On raconte qu’un jour qu’il se promenait dans son royaume, il tomba dans la mer. Une île surgit, épousant la forme du pied gauche de Darafify : Madagascar.
Madagascar !
O combien d’énigmes pose ta provenance
Ainsi que celle de tes premiers habitants !
Un certain Ernst Hoeckel dit qu’avec Ceylan
Tu restes le vestige d’une lointaine existence
Celle d’un grand continent dans les mers asiatiques
Je rêve à cela en pensant à l’Orient
Comment s’est-il créé cet Océan Indien
D’où nous vînt le déluge innondant nos tropiques
Est-ce du maléfice du Cancer lui-même ?
Le Capricorne, touchant Ă notre Sud extrĂŞme
Nous a-t-il détourné du cataclysme fatal ?
Est-ce ainsi que notre île, fille à longue chevelure
Belle de ses forêts, née dans une aventure
Enfantera sans cesse ? O mystère triomphal !
DOX, « Chants capricorniens »
Bien avant que les hommes n’établirent possession surla terre, la Nature y acquit ses droits. Un fils de Zanahary descendu du ciel vint à s’y égarer, dit-on.
Dieu intima alors l’ordre que toutes les choses créées se mettent à la recherche de son fils perdu.
Et tout le créé se mit en quête de celui-ci. Au Nord, au Sud, à l’Ouest, mais il ne le trouva point. Et aucun des chercheurs ne pensa à l’Est.
Alors Zanahary parla : « Vous avez cherché notre fils au Nord, au Sud et à l’Ouest, mais vous ne l’avez pas trouvé ; maintenant, prenez garde et faites attention à la lumière qui éclaire le chemin sur lequel vous devez le chercher ».
Le soleil se leva soudain, jetant sa lumière sur le chemin où les choses créées devaient chercher le fils de Dieu.
C’est la raison pour laquelle, désormais, on se tourne vers l’Est, pour prier et sacrifier, afin que se relève chaque jour le soleil de l’Est.
Car depuis, on n’a pas encore retrouvé ce fils de Zanahary que recherche le créé.
Est-ce aussi ce qui y rend la Nature particulièrement luxuriante et généreuse ?
Le père-et-mère
Unique
J’ai porté
Razambé
Les-Grands-AncĂŞtres
Qui dorment
Sous la pirogue
De tambourissa
Vololona Picard, « De Jaspe et de sang »
C’est à la même époque que les lémuriens apparurent à Madagascar.
Cela se passait dans un ménage où le mari était très malheureux : sa femme le battait tout le temps pour un oui ou pour un non. Il était tellement malheureux qu'il n'avait plus le goût de vivre et sa femme ne l'autorisait même pas à boire du rhum.
Toute la journée il devait travailler, enfermé dans sa case. Un jour, il s'adressa au Dieu de la forêt en lui disant :
" Dieu de la Forêt, vois comme je suis malheureux, et depuis tellement longtemps. Tu es mon seul voisin, il faut que tu fasses quelque chose pour m'aider…".
Le Dieu de la Forêt fut ému par cet homme si gentil et désespéré. Il eut une idée : il le transforma en un merveilleux petit animal léger et agile : un lémurien. Ainsi l'homme pu se sauver au cœur de la forêt et échapper à sa mauvaise femme. On raconte depuis, que les lémuriens sont un peu misogynes : chaque fois qu'ils passent à côté d'une femme, ils lui pincent les fesses.
Quand celle-ci fit brusquement irruption, les humains décidèrent d’envoyer un messager auprès de Zañahary.
Le caméléon qui était alors l’animal le plus rapide fut désigné pour aller au ciel.
Obtenant immédiatement de Dieu l’antidote à la mort, le caméléon en fut si content qu’il écrasa par mégarde la fille unique de Dieu.
Profondément ému par l’accident, ses pieds s’engourdirent, l’antidote tomba et sa langue s’allongea.
Depuis ce jour, les hommes meurent tandis que le caméléon reste muet et n’avance qu’avec hésitation.
Le proverbe dit aussi : Ny olombelona toy ny embok’akondro:
Raha manondro lanitra iray ihany,
Fa raha miondrika, samy manana ny lafiny
Les hommes ressemblent aux fleurs de bananier :
Quand elles sont encore dirigées vers le ciel,
Elles paraissent ne former qu’un seul tout,
Mais quand elles s’inclinent, chacun occupe sa place.
Avez-vous déjà vu l’aube aller en maraude
Au verger de la nuit ?
La voici qui en revient
Par les sentes de l’Est
Envahies de glaĂŻeuls en fleurs :
Elle est toute entière maculée de lait
Comme ces enfants élevés jadis par des génisses ;
Ses mains qui portent la torche sont noires et bleues comme des lèvres de fille
Mâchant des mûres.
S’échappent un à un et la précèdent
Les oiseaux qu’elle a pris au piège.
Naissance du jour, Jean-Joseph Rabearivelo, « Presque-Songes »
Cette multitude de mains fondues
Qui tendent encore des fleurs à l’azur,
Cette multitude de mains sans doigts
Que le vent n’arrive plus à agiter,
On dit qu’une source cachée
Sourd dans leurs paumes intactes ;
On dit que cette source intérieure
Désaltère des milliers de bœufs
Et de nombreuses tribus, des tribus errantes,
Aux confins du Sud.
Mains sans doigts jaillies d’une source,
Mains fondues couronnant l’azur.
Ici,
Quand les flancs de la Cité en étaient encore aussi verts
Que les clairs de lune bondissant dans les forĂŞts,
Quand elles éventaient encore les collines d’Iarive
Accroupies comme des taureaux repus,
C’était sur des rochers escarpés et défendus même des chèvres
Que s’isolaient, pour garder leurs sources,
Ces lépreuses parées de fleurs.
Pénètre la grotte d’où elles sont venues
Si tu veux connaître l’origine du mal qui les décime,
- origine plus nébuleuse que le soir –
mais tu ne sauras pas plus que moi :
le sang de la terre, la sueur de la pierre
et le sperme du vent
qui coulent ensemble dans ces paumes,
en ont dissous les doigts
et mis des fleurs d’or à la place.
Je sais un enfant,
Prince encore au royaume de Dieu,
Qui voulait ajouter :
« Et le sort, ayant eu pitié de ces lépreuses,
leur a dit de planter des fleurs
et de garder des sources
loin des hommes cruels »
Cactus, Jean-Joseph Rabearivelo, « Presque-Songes »
DĂ©chirant la colline
Au défaut des broussailles
Comme un grand sexe
obscène
Le creux
des lavaka
Aux lèvres de latérite
Vololona Picard, « De Jaspe et de sang »
Si l’on examine le tronc, c’est qu’on veut voir les racines, dit un autre proverbe
Un arbre coupé a des racines ; un morceaux de bois fendu a un côté ; les paroles que l’on dit ont une fin.
C’est donc ici que nous nous quittons.
Angano, angano, arira, arira, Contes, contes, sornettes, sornettes, ce n’est pas moi le menteur, mais ce sont les Anciens.
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