Suite à une longue maladie, mon frère du Sud, Jean Gabin Fanovona, fondateur du groupe Vaovy, nous a quittés, le dimanche 7 mars 2010. Gabin, je l’avais connu à Ambovombe, sa ville natale, il y a une trentaine d’années déjà. De nature renfermée, Gabin était pourtant un compositeur de renom mondial. Malheureusement, peu de Malgaches le savent. Hommage personnel.
Si Serge Gainsbourg était un grand fumeur de Gitanes, Gabin, lui, préférait les Gauloises
Gabin est né à Ambovombe Androy, le 23 août 1948. En fait, je l’ai connu grâce aussi à Latimer Rangers, ce journaliste antandroy pas comme les autres, interdit d’antenne à la radio nationale durant 11 ans, sous le régime Ratsiraka, à cause de ses reportages en direct et aux réponses tout aussi directes des gens interviewés. Il avait à peine 17 ans lorsqu’il trouva sa voie artisitique, en créant le Groupe artistique de l’Androy ou GM. Déjà, il savait que, pour préserver une identité culturelle propre, il fallait puiser dans ses racines traditionnelles propres. C’est en 1972 que ses compositions originales sont enfin remarquées. Il participera, entre autres, aux festivals MASA (Marché des arts du spectacle africain) et donnera même des cours dans des écoles de France et de Navarre ! Les gens de la Maison de la Culture d’Amiens, de la Cité de la musique de Paris se souviendront sûrement de lui… Il faut dire qu’il avait intégré dans ses compositions les harmonies vocales spécifiques au Sud de Madagascar a capela. Parce qu’il était membre d’une chorale de l’église protestante très connue du canal du Mozambique (Toliara) aux rives de l’Océan Indien (Taolagnaro ex-Fort-Dauphin).
C’est en 1974, à 26 ans qu’il fonde le groupe Vaovy, avec Jean Désiré. Il s’agit d’une essence endémique bien malgache. Du bois quoi ! En réalité, le Vaovy, chez les Antandroy, est taillé en forme de récipient pour transporter de l’eau potable, élément de la vie, rarissime dans ce royaume du « Kere » (malnutrition et famine réunies) et des épineux (le rohy est un arbre épineux et Androy signifie littéralement dans les épineux.
Ainsi les Antandroy sont constitue le peuple qui y vit). Mais le Vaovy possède également des vertus pour guérir les maux de dents. On dit que (je n’aime pas cette expression) le Vaovy avait servi de bêche pour travailler le peu de terres arables là-bas. Enfin, le Vaovy a servi et sert encore à la fabrication des charrettes à zébus. Et il a même servi pour fabriquer des couteaux pour découper ces bêtes à bosse ! Etonnant.
Pour en revenir à la musique, Gabin ajoute des instruments électriques et électroniques aux instruments traditionnels à cordes et à percussion. C’est le bide total de la part du public car Gabin était trop en avance en regard de se qui se passe de nos jours. Mais, Mine de rien, Vaovy a, à son actif, cinq 45 tours vinyl. « Lahimora Ko lay », « Androy tane Mileven-drano », « Omeo Rano », « Salakao » (maintes fois repris), « Talignere ».
Sur le plan mondial, une des compositions de Gabin a été reprise dans deux albums anthololgiques. « Kila raha » dans « Ladies of Africa » et « World of Indigo ». Puis il y aura les albums “Angira” et “Vamba”. Pour ce dernier, Gabin a fait appel à des musiciens hors pair. Solo Razaf (guitare), Régis Gizavo (accordéon) et Vincent Bucher (harmonica). Ecoutez « Mafe » sur la vidéo ci-dessous :
Maintenant qu’il est parti, sans doute que le public prêtera plus d’attention à ses œuvres. C’est toujours comme çà pour les grands artistes. Sa dernière apparition au niveau mondial aura été lors du FIMU 2007 (festival international de musique universitaire) de Belfort. « Maty vao Ra-Malala » (c’est lors du décès d’une personne que l’on se rend compte de son importance). En guise d’homélie, laissons donc la place à Gabin lui-même qui va se présenter devant le Créateur pour avoir des réponses à ses questions terrestres :
Où es-tu Seigneur ? Où es-tu Dieu créateur ?
Tes voies sont autres que nos voies
Mais comment et pourquoi on sacrifie tant de femmes
tant d'hommes - La famine nous envahit
Ni feuilles, ni cactus ne poussent en leur saison
Seules, les feuilles mortes emportées par les tourbillons
L'absence prolongée de la pluie
L'automne qui s'enfuit provoque la sècheresse
Et tant d'enfants en détresse.
Jean Gabin FANOVONA (« Aia rehe Aba ») - 19 mai 2004
Le 9 mars 2010, comme toujours pour bon nombre d'artistes malgaches, Jean Gabin Fanovona a été élevé, à titre posthume, au grade de Chevalier de l'Ordre National de Madagascar. C'était à la Tranompokonolona d'Analakely. La médaille a été épinglé sur sa dépouille mortelle par Gilbert Raharizatovo, ministre de la Culture et du Patrimoine.
Pour ma part, au nom de madagate.com, j’adresse mes sincères condoléances à la famille de Gabin qui sera inhumé au caveau familial d’Ambovombe dans quelques jours, après un ultime hommage à Antananarivo où sont concentrées toutes les ethnies de la Grande île. Car, chez les Antandroy, où que vous mourrez, il faut que votre corps soit enseveli dans la terre des ancêtres. Au revoir Gabin, nos projets en commun se feront donc dans l’au-delà.
Jeannot RAMAMBAZAFY