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Vohilava Mananjary. L’autre Soamahamanina d’une autre société chinoise

L'EXPLOITATION AURIFÈRE DES INVESTISSEURS CHINOIS DANS LE DISTRICT DE MANANJARY: UNE VIOLATION DELIBEREE DE LA LOI EN VIGUEUR ET DES DROITS DE L'HOMME A MADAGASCAR.

Suite aux manifestations populaires contre le projet d'exploitation aurifère d'une société chinoise à Soamahamanina, on a vu ces derniers temps dans la presse des publi-reportages de plusieurs pages vantant l'importance et les mérites des investissements chinois à Madagascar. Alors que les hauts responsables du Ministère des Mines et l'Ambassadeur de Chine à Madagascar affirment que "les entreprises chinoises respectent les lois et les coutumes sociales malgaches" (l'Express du 27/09/16, p.7), la population de la commune de Vohilava dans le district de Mananjary dénonce les violations graves de la loi et des droits humains perpétrées par l'entreprise chinoise qui mène des activités d'exploitation aurifère dans leur commune.

Les problèmes résultant des violations en question ont été évoqués pendant la rencontre du 27 septembre 2016[1] entre la Coordinatrice du Centre de Recherches et d'Appui pour les Alternatives de Développement - Océan Indien (CRAAD-OI) et les habitants du village d'Ambodinato dans la commune de Vohilava, située à 60 kms de Mananjary dans la région de  Vatovavy  Fitovinany. Les témoignages et les doléances de ces habitants révèlent les différents aspects de l'exploitation aurifère et ses impacts désastreux sur leurs droits fondamentaux et sur leurs conditions de vie.

Le mépris de la loi et de la population locale par les investisseurs chinois

Sur le plan légal, les activités d'exploitation aurifère menées par les opérateurs chinois se distinguent par leur caractère illicite, étant donné que ces derniers n'ont pu produire aucun permis minier ou environnemental pour leurs opérations minières jusqu'à ce jour.

En effet, les opérateurs chinois ont débarqué pour la première fois à Anosiarivo dans la commune de Vohilava au mois de Novembre 2015. Selon le Maire et les autorités traditionnelles, ceux-ci ne se sont pas présentés à eux, et ils ne disposent d'aucune information permettant d'identifier leur entreprise. Les autorités et la population locales se posent donc des questions sur la raison et la manière qui leur ont permis d'importer leurs équipements et de mener leurs activités d'orpaillage dans le pays sans se préoccuper de la législation et de la règlementation en vigueur.

Malgré l'absence d'autorisation officielle, ces Chinois ont installé leurs machines dans la rivière Itsaka, qui est d'une importance vitale pour l'approvisionnement en eau des 9 communes qu'elle traverse dans le district de Mananjary, en particulier pour les villages riverains de l'exploitation aurifère dans la commune de Vohilava.  Bien qu'ils aient détruit de nombreuses terres de culture en installant leurs machines, les Chinois ont commencé leurs opérations d'orpaillage en ignorant les protestations des propriétaires des terrains, sous prétexte qu'ils ne comprennent pas la langue Malagasy, et ce d'autant plus qu'ils n'ont pas pris la peine d'engager un interprète.

La pollution de l'eau et les abus à l'égard des communautés riveraines

Depuis plusieurs mois, des représentants de la société civile et des communautés concernées par les activités des opérateurs chinois ont alerté les autorités et l'opinion publique au sujet de la gravité des dangers liés à l'utilisation du mercure par ces opérateurs. Ces graves dangers menacent la santé de la population et l'environnement des 9 communes qui dépendent entièrement de la rivière Itsaka pour leur approvisionnement en eau, en l'absence de sources alternatives d'eau et d'infrastructures.

Les habitants interrogés pendant la visite du CRAAD-OI ont dit que même les Chinois ne boivent pas l'eau de cette rivière, et que beaucoup de gens n'osent plus consommer le poisson de la rivière ni se laver avec son eau.  Ils ont aussi mentionné qu'ils trouvent du mercure dans leurs tamis pendant leurs propres activités d'orpaillage; que les poissons meurent et qu'ils ont trouvé du mercure dans leurs entrailles ; et que leurs zébus sont tombés malades après avoir bu l'eau de la rivière et en sont morts.

Le Médecin-Inspecteur et le Directeur Régional de la Santé qui sont passés les voir les ont alertés au sujet du risque de cancer du sang entraîné par la consommation de l'eau polluée par le mercure, et leur ont dit de chercher de l'eau ailleurs, mais ils n'ont pas d'autre source d'eau et s'attendent à ce qu'eux-mêmes et leur progéniture soient condamnés à souffrir du cancer.

En plus de la pollution de l'eau par le mercure et les déchets résultant de leurs opérations d'orpaillage, la population d'Ambodinato se plaint également du fait que les opérateurs chinois font tous leurs besoins dans la rivière ou dans les champs de cultures vivrières qui la bordent. De ce fait, les riverains se trouvent contraints de consommer de l'eau et de la nourriture que ces Chinois ont souillé avec leurs matières fécales, et de s'exposer ainsi à un risque élevé de maladie, à l'instar de ce qui s'est passé avec l'épidémie de choléra à Haiti.

Les personnes interrogées pendant la visite du CRAAD-OI ont aussi mentionné que les opérateurs chinois se sont livrés à des abus sexuels sur des filles dans les villages riverains. Dans le village d'Ambodimanga en particulier, ces abus sont allés jusqu'au viol collectif d'une fille par des Chinois opérant dans la zone voisine de Marohita.

Le pillage des ressources aurifères locales et la destruction des moyens d'existence de la population locale

Par ailleurs, les communautés riveraines ont commencé à s'opposer à l'exploitation aurifère des Chinois parce que l'orpaillage joue un rôle crucial dans leurs moyens d'existence, et ils craignent que l'exploitation mécanisée de l'or par ceux-ci ne leur fasse perdre leur principale source de revenus à très court terme. En effet, les machines utilisées par les Chinois travaillent nuit et jour, ce qui leur a déjà permis d'obtenir plusieurs tonnes d'or en exploitant la rivière Itsaka sur près de 6 kms à l'heure actuelle.

En outre, la circulation de l'eau de la rivière est perturbée par les excavations résultant des opérations d'orpaillage des Chinois, ce qui a des impacts négatifs sur tout l'écosystème local. Les habitants ont rapporté notamment que la culture du riz et du café qui fait partie de leurs sources de revenus est devenue impossible, et que les crocodiles sont devenus agressifs à cause des perturbations de leur habitat, au point de s'approcher de leurs villages et de dévorer des chiens.

De quel côté sont les autorités ?

Le Maire de Vohilava aurait déjà alerté le Chef de District au sujet des graves dangers liés à l'utilisation du mercure et des dégâts environnementaux causés par les opérateurs chinois à plusieurs reprises, sans que ce dernier ne réagisse. L'inaction des autorités face à ces dangers est la principale raison de l'ultimatum qui a été donné aux Chinois par la population d'Ambodinato au mois d'août 2016 de quitter leur village avec leurs machines dans un délai de 5 jours.

Suite aux doléances de la population et à cet ultimatum, le Chef de Région a posé des scellés sur leurs équipements le 27 août 2016.  La décision a aussi été prise par les autorités régionales concernées de suspendre leurs activités d'orpaillage jusqu'à ce qu'ils obtiennent un permis en bonne et due forme.

Néanmoins, les opérateurs chinois sont partis d'Ambodinato, mais ont transporté leurs machines dans le fokontany d'Ambaladara de la commune rurale de Marokarima, où ils s'apprêtent à les ré-installer, alors que la population d’Ambaladara a déjà contesté cette tentative de reprendre l’exploitation lors de la manifestation en date du 20 septembre 2016.

D'autre part, les habitants d'Ambodinato ont indiqué que le bureau d'études que les opérateurs chinois ont engagé  pour mener leur étude d'impact environnemental et social leur a fait signer une fiche de présence qui a été utilisée par la suite de manière frauduleuse avec la complicité d’un partenaire malgache local pour justifier l'acceptation de l'exploitation aurifère chinoise par les villageois.

Face aux abus de toute sorte et à la volonté exprimée par les autorités régionales et locales de permettre aux opérateurs chinois de continuer leur exploitation aurifère dès lors qu'ils disposeront des permis requis, malgré les doléances de la population, celle-ci se dit prête à tout pour obtenir l'arrêt définitif de cette exploitation aurifère.

Si les autorités concernées persistent à ignorer leurs obligations de respecter, de protéger et de réaliser les droits fondamentaux de la population de la commune de Vohilava, elles prennent le risque de la pousser à mettre fin elle-même à ce projet d'exploitation aurifère dont les impacts s'avèrent désastreux pour elle et pour les futures générations.

Antananarivo, le 10 octobre 2016

Zo Randriamaro, Coordinatrice du Centre de Recherches et d'Appui pour les Alternatives de Développement - Océan Indien (CRAAD-OI)


[1] Discussion de groupe avec Ny Ampanjaka Razaka, le Président du Fokontany, les notables et les habitants d'Ambodinato, District de Mananjary.

Mis à jour ( Vendredi, 21 Octobre 2016 08:11 )  
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