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Madagascar : Classe politique dévoyée, société civile instrumentalisée

SEHATRA FANARAHA-MASO NY FIAINAM-PIRENENA

SeFaFi

Observatoire de la Vie Publique

Rue Rajakoba Augustin Ankadivato Antananarivo

Classe politique dévoyée, société civile instrumentalisée

Les récents événements, survenus dans le cadre de la recherche d’une solution à la crise du pays, laissent les observateurs les plus bienveillants partagés entre la colère et la perplexité. Après l’échec des négociations de Maputo, Addis-Abeba et Pretoria, une orientation nouvelle semblait s’être dégagée en faveur d’une solution exclusivement malgache, sous le patronage attentif mais lointain de la communauté internationale.

La société civile instrumentalisée

Depuis trois mois le pays est en quête d’une solution malgacho-malgache à une crise qui n’en finit pas de s’enliser. Constatant la gravité de la situation, un groupe a estimé devoir prendre la responsabilité de se lever en tant que « RaiamandReny Mijoro » conformément au « soatoavina malagasy ». Reconnu par la Haute Autorité de Transition, il a appelé à des Dinika Santatra dans les 119 districts du pays. Les organisateurs de ces Dinika Santatra étaient la Coalition des Organisations de la Société Civile (COSC) dont beaucoup sont membres du GESCI (Groupement des Entités de la Société Civile pour la Défense de la Démocratie et des Valeurs Républicaines) constitué le 21 avril 2009. Face à l’inertie, aux divisions et aux appétits de pouvoir d’une classe politique exclusivement préoccupée d’elle-même, la Coalition a initié avec les RaiamandReny Mijoro un processus de concertation devant aboutir à la Conférence Nationale.

Deux autres entités, à savoir l’Alliance des OSC et le KMF/CNOE, se sont jointes par la suite à la Coalition des OSC pour former la Coordination Nationale des Organisations de la Société Civile (CNOSC) en charge de la médiation entre les parties en conflit et modifiant une fois de plus le calendrier des étapes pour une sortie de crise.

Peu après, la CNOSC fit preuve d’amateurisme, se révélant incapable de maîtriser les questions qu’elle prétendait résoudre lors des rencontres de Vontovorona, les 26 et 27 août. Alors qu’aucun consensus n’avait été établi en son sein, elle a réuni l’ensemble des partenaires de la crise sans objectif commun, sans schéma précis, sans méthode de travail affichée. L’échec était inévitable, sans que personne ne se soit interrogé sur la légitimité de la tentative, sur la crédibilité des acteurs, et sur la pertinence des procédures adoptées.

De ces rebondissements, quelques conclusions peuvent dès à présent être tirées :

1. La société civile est, à l’image du pays, morcelée et divisée, manipulée par des intérêts particuliers, et incapable de s’entendre sur un projet sérieux.

2. Cette société civile est, depuis de longues années, infiltrée par des politiciens qui tentent de se refaire ainsi une virginité politique. Et chaque fois que semble se rapprocher la fin de la transition, ils manipulent leurs entités de la société civile en les orientant vers l’engagement politique de leur choix. Ensuite de quoi, tout naturellement, ils exigeront de somptueuses sinécures !

3. Nombre d’entités se prévalent de la société civile alors que leur engagement politique est de notoriété publique. Cette perversion des concepts et des termes comporte un risque grave pour l’avenir. La société politique nie sa spécificité, si ses membres instrumentalisent la société civile à des fins partisane. Et la société civile perdra toute crédibilité, si elle bafoue les valeurs de neutralité et d’apolitisme qui sont sa marque distinctive. Le SeFaFi a souvent mis en garde contre ces dérives[1].

4. Une bonne partie de la classe dirigeante n’a plus ni sens ni respect des principes éthiques qui devraient réguler le fonctionnement de la société. Le constat vaut pour l’éthique traditionnelle et ancestrale autant que pour l’éthique chrétienne ou civique. L’opinion publique en général et les jeunes en particulier assistent, impuissants et révoltés, à ce contre témoignage.

Aussi le SeFaFi demande-t-il à tous les membres de la société civile qui se proposent de travailler à la résolution de la crise politique, de s’engager publiquement à rester membres de cette même société civile, en refusant tout poste politique, par voie d’élection ou de nomination, dans les institutions de Transition et de la future IV° République. Leur crédibilité et leur honneur de citoyen sont à ce prix.

La classe politique dévoyée

Il n’est de jour que les médias n’étalent les turpitudes de la classe politique. Le SeFaFi en a fait état lorsqu’il a tenté d’élucider les causes profondes des crises auxquelles Madagascar est périodiquement confronté depuis l’indépen-dance[2]. Pendant tout ce temps, les politiciens n’ont cessé de donner au pays et au reste du monde le spectacle désolant de leur incompétence, de leur ambition immodérée et de leur rapacité financière. Il est désormais acquis pour tous les citoyens que ces soi-disant politiciens n’ont aucun sens du bien général de la nation qu’ils prétendent servir, et que leur horizon se limite à préserver par tous les moyens, les privilèges qu’ils se sont octroyés. Ce mensonge structurel des politiques, et l’indignité de leur comportement et de leur langage se sont étalés à Vontovorona les 26 et 27 août dernier.

Plusieurs points méritent d’être soulignés ici, et des propositions avancées, pour tenter, s’il est possible encore, d’assainir les mœurs politiques du pays.

1. La raison d’être d’un homme politique est de représenter ses concitoyens. Il est donc urgent de mettre un terme à l’existence de 200 partis, qui singularisent Madagascar dans la communauté internationale. La réalité, connue de tous, est que la plupart sont des groupuscules qui incarnent l’égo démesuré de celui qui se proclame chef de parti, et qui, pour faire croire qu’il a des partisans, convoque le ban et l’arrière-ban de sa famille et de ses relations. Le passage par les urnes est le seul test de leur représentativité, mais ces pseudo-partis ne cessent d’en repousser les échéances, craignant d’apparaître alors pour ce qu’ils sont. Aussi faudra-t-il que la prochaine constitution précise, comme cela se pratique ailleurs dans le monde, que les partis qui n’ont pas réuni 5 % de voix réparties au moins dans la moitié des régions du pays, ne seront pas autorisés à se présenter aux élections suivantes.

2. Par crainte de se voir débordés par la société civile, les partis se sont organisés en Espace de concertation (ESCOPol), pour proposer le 4 août un remake des accords de Maputo. Outre un énième calendrier de sortie de crise, ce nouvel accord semble avoir été motivé par le souci de trouver une place pour le plus grand nombre de politiciens. Devaient donc être érigés, pour durer moins de 6 mois, un Parlement de la Transition, composé d’une chambre haute (Sénat de la Transition, 90 membres) et d’une chambre basse (Assemblée Nationale de la Transition, 256 membres). S’y ajoutent le Conseil National de Réconciliation (44 membres). Pour faire quoi, le référendum constitutionnel devant se tenir le 17 novembre, et les élections législatives le 16 mars 2011 ? Alors qu’ils sont censés représenter la population, tous ces responsables exerceront leurs fonctions sans aucune légitimité électorale, mais par simple cooptation.

3. Une autre exigence que le peuple est en droit d’attendre de la part de ses représentants, est le respect des engagements pris. Pour ne prendre que les dates des étapes de sortie de crise, la liste est longue de tous les reniements auxquels ils nous ont habitués depuis plus d’un an. Des dates des législatives à celles du référendum, des assises régionales à celles des concertations nationales, c’est la valse ininterrompue, chacune se voulant plus définitive que la précédente, et s’avérant aussi fausse que la suivante. Ces dénis à répétition prouvent que les dirigeants ne maîtrisent pas leur sujet, ce qui est grave ; ils témoignent surtout de leur mépris pour une population tout juste bonne à avaler les effets d’annonce.

4. En outre, la classe politique devra faire juger les scandales qu’elle accumule depuis 50 ans, à son bénéfice personnel mais au détriment des intérêts du pays et de ses habitants. Le SeFaFi a récemment rappelé les nombreux dossiers qui ont défrayé la vie nationale, enrichi les affairistes et appauvri le pays[3]. A présent, l’opinion publique attend que la lumière soit faite sur de sulfureux dossiers dont nul n’ignore qu’ils relèvent de la justice, que les éléments de l’enquête sont réunis, et que seule manque la volonté politique de les faire passer en jugement. Ainsi, pour ne citer que les plus graves, les 500 millions d’Ariary donnés aux responsables de la Gendarmerie, et les coupes et exportations illégales de bois de rose dont les commanditaires et les bénéficiaires sont connus[4]. Dans la même logique, chacun attend que soit rendue publique la teneur exacte du contrat signé entre les autorités de la transition et la société chinoise Wisco pour l’exploitation du minerai de fer de Soalala. Les richesses naturelles n’appartiennent pas aux politiques, elles sont la propriété du peuple malgache qui est en droit de connaître l’utilisation qui en sera faite.

En conclusion, la tentation est grande de crier « ça suffit ! ». La classe politique a failli, sur toute la ligne, et depuis un demi-siècle. En face, il est vrai, la population a souvent consenti, quand elle n’était pas complice. Rappelons-nous ses enthousiasmes de 1972, 1975, 1991, 2001 et 2009. Pour reprendre le mot du président Obama adressé à l’Afrique depuis le Ghana, Madagascar « n’a pas besoin d’hommes providentiels. Elle a besoin d’institutions fortes ». Et d’une société civile qui, au lieu de lorgner dans l’assiette des politiques, garantisse le respect de ces institutions. Qui a encore envie d’applaudir au spectacle donné par une classe politique dévoyée et vénale? Et qui se préoccupe réellement de l’avenir, à commencer par une réflexion générale sur la future Constitution et les pratiques de la IV° République ? Il y a là l’occasion pour les politiciens les plus lucides et les plus courageux de racheter leur honneur perdu.

Antananarivo, le 3 septembre 2010



[1] « Caractéristiques et responsabilités de la société civile », du 29 octobre 2005, dans Une société civile sans interlocuteurs, un déni de bonne gouvernance ?, SeFaFi, 206, p. 36-43, et « La société civile et sa fonction d’interpellation », du 21 octobre 2009, dans Tourmente populaire et confusion politique, SeFaFi, 2010, p. 50-57.

[2] « Les pratiques politiques et les moyens d’accéder au pouvoir depuis 1972 : une relecture proposée par le SeFaFi », communiqué du 17 février 2009. Voir le recueil du SeFaFi, Tourmente populaire et confusion politique, 2010, p. 8-19.

[3] « Du bon usage de l’argent public, encore et toujours », communiqué du SeFaFi daté des 16 juillet et 5 août 2010.

Mis à jour ( Samedi, 04 Septembre 2010 15:09 )  
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