EXPULSION BRUTALE SANS RAISON APPARENTE Après le père Sylvain Urfer, le père Pedro Opeka ?
Alors que les immigrés en France, surtout les Africains, tremblent face à la politique du Président Sarkozy en matière ’immigration, c’est le gouvernement malgache qui donne un exemple assez malsain en la matière.
En effet, le père jésuite Sylvain Urfer, sans rime ni raison, à moins que la fameuse « raison d’Etat » implique la non transparence, vis-à -vis d’un peuple qui vient juste d’être sollicité pour un referendum constitutionnel, a été invité à quitté Madagascar sans avoir eu le temps de dire «ouf ».
 Dans ce cas de figure, le pouvoir actuel met de l’eau dans le moulin des supputations en tous genres. En fait donc, c’est lui qui entretient cette atmosphère délétère dont je parle dans un article consacré à la liberté de presse. Puisque le pouvoir ne veut pas donner une raisons valables, je vais vous donner les raisons d’une entrave certaine et flagrante à la liberté d’expression garantie, pourtant, dans la Constitution malgache. Dans ce genre d’article, tout doit reposer sur des réalités vécues, par d’autres surtout, car sinon vous serez taxé d’affabulateur, d’ennemi du MAP (Madagascar Action Plan), après avoir été jugé ennemi de la révolution socialiste, empêcheur d’atteindre le paradis du même nom. En premier lieu, donc, voici le constat de David, un Français de passage à Antananarivo, en mai 2003 : « On parlait d'un pays de contrastes, un pays changeant et divers.
Tana, la capitale, est un petit concentré de tout ça. Au Sénégal, la misère était cachée : on ne voyait pas trop les disparités entre les gens. A Tana, rien de tout cela. En fait je n'arrive pas à comprendre quelle est la majorité de la population. Il y a énormément de monde, surtout des gens qui ont l'air vraiment très pauvres. Les gamins pieds nus, sales avec un gros ventre et ce regard si intense quand ils demandent une pièce. Ça me bouleverse. Cette dame qui vit avec seulement un kilo de riz par mois, autant dire rien… Ces gens sur les marchés qui essaient de vendre des petits articles, quelques oignons récoltés, comme ces deux petits vieux avec leurs dizaine de tomate, et leur sourire si touchant… Ces paysans maigres assis par terre qui vendent leur petite production de carottes à la capitale.
Ces jeunes filles qui, le soir tombé, font le trottoir dans le noir. Ces gens qui vivent dans une maison en carton au bord de la route. Cet immense bidonville des bas quartiers, avec sa boue, son marché gigantesque, à 5 min du centre ville. A côté de tout ça, il y a des personnes de niveau aisé qui vont faire leurs courses au marché acheter ces trois oignons à cette pauvre femme.
Il y a ces voitures qu'il faut montrer, symbole indéniable de richesse : des Renault tuning-ées, des superbes Mercedes, des 4X4 flambant neufs, des Lagunas et autres Kangoo…Les enfants bien nourris qui vont à l'école, tout fiers avec leur bel uniforme, et qui croisent des mômes de leur âge en train de mendier. Tout ça créé une impression bizarre, mais finalement différente de ce que je pensais : la disparité entre riches et pauvres est immense, mais ils vivent côte à côte, se côtoient tous les jours dans le taxi-bé (mini bus collectif), dans la rue, chez eux.
Les riches ne se cachent pas des pauvres, et les pauvres ne se cachent pas des riches.
La société malgache est une société de castes et de hiérarchie. Comme en Afrique, le jeune doit respecter le vieux. Comme en Asie, la famille est très hiérarchisée, et il en va aussi ainsi dans la société : chacun a sa place, riche ou pauvre, et c'est comme ça. Chaque individu n'est rien sans sa famille, sans sa société, sans le petit mendiant et le garde barrière. Chacun a sa « spécialité » : pauvre, riche, taxi, cadre. Et c'est normal pour tout le monde ! A nuancer évidemment, la misère n'est pas normale pour tout le monde et révolte bien entendu la plupart des Malgaches ».
Avant Urfer Après Urfer « Le père Urfer, un prêtre français qui vit depuis 30 ans dans les bidonvilles de Tana et qui est une personnalité très influente, voire dérangeante, nous a présenté sa vision de la Grande Ile, que je vais résumer en quelques mots : Madagascar a des atouts formidables mais reste un des pays les plus pauvres de la planète. Pourquoi ? Sans doute à cause du blocage culturel.
Le problème ne réside pas uniquement dans la colonisation française ! Tous les pays du sud ont eu une colonisation et s'en sortent différemment. Non, ici, il y a un problème de différence culturelle au sein même du peuple malgache. Les côtiers disent souvent qu'il y a eu une double colonisation : française et merina. (les Merina -prononcer Merne- sont l'ethnie historiquement dominante, vivant sur les hautes terres). Encore aujourd'hui, il n'existe pas de lecture commune de l'histoire. Les merina ont imposé leur langue, leur culture, leur mode de fonctionnement... Pour résumer, la culture malgache est perçue par les Malgaches comme unique, incomparable. Les habitants de Madagascar ne voient en l'étranger qu'une différence.
On entend souvent « Tu ne peux pas comprendre, tu n'es pas malgache ». Les Malgaches, toujours selon le père Urfer, ne s'en sortiront que s'ils intègrent que la différence peut être une force. Il y a actuellement une coupure dans l'humanité. Et le père Urfer enfonce le clou : ou bien les Malgaches sont les seuls humains sur terre, et alors tous les autres n'ont pas d'humanité. Ou bien tous les autres sont humains, et donc pourquoi ne le seront-ils pas, eux? Intégrer que l'humanité de l'étranger ne nie pas la particularité malgache, mais est un postulat pour construire. Selon le père Urfer, un autre problème malgache est le fait qu'il est impossible pour eux de répondre à la question : « qu'est-ce qui te fait malgache ? ». Ils sont certains d'être uniques, mais ne savent pas pourquoi. Il y a une incapacité à extérioriser et à formuler son unité.
Les conséquences peuvent être graves : Madagascar peut se faire absorber par la mondialisation occidentale et alors culture rimera avec folklore. Ou bien il est encore temps d'analyser les fondements de la culture malgache et de les adapter à la modernité, du moins ce qu'il en reste. Je ne sais pas si vous arrivez à percevoir sa pensée, ce n'est ici qu'une transcription rapide de 2 heures de conférence passionnante qui ne laisse pas indifférent ! ». En cette année 2007, ces constats sont plus que valables car vécus au centuple ! Quant à la pensée du père Urfer, elle est développée dans son ouvrage « L’espoir et le doute : un quart de siècle malgache », sorti en 2000 aux éditions « Karthala », revu, corrigé et réédité en 2006 chez « Foi et Justice », 234 pages. Dans « L'Express de Madagascar » du 11 avril 2006, notre confrère Andry Rabeherisoa l’a résumé ainsi : « Le père Urfer est connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, quand il s'exprime en public.
Tout comme il ne prend pas non plus la peine de mettre de l'eau dans l'encre où il trempe régulièrement sa plume pour disserter sur son sujet favori depuis quelques années : Madagascar. « L'espoir et le doute », c'est le paradoxe malgache raconté et analysé par un humaniste convaincu et grand amoureux de Madagascar, mais qui a toujours fait en sorte de garder l'œil froid et critique. On admettra qu'il est difficile pour un prêtre catholique et écrivain de faire moins, surtout quand il a décidé d'évoquer un sujet sensible où son impartialité pourrait être facilement mise en doute : l'engagement chrétien et le rôle de l'Eglise dans la vie politique malgache, depuis la colonisation jusqu'aux secousses de 1991. Force est de reconnaître que de cet exercice, le père Urfer s'en sort plus qu'honorablement, et que, tout compte fait, il n'a de leçon d'objectivité à recevoir de personne.
Des leçons de vérité, par contre, il pourrait en donner, et beaucoup ! Tout au long des pages de « L'Espoir et le doute », Sylvain Urfer ne fait pas que dénoncer des pouvoirs corrompus, irresponsables, les pillages autorisés, etc.. Dans un style très simple, une écriture admirable de limpidité, de celles qui donnent l'impression au lecteur d'être intelligent, l'auteur démonte aussi, rouage après rouage, le mécanisme complexe de tout un système de comportements et de mentalités, ceux du Malgache, dirigeant ou dirigé, et qui est en grande partie responsable de l'état de déchéance dans lequel se trouve le pays depuis quelques années ».
En second lieu, notre confrère Tanguy Berthemet, dans un article intitulé « La présidence malgache sous surveillance », paru dans « Le Figaro » du 2 décembre 2006, écrivait : « Malgré les promesses, le gouvernement sortant n'a guère endigué la misère. Deux Malgaches sur trois vivent toujours sous le seuil de pauvreté et le pays, en dépit d'un potentiel effarant, végète encore parmi les plus pauvres du monde. Demain, le déroulement du vote sera donc scruté de très près. Analystes politiques est diplomates redoutent qu'une victoire trop large ne réveille de vieux démons.
Car si Marc Ravalomanana a su museler son opposition politique, la société civile s'organise. Au fil des années, certaines Églises, l'Église catholique en tête, ont pris leurs distances. Elles reprochent au président, en termes de plus en plus vifs, ces accès d'autoritarisme, son isolement et un certain affairisme. Selon le père Sylvain Urfer, membre de l'Observatoire de vie publique, le self-made-man aurait profité de sa position « pour mettre le pays et les marchés de l'agroalimentaire, de la publicité et des médias sous sa coupe économique » ».
Enfin, Le mardi 17 avril 2007, en présence de Madame et Monsieur Alain Le Roy, Ambassadeur de France à Madagascar, le père Urfer présentait encore, au CITE Ambatonakanga, le thème « Christianisme et tradition malgache ». Ce, dans le cadre d’un cycle de conférences-débats organisé par « l'association Madagascar Fenêtres ». Ses idées n’avaient pas changées d’un iota, étant donné la conjoncture actuelle. A la lueur de tout cela, le pouvoir, en expulsant le père Urfer d’une manière aussi peu « catholique », est en train d’appliquer les rouages d’un état policier basé sur la vengeance, dignes des années noires de la Dgid (police politique de Didier Ratsiraka) pour qui, tout ce était hors du petit livre rouge était anti-révolutionnaire, impérialiste.
Actuellement, il semble que le père Urfer, à travers ses idées, serait devenu anti-MAP donc persona non grata pour le pouvoir en place. A Madagascar, la chanson qui dit : « Ce n’est pas la loi qui fait les hommes mais les hommes qui font la loi », prend tout son sens. Plus personne n’est à l’abri de tracas de ce genre dans la Grande île.
Les nationaux en cabane et les étrangers expulsés. Le père Urfer est le troisième français à être expulsé sans raison apparente, et illico presto, après nos confrères, Olivier Péguy, correspondant de Rfi et Christian Chadefaux qui avait vécu plus de 40 ans au pays.
Dans le contexte « religion » qui sera le prochain ? Le frère Romain Légaré, lui, est peinard car il va recevoir une décoration de la République française dans le cadre des 75 ans de l’Ecole Sacré-Cœur d’Antanimena (ESCA). Mais le père Pedro Opeka, lui, n’est pas à l’abri. Surtout avec sa montée au créneau pour l’histoire des ordures qui ont envahi le domaine « Akamasoa » qu’il a construit avec les sans abri de la capitale. Pour le moment, vu son poids sur le plan international, il est intouchable. Mais cet adjectif est caduc pour un pouvoir qui trouvera toujours quelque chose au moment où l’on s’y attend le moins. Si au moins, un motif avait été avancé, on pourrait en discuter.
Mais là , çà pue la dictature à plein nez. Au fait, qui est le père Urfer, devenu ennemi public n°1 au même titre qu’un vulgaire cambrioleur ? Après avoir séjourné plusieurs fois à Madagascar, le père Sylvain Urfer, jésuite français diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, s’y installe en 1974. Il commence par enseigner aux collèges Saint Michel d’Amparibe et Saint Antoine d’Andravohangy. De 1980 à 2005, il sera en charge de la paroisse d’Anosibe, un quartier populeux des plus pauvres d’Antananarivo. Il soulagera, tant bien que mal, les souffrances et fractures sociales, à travers l’ADA (Association pour le Développement d'Anosibe). Cette association organise des activités sociales et. parascolaires pour leurs élèves dans la paroisse catholique. Le père Urfer a largement contribué à l’essor de l’Apostolat de la Mer dans l’océan indien.
En parallèle, il fonde le centre d’études et d’édition « Foi et Justice » en 1989, tout en assurant quelques enseignements à l'Institut catholique de Madagascar (ICM) et au Grand séminaire d'Antsirabe. Mais le père Sylvain Urfer est aussi membre actif de la SEFAFI (Observatoire de la vie publique), au même titre que Madeleine Ramaholimihaso, Henri Raharijaona, Horace Gatien, Jean Eric Rakotoarisoa, Roger Bruno Rabenilaina et les journalistes Adelson Razafy et Noro Razafimandimby.
Ce cercle de réflexion publie des communiqués souvent très critiques et pertinents. Mais rarement écoutés… Heureusement qu’ils demeureront des archives pour le tribunal de l’Histoire. Le jeudi 10 mai 2007 au matin, sans prévenir, des émissaires du MIRA (ministère de l'Intérieur et de la réforme administrative) sont venus au domicile du père Sylvain Urfer à Andrefan'Ambohijanahary. Ils lui ont présenté une note écrite d'annulation de son visa de séjour, assortie d'une interdiction d'entrée à Madagascar. Sans aucune précision, quant aux motifs.
Cette note lui intimant de quitter le territoire dans les 48 heures porte la signature du Premier ministre et ministre de l'Intérieur, le Général Charles Rabemananjara (photo ci-dessous) qui se piège lui-même bien que les ordres sont sûrement venus de plus haut... Au nom de « l’Etat souverain », peut-être ? Il s’agirait, dit-on, d’une « mesure administrative ». Mais dans quel contexte ? Avec le nombre d’années passées à Madagascar, le père Urfer aurait très bien acquis la nationalité malgache sans problème.
Alors ? Le père Sylvain Urfer quitte Madagascar ce soir du vendredi 11 mai 2007. Bon débarras ? Encore plus que ces prédécesseurs, le pouvoir Ravalomanana pratique l’art consommé de compliquer les choses et de se faire des ennemis pour des questions purement d’orgueil.
Mais le danger dans cette pratique : Primo, cela va créer des scissions au sein de la communauté chrétienne à Madagascar. En effet, on va dire que l’Amiral Ratsiraka -que le Père Urfer n’a pas ménagé non plus- n’a pas osé l’expulser car il est catholique comme lui, alors que le Président Ravalomanana est protestant ; secundo, çà va être le verrouillage total de toute action ou initiative allant dans le bon sens, de la part des commis de cet Etat bizarrement paradoxal. Deux exemples de « tennis administratif », les réactions, le jeudi 11 mai 2007 au soir, de deux responsables directs.
Désiré Rasolofomanana, secrétaire d'Etat chargé de la Sécurité publique : « Est-ce que cela ne relève-t-il plutôt d'une mesure administrative ? En tout cas, si cela s'avère exact, nos éléments ne feront qu'exécuter la décision ». Plus étonné que lui on meurt.
Il était donc impossible de vérifier avant de commettre l’irréparable ? Gervais Rakotonirina, secrétaire général du ministère de l'Intérieur : « Je ne suis pas encore au courant.
En tout cas, c'est bien le ministère de l'Intérieur qui est responsable en matière d'expulsion d'un individu du territoire national ». Preuve flagrante que la communication est vraiment le talon d’Achille de ce pouvoir Ravalomanana qui espère l’arrivée massive d’investisseurs… Mais le Sylvain Urfer n’est pas un investisseur, c’est seulement un père des pauvres… Quant au père Pedro Opeka, qu’on ne présente plus ici, il est consterné : « Je suis vraiment consterné par cette mesure.
Madagascar a toujours été un pays d'accueil, surtout pour les missionnaires. Il est regrettable d’expulser une personnalité comme le père Sylvain Urfer ». Dans une mesure moindre, c’est comme si on avait expulsé Mère Térésa de Calcutta (photo ci-dessus). Seigneur où va ce pays ? En tout cas, le tribunal de l’Histoire tiendra compte de cette décision aussi bien inexplicable qu’inexpliquée. Qui sème le vent récolte la tempête. Etrangement, cette décision vient juste au moment où se tient la semaine sainte de l’Eglise adventiste à Madagascar.
Si ce n’est pas de la zizanie, Dieu que çà lui ressemble. Il y aurait donc les chrétiens d’un côté et les crétins de l’autre ? Enfin, au point où on en est, radio trottoir dit que le Pèrer Urfer aurait hébergé Pety Rakotoniaina, le maire de Fianarantsoa, candidat à la présidentielle du 3 décembre 2006 et « wanted » pour 100 millions d’Ariary.
On n’en est pas à une ineptie près. Mais c’est vraiment une ambiance de suspicions que vivent les catholiques et la société civile malgaches.
Signalons enfin que le père Sylvain Urfer est également l’auteur de l’ouvrage : « Le Doux et l’amer (« Tantely amam-bahona »), Madagascar au tournant du millénaire » (Foi et Justice, Antananarivo, 2003, 268 pages). Encore une fois, www.madagate.com n’a pas à défendre une personne ou une entité spécifique mais se pose comme le garde-fou des dérives anti-démocratiques où la Nation, donc le peuple, paiera encore et toujours les pots cassés. Dossier préparé et mis en ligne par :