Andry Rajoelina : « La démocratie mauricienne reste un modèle fort dans la région »
Président de la Transition de Madagascar, Andry Rajoelina a pris le pouvoir après avoir renversé Marc Ravalomanana. Dans l’entretien qui suit, de Madagascar, par e-mail, il livre ses impressions sur la situation politique dans son pays et les relations Maurice/Madagascar.
Kinsley Lai
Est-ce que vous comptez vous présenter comme candidat, lors des prochaines élections présidentielles ?
Le principal objectif, fixé lors du mouvement populaire de 2009, a trait au changement. L’actuel pouvoir de transition à Madagascar s’attelle ainsi à la concrétisation des aspirations populaires afférentes. Outre la tenue, avec succès, du Referendum constitutionnel du 17 novembre 2010, qui a permis à Madagascar de basculer dans vers la 4è République, toutes les actions du régime transitoire sont actuellement axées sur les préparatifs techniques des élections afin que les prochains scrutins, dans le cadre de la mise en place de toutes les Institutions de la 4è République, soient crédibles, justes, transparents et démocratiques, répondant aux normes internationales. L’adoption récente de la Feuille de route pour la sortie de route à Madagascar, et la mise en œuvre immédiate de ses dispositions, intègrent parfaitement l’optique de concrétisation de ce principal objectif.
Pouvez-vous avancer une date précise pour cette échéance ? Si oui, est-ce que les partenaires des institutions démocratiques malgaches ont été consultés à ce sujet ?
Le 2 mars dernier, la rencontre politique d’Ivato, où participait la majorité écrasante des partis et associations politiques à Madagascar, a déjà statué à ce que les élections présidentielles et législatives soient combinées et tenues en septembre 2011. Néanmoins, il appartient à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), en partenariat avec les experts des Nations-Unies déjà à Madagascar, de fixer la date précise. En tout cas, je réitère que la période transitoire devra prendre fin en décembre 2011. Ce qui sous-entend que toutes les élections, devant mettre en place toutes les institutions de la 4è République, devront être tenues avant cette date butoir.
Etes-vous prêt à faire face à Marc Ravalomanana ?
J’ai déjà été face-à -face avec Marc Ravalomanana durant le mouvement populaire de 2009. Il avait fini par démissionner de son poste présidentiel. Je l’avais aussi battu aux municipales de 2007.
L’histoire de Madagascar a été marquée par des conflits ethniques. En tant que membre de l’ethnie Merina, pensez-vous être capable de mettre un frein à cela ?
Cette histoire de conflits ethniques à Madagascar n’est qu’une simple vision du monde extérieur. Madagascar n’a jamais connu ce genre de conflits. Depuis toujours, et ce sera toujours ainsi, les Malgaches sont unis dans leur diversité. Et ils n’ont cessé, et ne cesseront jamais, de faire valoir leur légendaire « Fihavanana » pour cimenter davantage le socle de cette union nationale sacrée. L’adoption récente de la Feuille de route, par tous les acteurs politiques malgaches, en est une parfaite illustration.
Des bruits courent à l’effet que vous seriez en contact avec des politiciens mauriciens. Qu’en est-il exactement ?
Effectivement, dans le cadre de la visite privée qu’il a récemment menée à Madagascar, Xavier Duval, vice-Premier ministre mauricien, a eu un entretien fort instructif avec moi. En tout cas, eu égard à la situation géographique de Madagascar et Maurice, les deux îles doivent entretenir une collaboration étroite et développer des échanges économiques mutuellement avantageux pour l’essor, sur le plan multidisciplinaire, de la région de l’océan Indien.
Que représente l’île Maurice à vos yeux ?
Nul ne peut disconvenir que l’île Maurice constitue un modèle dans l’océan Indien, notamment en matière de tourisme international. De même, la démocratie mauricienne reste également un modèle fort dans la région, voire en Afrique. Ainsi, les liens historiques et historiques que noue l’île Maurice avec Madagascar doivent édifier un pôle exemplaire dans la région.
A travers les conflits internes à Madagascar, nous voyons aussi deux grandes puissances mondiales qui démontrent leurs intérêts : la France et les Etats-Unis. Qu’en est-il des relations de Madagascar à ce jour avec ces deux pays ?
Les liens historiques, liant depuis toujours Madagascar à la France, sont ineffaçables. D’ailleurs, le français est la deuxième langue officielle à Madagascar. Tout comme la France reste le premier partenaire économique et commercial de Madagascar. Néanmoins, Madagascar ne cesse de déployer tous les efforts requis pour améliorer davantage ses relations avec d’autres pays.
La Chine s’implique de plus en plus dans la vie économique de Madagascar. Quel est votre programme à ce sujet ?
Actuellement, la Chine marque une forte présence en Afrique, notamment en matière d’investissements. Ceci, de par la consistance impressionnante de capitaux dont elle dispose. En tout cas, plusieurs secteurs sont actuellement touchés par ces investissements chinois à Madagascar. La Chine va incessamment devenir le premier investisseur international à Madagascar.
Que préconisez-vous pour réduire le problème de la pauvreté dans votre pays ?
Eu égard à la spirale haussière des prix, notamment des denrées alimentaires dans le monde, Madagascar devra absolument satisfaire les besoins de son peuple. Cette autosuffisance alimentaire requiert inéluctablement la mise en place d’une politique de l’agrobusiness pour développer notamment la production rizicole, le sucre ou encore l’huile, afin que Madagascar ne dépende désormais plus d’autres pays en la matière. Seul un peuple satisfait sur le plan alimentaire peut s’atteler dans les normes requises aux actions de développement. D’autres secteurs porteurs vont également être exploités : par exemple, le tourisme offshore à Madagascar. Un autre chantier de taille sera enrobé de mesures d’accompagnement visant, entre autres, à faciliter l’accès au terrain pour les investisseurs internationaux. En clair, le but de ces grands chantiers est de faire augmenter l’afflux tant des investissements internationaux que le nombre de touristes étrangers, avec les inévitables retombées positives en matière de devises étrangères et de création d’emplois.
Nous découvrons que des Malgaches s’intéressent à investir à Maurice. Quelles sont les perspectives mauriciennes d’investissements dans votre pays ?
Nous allons tenir, cette année, le « Forum international de l’investissement touristique » à Madagascar pour déterminer et évaluer les besoins sur le plan touristique, notamment des deux îles. En tout cas, tous les chantiers d’investissements à implanter dans chacune d’elles doivent être mutuellement avantageux.
A quand un visite officielle de votre part à Maurice ?
Je pense très prochainement…
Kinsley Lai
JDS (île Maurice), n°65 du 12 mars 2011