Le vendredi 22 décembre 2017, Nathan, 14 ans -petit-fils de l’industriel de renom Charles Andriantohaina et fils de l’opérateur économique Naina Andriantsitohaina- est kidnappé du côté du marais Masay à Antananarivo, sortant de l’école et rentrant chez ses parents dans une automobile qui a été braquée. Ce, sous le nez et à la barbe d’agents de police réglant la circulation. La veille de Noël, le dimanche 24 décembre, il est libéré, «comme çà », par ses ravisseurs. Qu’a-t-il bien pu se passer pour aboutir à ce dénouement heureux, certes, mais qui dénote une précipitation certaine de la part des auteurs (commanditaire(s) et commando) de ce second rapt en deux jours, après celui de John Razaly (le mercredi 20 décembre à Ankorondrano) toujours en captivité à l’heure où nous mettons sous presse?
Tout d’abord, les armes qui étaient aux mains des quatre individus cagoulés, le jour du kidnapping, ne se procurent pas au marché à Analakely. Seules les forces de l’ordre (gendarmes, militaires, policiers) en possèdent légitimement et légalement. Ensuite, est-ce une coïncidence si ce crime a été commis la veille de la Nativité occasionnant des dépenses sortant de l’ordinaire, et à l’heure où, au nom de la chasse aux fonctionnaires «fantômes», 9.782 de ces fonctionnaires dont 5.800 policiers n’ont pas reçu de salaire pour ce mois de décembre 2017? Enfin, pourquoi un black-out complet de la part des responsables de la sécurité publique, qui ont semblé ignorer cet enlèvement d’enfant, puni de la peine de mort ailleurs?
Sans vouloir entrer dans le roman de fiction à quatre sous, il est clair que ces quatre individus ont été identifiés et cela aurait pu permettre l’identification du ou des commanditaires qui serai(ent) proche(s) du régime actuel. Ou du moins protégés (par chantage?) par celui-ci. Je n’utilise pas souvent le conditionnel mais il est de rigueur, pour le moment, dans cette affaire qui pue la sale occasion qui fait le mauvais larron. En tout cas, il ne faudra pas s’étonner si un ou des boucs émissaires seront jetés en pâture à la presse -pourquoi pas le ministre de la sécurité publique dont le prédécesseur a été limogé suite aux atrocités commises à Antsakabary?- et l’affaire sera encore classée sans suite, comme les précédentes jusqu’à ce que quelque chose de pire arrive encore. Mais pire il y a déjà eu, avec l’assassinat atroce de la petite Annie à Toamasina. Elle été retrouvée morte la nuit du dimanche 20 décembre 2015, non loin de la maison de ses parents, dans le quartier de la Verrerie, punaise! Ce régime Hvm/Rajaonarimampianina, depuis quatre ans maintenant, ignore toujours que gouverner c’est prévoir.
Le jeune Nathan a été libéré sain et sauf aux alentours de 20h, le 24 décembre donc. Sous quelles conditions? Y-a-t-il eu marchandage («Ady varotra»)? L’opinion publique et le public ne le sauront peut-être jamais mais les murs qui ont des oreilles ont fait parvenir des échos. Ainsi, de l’argent a bien été remis à quelqu’un, quelque part. Pas besoin de verbe au conditionnel ici. Une poignée de centaines de millions d’ariary, à ce qu’il semble (et non à ce qu’il me semble). Le terme «geste technique» a été invoqué pour la libération rapide du lycéen franco-malgache, avec la garantie et l’assurance qu’il n’y aura pas de poursuite. Contre qui et sinon quoi, justement? Car cela a créé un antécédent -une jurisprudence diront les férus de juridisme- et les petits kidnappeurs à la sauvette vont pulluler, même pour une question de 20.000 misérables ariary neufs. Faut-il se rassurer par le fait que plus personne ne sera tué? Toutefois, cela n’est pas une certitude.
En tout cas, le rapt de Nathan Andriantsitohaina est effectivement une porte ouverte, sinon béante, aux kidnappeurs à la sauvette. Il n’est pas superflu de le répéter pour bien s’en rappeler. Et il y a déjà eu, par exemple, un autre rapt qui a eu lieu mais dont personne n’a parlé. Celui du neveu du député de Madagascar Naivo Raholdina, en novembre dernier. Les auteurs -huit petits minables ayant agi sous les ordres d’un commanditaire qui court toujours- ont été appréhendés et ils sont actuellement à la maison de force de Tsiafahy. A ce stade, il faudra même se méfier de ses voisins et éviter que les enfants jouent dans leur propre jardin. Pour en revenir à Nathan qui, souhaitons-le, n’aura pas subi de grand traumatisme moral, il est certain qu’il a été ciblé, son nom de famille même étant synonyme de richesse. Mais cette famille a-t-elle pu penser, ne serait-ce qu’une seconde, qu’elle subirait ce genre d’attaque qu’elle ne voyait qu’au cinéma, jusqu’ici?
Il est clair que, parmi des éléments des forces de l’ordre, au vu de la rapidité dont les dirigeants proches du cercle présidentiel se sont enrichis, certains veulent se «servir» directement, assurés, sans doute, de l’impunité. Sinon, comment expliquer l’inertie des responsables chaque fois qu’il y a un rapt? Certains osent même déclarer qu’ils n’ont été au courant qu’à travers la lecture de la presse locale! C’est indécent, c’est dément tout simplement. A quoi diable servent les services de renseignements à Madagascar? Ou bien n’existent-ils plus aussi? Pendant ce temps, le premier responsable du pays, en l’occurrence le président de la république, est aux abonnés absents, comme à son habitude. Comme si cela ne le concernait pas, comme s’il n’était pas concerné du tout.
Pour en revenir au jeune Nathan, les murs, qui ont donc des oreilles, ont laissé entendre que ce sont des opérateurs en téléphonie mobile qui ont contribué ensemble financièrement au «geste technique» demandé par les ravisseurs. Dans ce panier à crabes, il est à se demander qui a, le plus, peur du «valy faty» ou vengeance? Nous entrons dans une spirale mafieuse dans laquelle le silence pesant des dirigeants actuels est synonyme d’impunité totale pour les criminels plus ou moins connus. Il ne faudra pas s’étonner si, d’ici peu, des cas de justice populaire éclatent dans des quartiers de Madagascar, et cela -ce qui est extrêmement dangereux- sur simple dénonciation d’intention de kidnapping d’enfants: «Iny, vonoy fa mpangala-jaza e!».
Je ne veux pas être un oiseau de mauvais augure mais ce régime, ayant la triste réputation d’être un médecin après la mort à chaque fois qu’un drame frappe Madagascar (cataclysmes naturels, accidents de circulation, incendies volontaires ou non, attentats à la bombe, épidémie de peste, kidnapping…), il faudra donc s’attendre au pire avant même la venue du nouvel an 2018 qui, lui, apportera des hausses en tous genres entrainant une explosion sociale qui a pu être évitée jusqu’ici. Qui doit croiser les doigts et prier tous les dieux possibles et imaginables?
Jeannot Ramambazafy - Article paru également dans La Gazette de la Grande île du 27 décembre 2017