Manitas de Plata en 2013
En 40 ans de carrière, il a vendu plus de 93 millions d’albums et plus de 83 disques différents. Logiquement donc, il aurait du être milliardaire, rien que pour les droits d’auteur. Ben non. A 92 ans, Ricardo Baliardo, alias le guitariste gitan Manitas de Plata, n’a même pas de quoi se payer les services d’une auxiliaire de vie, comme on dit en France. Pourquoi ?
Manitas de Plata jouant devant Picasso (de face) sidéré
Manitas de Plata (qui signifie littéralement petites mains d'argent) est né le 7 août 1921 à Sète (sud de la France) dans une caravane. Il apparaît pour la première fois en public en mars 1964, à Arles, un soir de corrida. Présent, le peintre Pablo Picasso s’exclama, après l’avoir écouté jouer : « Il vaut plus cher que moi ! ». Du coup, on l’a surnommé « le Picasso de la guitare flamenco ». Manitas était aussi l’ami d’un autre peintre d’exception, Salvador Dali.
Manitas de Plata et Marlon Brando à New York en 1965
Après avoir enregistré son premier album dans la chapelle d'Arles, Manitas de Plata joue au prestigieux Carnegie Hall de New York en décembre 1965. Ce sera le début d’une renommée planétaire pour ce gitan illettré qui ne sait lire aucune note de musique.
Manitas de Plata avec Maurice Chevalier, Juliette Gréco, Tino Rossi, Brigitte Bardot, le Président Kroutchev, Fernandel, Charles Trénet (le chanteur fou) et Sir Charlie Chaplin (Charlot)
Son savoir est un authentique don de Dieu. « Cette renommée lui permettra de rencontrer les personnes les plus influentes du monde artistique, économique, littéraire et politique, toutes subjuguées par l'art, la personnalité de l'artiste à la fois modeste, quelque peu narcissique, mais toujours si attachant, émouvant et authentique ».(wikipedia).
New-York, 16 décembre 1965. Lors d'un gala en l'honneur des Droits de l'Homme, Manitas de PLATA donna un récital. Lors de la soirée, il retrouve le peintre et sculpteur espagnol Salvador DALI, le Secrétaire général des Nations Unies U-THANT ainsi que GALA, épouse de Dali, et le guitariste José REYES.
A l’issue d’une rencontre avec le Secrétaire général des Nations-Unies, U Thant, il est décidé de la mise en place d’une « permanence internationale du monde gitan représentant ses populations diverses et variées » au siège de l’ONU à New-York. Dès lors, quoi qu’il puisse arriver, Manitas de Plata laissera en héritage un souvenir impérissable.
Sa dernière apparition en public remonte au 31 octobre 2012 à l’Olympia de Paris (photo ci-dessus). Il était l’un des invités surprises du concert de Chico Castillo, un autre maître de la musique flamenco mondiale.
Manitas de Plata devant sa Rolls Royce qui n'est pas à la portée du commun des mortels
Le 19 avril 2013, Manitas de Plata, qui vit à la Grande-Motte, est atteint d’un malaise cardiaque. Après avoir été mis en observation à l’hôpital de Montpellier, il retourne dans son studio. Surprise ! Actuellement, il s’avère qu’il n’a même plus les ressources minimales pour bénéficier des services d’une auxiliaire de vie, comme on dit en France. Du coup, les mauvais côtés de la vie lui sont imputés : « Flambeur, charmeur et généreux, l’argent lui a toujours brûlé les doigts… d’argent ». Manitas est un enfant du voyage qui reconnaît avoir vécu toute sa vie « au jour le jour ». A la question : « Pourquoi ne pas avoir acheté des biens immeubles, des terrains ? », il a répondu : « La terre c’est pour les morts ».
Manitas de Plata avec sa maman (Ã droite), devant la roulotte originelle
Pourtant, il admet la dure réalité à propos des « amis » : « Je ne pensais pas qu’un jour tout s’arrêterait. L’argent que j’ai gagné je l’ai dépensé en m’amusant et j’en ai énormément donné autour de moi, à des gitans comme moi qui étaient pauvres. Je ne regrette pas. Si j’avais à nouveau de l’argent, j’en donnerais toujours autant. L’argent s’est fait pour ça. Ce qui est difficile, c’est de voir que quand tout va bien vous avez plein d’amis et que quand vous êtes ruiné quasiment tout le monde vous abandonne » (La Dépêche). En langue malagasy, le proverbe suivant traduit parfaitement cette situation très courante de nos jours : « Havana raha misy patsa ».
Quel serait le vœu des membres de sa famille et de lui-même ? Remonter sur scène et faire à nouveau des disques. Un concert est même envisagé pour fin septembre 2013. Son fils Fernando et son ancienne compagne, Nathalie ont créé une association pour venir en aide au guitariste. Le contact est le suivant: Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
Le 14ème Dalaï Lama, Tenzin Gyatso, Prix Nobel de la Paix 1989
Quoi qu’il en soit, la situation de Manitas de Plata prend un peu à contre-pieds la sagesse du Dalaï Lama. En effet, à la question : Qu’est-ce qui vous surprend le plus dans l’humanité ?
Le Dalaï Lama a répondu sans hésiter : « Les Hommes. Parce qu’ils perdent la santé pour accumuler de l’argent ; ensuite ils perdent de l’argent pour retrouver la santé. Et, à penser anxieusement au futur, ils en oublient le présent de telle sorte qu’ils finissent par ne vivre ni le présent ni le futur. Ils vivent comme s’ils n’allaient jamais mourir et meurent comme s’ils n’avaient jamais vécu ».
Manitas de Plara semble avoir bien vécu, il a laissé des tas de souvenirs à la postérité. Mais aura-t-il une belle mort ou mourra-t-il fauché comme un blé ?
Personnellement, ma conviction est la suivante : on nait, on vit et on sera fauché. Oui : on sera tous fauchés par Madame la mort, la plus démocratique finalité qui existe. Ce qui nous ramène à l’Ecclésiaste : tout n’est que vanité et poursuite du vent. Hélas, l’être humain ne semble pas s’en rendre compte et fait tout pour faire de sa vie un enfer pavé de très mauvaises intentions.
Jeannot Ramambazafy – 30 juillet 2013