Le candidat Hery Rajaonarimampianina en campagne
Si le candidat Jean Louis Robinson gagne le plus de points dans cinq des vingt-deux régions que compte la Grande île de l’océan Indien, par contre, le candidat Hery Rajaonarimampianina est en train de faire la différence en s’imposant dans les dix-sept régions situées hors du plateau central.
Dès le soir du scrutin (20 décembre 2013), se sentant morveux, Mister Robinson a crié victoire et a injecté dans les esprits faibles, cette histoire de « fraudes massives ». Actuellement, il est en train de chercher des preuves pour étayer ses accusations. A ce rythme, le Nelson Mandela malagasy n’est pas encore né… Marc Ravalomanana -qui hurle aussi aux fraudes- aurait eu sa dernière chance de sortir par une porte moyenne de l’Histoire, mais hélas, son entrée sur la scène politique ayant reposé sur des tas de mensonges (depuis 1999), il pense que la meilleure des démarches est d’effectuer une fuite en avant, quitte à mettre le pays à feu et à sang. Comme l’a précisé Guy Rajemison Rakotomaharo, ancien président du Sénat (2002-2008) qu’il a limogé au profit d’Yvan yvan Randriasandratriniony : « Marc Ravalomanana n’est pas homme à accepter la défaite » (Journal L’Observateur du 28.12.2013). Comme on dit en malagasy : « Azy ny azy ». Mais la vie continue. Laissons ceux qui veulent arrêter la marche du temps en se tournant toujours vers le passé qui ne reviendra plus, et fixons notre vision vers l'avenir. Voici l’interview du candidat Hery Rajaonarimampianina, effectué par l’équipe de JDE (Journal de l’Economie), le 10 décembre 2013.
Jeannot Ramambazafy
Vous êtes candidat au second tour de l’élection présidentielle à Madagascar, autour d’un programme de « rassemblement » et de « combativité nationale ». En quoi cette ligne de conduite est-elle nouvelle, ou différente de celle de vos adversaires ?
Ma ligne de conduite, dès le début de mon engagement pour cette élection présidentielle, a été celle du large rassemblement de toutes les composantes de la nation Malgache. Je veux œuvrer à bâtir un avenir de prospérité et de paix dans toutes les régions de Madagascar. Je suis profondément convaincu que les malgaches souhaitent vivement en finir avec la crise. Lors de mes déplacements, ils m’interpellent sur la nécessité de ne plus revenir en arrière. Je pense que ce qui me différencie, c’est cette volonté de me situer au dessus des différends, de rassembler et de convaincre. Je veux réhabiliter le Fihavanana, vertu cardinale de notre civilisation Malagasy (Ndlr : forme de lien social reposant sur des valeurs d’entraide et de solidarité).
Après la crise politique de 2009, vous avez été appelé en renfort par l’autorité de transition afin de redresser la situation économique. Pourquoi vous être engagé à l’époque ?
La situation économique de l’époque ne me laissait guère d’autre choix que d’accepter d’apporter mon aide à l’autorité de transition. Celle-ci m’avait sollicité non pas en raison de mes convictions politiques, mais en vertu de mon expertise des questions économiques. Souvenez-vous : les vannes de l’aide publique au développement avaient été fermées et le pays était alors entré en récession. Il fallait impérativement inverser cette spirale infernale en regagnant la confiance des acteurs économiques, et les dirigeants de l’époque m’ont demandé de les accompagner en ce sens. Quand on aime son pays, accepter les responsabilités qu’on vous impartit, en dépit des difficultés quelles qu’elles soient, est un devoir moral. Il est dicté par l’intérêt supérieur de la Nation.
Quel bilan tirez-vous de votre action ?
Aujourd’hui, le consensus politique dicté par la nécessité et par l’urgence a porté ses fruits : nous sommes parvenus à préserver les contribuables d’une pression fiscale trop forte. En outre, malgré cette crise inouïe, l'inflation et le cours de l’Ariary (La monnaie Malgache) sont demeurés stables, et les traitements des fonctionnaires ont toujours été payés à bonne date. Si l’on compare la situation de Madagascar à celle d’autres pays occidentaux comme la Grèce ou le Portugal, où les fonctionnaires, les pensions et les retraites en font les frais, je pense pouvoir affirmer que nous nous sommes montrés à la hauteur du défi.
Votre expertise particulière des questions économiques et financières fait donc de vous un candidat sur lequel repose beaucoup d’espoir ?
Il n’est pas superflu d’avoir l’ambition d’offrir à tous les Malgaches, sans exception, un accès large aux services sociaux de base tels l’éducation et la santé. Il faut pour autant disposer d’instruments financiers garants de la performance économique du pays, car l’éducation et la santé ont un coût pour l’Etat. L’économie doit être au service de l’humain, et non l’inverse. Je pense donc en effet que la maîtrise des sujets économiques et une expérience préalable de l’action étatique constituent une condition essentielle de l’exercice du pouvoir. On ne peut prétendre à la fonction suprême que si l’on est sûr de disposer des compétences pour assurer la prospérité à son pays.
Vous avez été directeur d’études, expert-comptable, gouverneur de la BAD, ministre… Faut-il y voir une construction logique de votre parcours jusqu’à cette candidature ?
Mon engagement en faveur de Madagascar ne date pas d’hier. Mais ma candidature, elle, est dictée par la volonté de la nation malgache de rompre avec des traditions politiques qui lui ont porté préjudice jusqu’alors. Je veux simplement mettre mon expérience au service de mon pays, et me faire le porte-voix des forces vives assoiffées de changement. Comme je le laissais entendre précédemment, dans la vie d’un homme politique, « l’envie » de servir son pays se mue progressivement en sens du « devoir » que l’on s’impose à soi-même en qualité de citoyen. Dans une certaine mesure, ma candidature s’inscrit donc dans la continuité logique de mon engagement citoyen, à ceci près qu’un homme d’état n’est pas un citoyen comme les autres : il a davantage de devoirs que de droits, et un candidat doit y être préparé.
Vous dites vouloir renforcer le cadre institutionnel de Madagascar pour redonner aux Malgaches confiance dans leur pays. Expliquez-nous.
La nation malgache doit trouver dans ses institutions un facteur de stabilité économique, sociale et juridique, quelle que soit la couleur politique de ses représentants élus. C’est le premier pilier de la lutte contre les inégalités et de la restauration d'un climat sain pour rassurer les investisseurs étrangers et le secteur privé. Un cadre institutionnel solide et stable est également la condition à remplir pour que Madagascar rejoigne le concert des grandes nations économiquement développées, et puisse dialoguer avec la communauté internationale dans une relation équilibrée. Madagascar doit, et peut aujourd’hui regagner son rôle de poumon économique et diplomatique dans l’Océan Indien. En outre, nous devons devenir, à court terme, le « grenier à riz » de l'océan Indien.
En matière de diplomatie, comment entendez-vous piloter des relations internationale distendues par les crises politiques successives qui ont frappé Madagascar au cours des dernières décennies ?
Je veux « ré-enchanter » notre diplomatie. Pour ce faire, je veux redonner une crédibilité durable à notre Pays vis-à -vis de ses partenaires extérieurs à savoir les institutions internationales, et les pays amis. Je veux aussi mobiliser nos représentations diplomatiques à l'extérieur au service du développement de notre pays. J'aurai également une attention toute particulière pour que la culture de notre pays rayonne au plan international. Nous avons d'immenses artistes. Il faut les mobiliser pour montrer la richesse culturelle de notre Nation.
Défendez-vous l’idée d’une nouvelle constitution pour endiguer les fléaux institutionnels qui déstabilisent le pays ? Si oui, comment entendez-vous garantir son respect ?
La Constitution de la Quatrième République a été élaborée après de très nombreuses consultations populaires dans toute l'île. Sa rédaction a fait l'objet de nombreuses consultations de spécialistes nationaux et internationaux. Cette Loi fondamentale, je le rappelle, a été adoptée par 74% de nos compatriotes avec une participation de 53%. En tant que Président de la Quatrième République, je serai le gardien de cette Constitution. Je veux la stabilité institutionnelle de mon pays.
Si vous êtes élu, sur quel point vous engagez-vous à être jugé, au terme de votre mandat ?
Je suis déterminé à faire du potentiel de mon pays la source de bien être des Malgaches. A mon sens, l’IDH (Indicateur de Développement Humain, NDLR) constitue un indicateur fiable de la santé et du bonheur d’une nation, et lui seul témoigne de la capacité d’un pays à combattre durablement la pauvreté. Mais c’est un chantier qui exige de mettre en œuvre une vision stratégique, et dont les effets se mesurent sur le long terme. Cela se traduit par des ambitions concrètes de modernisation. Je veux d’abord mettre en place de grands chantiers pour changer le quotidien des malgaches : des routes, des barrages, des infrastructures, des réseaux d’irrigation pour conférer au pays les moyens de son développement. Beaucoup de choses en découlent : du travail, notamment pour les jeunes, des transports pour désenclaver nos régions centrales et côtières, un meilleur accès à la santé, à l'eau ou encore à l'électricité. L'éducation est également une de mes priorités, de telle sorte à ce que notre jeunesse puisse profiter grandement du développement et en devenir, par la suite, le moteur. J’ai la volonté de développer notre agriculture pour aller rapidement vers l'autosuffisance alimentaire. Enfin, parce que c'est la clef du développement, je veux que chacun, s'il le désire, puisse créer son entreprise. Ce ne sont là que quelques pistes. Le chantier est donc vaste, mais je sais que notre peuple est prêt pour relever ce défi de faire de Madagascar enfin un pays prospère.
Vous définissez-vous plutôt comme un candidat libéral ou interventionniste ?
Je veux le retour d'un Etat fort, d’un Etat stratège et d’un Etat garant des libertés et du bien-être de chaque Malagasy. J’entends par là « un Etat fort par le peuple et pour le peuple », enfin capable de restaurer la sécurité. Il n'y a pas de développement sans sécurité.
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JDE (Journal de l’Economie) – 10 décembre 2013
Mise en page pour www.madagate.com: Jeannot Ramambazafy