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Madagascar. Razafisambatra Louis De Mon Désir: réconcilier les « innocents coupables »

Selon RAZAFISAMBATRA Louis De Mon Désir (photo ci-dessus), la réconciliation nationale très ouverte à toutes les forces vives de la nation est une des meilleures solutions pour faire sortir notre pays de l’éternel recommencement.

Comme mes lecteurs le savent, j’étais un opposant inconditionnel aux manies dictatoriales et monopolistiques de l’ex-président de la république MARC RAVALOMANANA. Mais face à la situation catastrophique où l’on fait sombrer bon nombre de malgaches depuis presque trois décennies, je fais un appel patriotique à la tolérance réciproque. Au nom de l’intérêt supérieur de la nation et pour motiver nos compatriotes à redresser ensemble Madagascar, je me permets d’affirmer en toute modestie que tout le monde est responsable de l’actuelle précarité de la majorité de la population.

Nos intellectuels, toute la classe politique, la société civile, restaient dans un mutisme incompréhensible à l’égard du vent du libéralisme débridé et imposé dans les années 1980-1990. Ils n’ont pas fait preuve de volonté politique pour repenser le mimétisme démocratique inadapté aux réalités nationales. Ils ne se sont même pas posé la question suivante : quelles libertés et démocratie pour la mentalité malgache ? Par la même, la sagesse malgache est quasi absente dans les réflexions qui ont pu accompagner la critique du marxisme, du totalitarisme, du libéralisme, de la démocratie, du marécage parlementaire, de l’Etat de droit ; en d’autres termes, « l’âme malgache » se trouve soumise à la soi-disant « législation universelle » de la raison, alors que celle-ci prend une signification individualiste incompatible avec les fondations philosophiques de la « liberté communautaire (au sens de solidaire) à la malgache ». La mentalité est plongée dans une sorte de déroute de l’humanisme vers l’individualisme. La discussion a tendance à se hisser à un niveau éloigné du débat de fond brandissant à tous les coups le spectre du conflit régional. Non seulement, le « Fihavanana malgache » se heurte à la réception des problématiques venues d’ailleurs, mais encore le débat sur l’ancrage de l’individualisme dans le pays n’est pas le cadet des soucis de la classe nantie, en l’occurrence les propriétaires de voiture 4x4 haute gamme (que l’on peut trouver tous les 20 mètres, dans la capitale de l’ancienne grande île heureuse, devenue maintenant malheureuse). De plus, force est de constater à maints égards qu’une équipe qui gagne veut continuer les mauvaises pratiques de ses prédécesseurs.

Par ailleurs, pour maintenir le vote de circonstance (et non le vote de raison), de beaux parleurs politicards ont adopté une stratégie de « domestication » des consciences par un certain intégrisme ethnique, régional ou religieux. Les électeurs se trouvent par conséquent dupe de l’ethnocentrisme totalitaire, sur fond d’un semblant d’aspiration à la démocratie ; et ce d’autant plus que fondamentalement, les divers programmes de lutte contre la pauvreté s’inspirent d’une vision insuffisante des problèmes et des réalités socioéconomiques nationales.

En outre, lors des élections présidentielles, tant de compatriotes (simples citoyens, techniciens très compétents, intellectuels, etc.) obnubilés par l’appât du gain, oublient le fameux conseil de Châteaubriand : « l’ambition dont on n’a pas les talents est un crime ». Autant dire, aveuglé par l’argent des candidats milliardaires, ils n’ont pas pris en considération les diverses exigences de la fonction à la magistrature suprême de l’Etat.

Surtout, il n’est pas du tout bénéfique pour notre pays que quelques requins politiques poussent le président de la république à mettre de l’huile sur le feu en incarcérant l’ex-chef d’Etat Marc RAVALOMANANA ; cela par exemple pour les raisons ci-après :

- le camp politique d’en face pourra revendiquer soit la démission du président Hery RAJAONARIMAMPIANINA à cause de la non création de la Haute cour de justice dans le délai prévu par la Constitution ; soit l’arrestation de l’ancien président de la transition Andry RAJOELINA pour l’évènement tragique de février 2009, ou le remboursement de leurs salaires par les ministres non amnistiés pendant la période de transition ;

- plusieurs personnes meurent de faim tous les jours, fait dramatique qui peut être interprété comme du génocide pur et simple ; et il sera compliqué pour connaître à qui incombe la responsabilité de ce drame :

- l’objection peut également porter sur la qualification non démocratique de la victoire du président de la république, parce que 20 millions de malgaches n’ont pas voté ; alors même que cela est dû à l’inexistence d’un débat de fond concernant le problème de désaffection du peuple vis-à-vis de la classe politique, et non à cause du président Hery RAJAONARIMAMPIANINA ;

- rien n’empêche aussi d’exiger l’arrestation immédiate de gros bonnets commanditaires du trafic de bois de rose, qui curieusement et bizarrement, demeurent introuvables.

L’on n’a pas besoin alors d’avoir un grand trésor d’imagination pour comprendre que ces éventuelles polémiques ne pourront qu’envenimer la misère d’un bon nombre de compatriotes et provoquer une crise politique plus grave ; tout citoyen animé d’un minimum de patriotisme ne souhaite pas un tel probable fiasco politique.

Pour le bien de Madagascar, reconnaissons tous que la négligence de diverses figures ou présentations historiques de l’individualisme fait sombrer tout pouvoir politique dans un narcissisme « post moderne » entraînant sa chute. Ne nous laissons plus embarquer dans une excessive politique partisane pour ne pas reconnaître que « l’idéologie malgache », entendant à être fidèle à son authenticité, a du mal à se constituer.

Soyons décomplexés pour accepter qu’une conception individualiste de la liberté entretenue par des gens malhonnêtes et corrompus, fasse voler en éclat à Madagascar une conception solidaire de la liberté, qualifiée à tort d’antimoderne.

Pour faire disparaître toute rancune politique, ayons la sagesse de qualifier les ex-présidents de la république (y compris le président actuel et l’ex-président de la transition) « d’innocents coupables » en ce sens que pour obtenir le décaissement des financements extérieurs, on les a tous obligé d’avaler la pilule amère du libéralisme non accompagné de priorités sociales ; par là même, ils sont en quelque sorte victimes, sans le vouloir, de la naissance d’une société malgache atomisée où les individus sont isolés avec leurs projets, coupés les uns des autres, privés de références communes et de valeurs partagées pour l’action concertée.

Avant de finir, je tiens à préciser qu’en aucun cas, je ne suis pas un défenseur du maintien in eternam de la culture de l’impunité. Mais seulement, 54 ans après l’indépendance, Madagascar figure encore parmi les derniers pays pauvres du monde ; ipso facto, nous n’avons plus de temps à perdre dans d’autres crises chroniques. Exceptionnellement donc, rendons obligatoirement leur lettre de noblesse à la tolérance réciproque et à la réconciliation nationale non enfermée dans un club minoritaire de concitoyens privilégiés.

Toutefois, la réconciliation nationale ne devra pas être réduite à un simple catalogue d’idéaux, à une simple manipulation émotionnelle du Fihavanana. Il faudra débattre les problèmes de fond, par exemple :

- l’insertion d’une charte citoyenne et sociale dans la constitution, qui obligera tous les présidents de la république à exécuter leur programme pendant leur mandat d’une part, et à prendre des décisions aux questions qui y sont mentionnées, d’autre part ;

- en cas de non-exécution et d’échec, ils seront tenus d’en faire la transparence aux autorités compétentes, aux forces socio-politiques, aux syndicats, aux médias ;

- les caractéristiques de la non-exécution et de l’échec sont précisés dans la charte, après avoir été débattus démocratiquement, etc.

Je signale en passant que j’ai donné quelques centaines de propositions aux éventuels participants à la réconciliation nationale, (le président de la république, le secrétaire général à la présidence, primature, l’Amiral Didier Ratsiraka, le professeur Zafy Albert, comité de réconciliation nationale ou le CRN, FFM, hauts représentants de l’armée, mouvance Marc RAVALOMANANA et Andry RAJOELINA, associations estudiantines, journalistes, grands corps, etc.)

Particulièrement, mettons en œuvre la bonne parole de Dieu : « heureux sont les artisans de paix ».

Paris le 18 octobre 2014

RAZAFISAMBATRA Louis De Mon Désir

Mis à jour ( Lundi, 20 Octobre 2014 16:29 )  
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