Le Docteur Simel Esim
Les coopératives ont mieux résisté à l’aggravation de la crise économique et de l’emploi dans le monde que les autres secteurs. La Journée internationale des coopératives (7 juillet) déclarée par les Nations Unies offre aux coopératives une occasion de réaffirmer leur position mondiale. Entretien de l'OIT Info avec le Docteur Simel Esim qui dirige l’Unité des coopératives de l’OIT.
Le rôle des coopératives dans l’économie est-il souvent sous-estimé ?
Simel Esim : La contribution économique des coopératives, bien que substantielle, est souvent sous-évaluée, voire totalement ignorée. En termes de chiffre d’affaires, les 300 plus grandes coopératives dans le monde dépassent 1 600 milliards de dollars, plus que le PNB du Canada. En Argentine, en 2005, 58 pour cent de l’électricité en zone rurale était fournie par des coopératives. En Colombie, Saludcoop, une coopérative de santé, dispense des services de santé à 15,5 pour cent de la population. Au Japon, 9,1 millions de familles d’agriculteurs sont membres de coopératives qui emploient 257 000 personnes. En Inde, les besoins de 67 pour cent des foyers ruraux sont couverts par des coopératives et, en Suisse, la plus grande enseigne de distribution et plus grand employeur du secteur privé est une coopérative.
Quelle est l’importance du rôle des coopératives dans le système bancaire international ?
Simel Esim : Quelques-unes des plus grandes banques du monde, dont la Rabobank néerlandaise, le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel en France ainsi que la DG Bank en Allemagne, sont des coopératives. Rien qu’en Europe, on dénombre 4 200 banques coopératives locales qui détiennent 60 000 agences et une part de marché de 20 pour cent. En France, par exemple, 75 pour cent des agriculteurs sont membres d’au moins une coopérative agricole tandis que les banques coopératives détiennent 60 pour cent des opérations bancaires de détails. KUSCCO, une banque coopérative au Kenya, est la quatrième banque du pays avec un capital de 180 millions de dollars.
Les coopératives ont-elles mieux résisté à la crise ?
Simel Esim : Les données disponibles montrent que les coopératives dans l’ensemble des secteurs et des régions se sont montrées relativement plus résistantes que leurs homologues capitalistiques aux chocs que subit actuellement le marché. Les coopératives financières demeurent solides sur le plan financier; les coopératives de consommateurs déclarent des chiffres d’affaires en hausse; et les coopératives de travailleurs se multiplient parce que les gens optent pour le modèle coopératif d’entreprise afin de répondre aux nouvelles réalités économiques.
Pour vous donner un exemple, alors que les banques coopératives européennes réalisent 21 pour cent de part de marché, elles n’ont représenté que 7 pour cent des abandons de créances et des pertes de l’ensemble du secteur bancaire européen entre le troisième trimestre 2007 et le premier trimestre 2011. Même dans le contexte de récession actuel, l’OIT a constaté une hausse des démarrages de coopératives. En particulier, les coopératives d’épargne et de crédit et les unions de crédit contribuent à la création d’emplois dans le monde entier.
Comment expliquez-vous cette résistance des coopératives ?
Simel Esim : Bien qu’elles aient été certainement moins profitables que d’autres institutions financières autrefois, les banques coopératives ont amélioré leur rentabilité pendant la crise. Les banques coopératives sont moins susceptibles de prendre des risques et moins dirigées par la nécessité de dégager des profits pour les investisseurs et des bonus pour les gestionnaires.
Par rapport aux banques privées, les coopératives d’épargne et de crédit ne gèlent pas le crédit, modèrent la hausse de leurs taux d’intérêt et sont généralement plus stables en raison de leurs pratiques en matière de prêt. Les banques coopératives sont restées fidèles à la mission originelle du système bancaire et à l’économie réelle. Cela a renforcé leur résistance dans la tourmente économique mondiale.
Comment pouvons-nous assurer la promotion des coopératives ?
Simel Esim : Pour réussir à promouvoir les coopératives, il faut une politique de développement des coopératives consistante, claire, réaliste, qui s’inscrive dans la durée et se conforme aux priorités nationales. Cette politique doit reconnaître l’importance économique et sociale des coopératives, leur autonomie et leur identité propre.
Les responsables politiques doivent garantir des conditions de concurrence loyale entre les institutions bancaires détenues par les clients et les banques détenues par des investisseurs, et doivent veiller à ce que les nouvelles réglementations bancaires ne désavantagent pas le secteur. Ils doivent aussi faire en sorte que les lois et pratiques administratives actuelles (procédures d’enregistrement, politiques de taxation, normes comptables, etc.) n’entravent pas le développement ni la croissance des coopératives.
Sans crédit coopératif, il sera encore plus difficile de conserver ou de créer les emplois dont nous avons besoin et de garantir que les établissements restent à flot.
www.madagate.com/OIT Info - Article | 4 juillet 2012