Union africaine. Comme vous le savez, j’arrive d’Addis-Ababa, donc de l’Union africaine. A Addis-Ababa, on attend le retour de Madagascar. Il faut que Madagascar revienne dans l’Union africaine. Madagascar reviendra dans l’Union africaine que si les choses reviennent à la normale.
Retour des partenaires de l’aide au développement : c’est fondamental. Si vous trouvez un accord politique, si les élections se passent bien, le FMI sera de retour, l’Union européenne sera de retour. C’est important pour nous : comme vous le savez, la France n’a jamais cessé son soutien économique et au développement de Madagascar, dans tous les domaines (éducation, santé, sécurité…). Mais nous pouvons faire plus. Il y a des projets que nous ne pouvons pas faire aujourd’hui parce qu’il n’y a pas d’accord avec le FMI. Il faut un accord avec le FMI. Il y a des projets que nous faisons dans le cadre de l’Europe.
Comme vous le savez, l’Europe dispose d’une enveloppe de fonds de 577 millions d’euros. C’est considérable. Cet argent pourra être déboursé et devra être déboursé une fois qu’on aura trouvé la solution, la clé. C’est fondamental et ça permettra à Madagascar de repartir.
Ce qui me frappe depuis que je suis ici : Madagascar, c’est un peuple de 20 millions d’habitants, un peuple avec une longue histoire, un peuple avec un Etat depuis longtemps, des Etats, avant la période coloniale, un peuple avec une population pleine de dextérité, avec un peuple prêt à partir et à aller de l’avant. Donc il me semble que, dès qu’on sera de retour à la normale, le pays va s’envoler à nouveau. On va retrouver des taux de croissance à deux chiffres. Le potentiel est là , le secteur privé est là , le secteur des exportations est là et le pays ne demande qu’à pouvoir s’envoler véritablement.
Aujourd’hui, c’est le 14 juillet. Le 14 juillet, qu’est-ce c’est ? C’est le respect du peuple, c’est le peuple qui prend le pouvoir, c’est le peuple qui fait prévaloir l’intérêt général. Comme vous le savez, on vient de vivre une alternance politique en France : changement de président. C’est ça la démocratie. Celui qui ne gagne pas les élections accepte le résultat. On ne dit pas qu’il a perdu. On n’utilise pas ces mots. C’est l’alternance, on va de l’avant. Je parle de la France, mais on a assisté à des alternances cette année en Afrique. L’alternance, on la retrouve partout dans le monde. Le monde entier aujourd’hui se démocratise, à commencer par l’Afrique. On vient de vivre une alternance au Sénégal, en Zambie et dans bien d’autres pays.
Voilà mon message d’aujourd’hui, le message de la France. Merci de votre présence ici, merci de votre accueil pour ma famille et pour moi-même.
Je voudrais lever un verre à Madagascar, à l’amitié franco-malgache et bien entendu à la France.
Merci beaucoup de votre attention.