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Madagascar. Un recul de 14 ans pour mieux couler

Voilà. Le président Hery Rajaonarimampianina, mendiant et fier de l’être, peut se frotter les mains. Il est peinard jusqu’à la fin de ses jours, rien qu’en commissions chiffrées en millions de dollars et après lui le déluge.

L'argent des commissions présidentielles dépassant la normale -donc anormal- se trouve planqué quelque part sur cette carte. Le réseau mondial des journalistes d'investigation est en alerte permanente. Pas d'impunité pour ceux qui grugent leur peuple. Ils doivent rendre des comptes et les dirigeants de Madagascar ne feront plus exception

Mais la vie continue et on verra que, comme Crésus, il est aussi mortel et ses comptes seront découverts, tôt ou tard, aussi bien dissimulés puissent-ils être dans un quelconque paradis fiscal ou blanchis dans des sociétés écrans. Pour le moment, Histoire oblige, je vous emmène 14 ans en arrière, pour vous démontrer que le théâtre des 1 et 2 décembre 2016 au siège de l’Unesco à Paris, n’était qu’un mauvais remake de la réunion du 26 juillet 2002, avec la transparence en moins. Seuls les acteurs ont changé.

Marc Ravalomanana, nouveau Maire élu de la ville d'Antananarivo, lors de la commémoration de l'Independence Day, le 4 juillet 2000. Avec cette image de battant, de fonceur, comment ne pouvait-on pas croire en lui, self-made-man par excellence?...

Mai 2002. La société malgache se remet progressivement de la grave crise politique consécutive aux élections présidentielles de décembre 2001. Une fois Marc Ravalomanana reconnu président de la république par les U.S.A. (ben quoi, c’est toujours la référence), le 6 mai, et après des mois de «turbulences» mortelles contre les partisans de Didier Ratsiraka -et ses ponts dynamités-, à travers l’application du «Haza lambo» -chasse aux sangliers- de Marc Ravalomanana), les «amis» de Madagascar sont arrivés à la rescousse. A l’époque, feu Me Jacques Sylla était Premier ministre et a dirigé la délégation malgache pour la conférence du Club des amis de Madagascar, le 26 juillet 2002 à Paris. 2, 3 milliards USD avaient été promis…


En 2003, c’était déjà l’heure des bilans. Savez-vous ce qu’a dit le Sénat français à ce moment? «Madagascar est en voie de stabilisation politique et de redressement économique».

25 novembre 2016, 13 ans plus tard, c’est, à peu près, ce qu’a déclaré Ylias Akbaraly considéré comme «l’homme le plus riche d’un pays considéré comme l’un des plus pauvres du monde», dans une interview pour le journal Le Monde, une référence… mondiale:

Le Monde: Sur le plan économique, quelle est la situation de Madagascar aujourd’hui?

Y. A. : « Elle est incontestablement en train de s’améliorer. De plus en plus d’investissements se font et la croissance tourne autour de 4% à 5%.

Les 1er et 2 décembre, il y a une conférence importante avec les bailleurs de fonds à Paris, dans le but de négocier des prêts nécessaires à la construction d’infrastructures ou destinés aux secteurs de la banque, de la pêche, des mines, de l’industrie… Les institutions sont en place et il y a une stabilité (…). Même s’il reste encore beaucoup à faire, la situation est donc en train de s’améliorer ».


En 2005, sous Marc Ravalomanana, le président Chirac a été le troisième chef d’État français à faire un voyage officiel à Madagascar, après le général Charles de Gaulle en 1958 et le président François Mitterrand en 1990, juste après la réélection en mars de l'ancien président malgache Didier Ratsiraka. En 2016, le président François Hollande, dans le cadre du XVIème sommet de la Francophonie, aura été le quatrième chef d’État français à faire un voyage officiel à Madagascar.

Retour à 2002-2006. En matière de «stabilité politique», effectivement les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat étaient à majorité TIM, comme ils étaient tous AREMA sous Didier Ratsiraka. Il faut cependant reconnaître que, durant son premier mandat, Marc Ravalomanana a su mener de nombreuses réformes: redynamisation de la décentralisation et de la déconcentration: réforme foncière pour permettre aux paysans de posséder un titre: possibilité aux investisseurs étrangers d'acquérir un terrain; réforme fiscale visant à augmenter le nombre de contribuables; réforme au niveau de l’éducation nationale en faisant entrer l'apprentissage de l'anglais en primaire dans certaines écoles pilotes et envoie des jeunes étudier aux États-Unis… C’est lui qui a créé le BIANCO pour lutter contre la corruption; le SAMIFIN contre le blanchiment d'argent et le CIS (service de renseignements malgache qui a remplacé la DGID -police politique- de Didier Ratsiraka)... Tout cela partait d’une intention plus que louable et démontrait que le Président Ravalomanana agissait vraiment pour le bien de plus grand nombre.

2006-2009. Mais que s’est-il passé une fois que Marc Ravalomanana a été réélu au premier tour de l’élection du 3 décembre 2006 qui « laissait à désirer » pour ne pas dire plus?…


Constat de la mission d’observation des élections malgaches 2006 de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie): insuffisances nombreuses dans les listes électorales en termes d’erreurs matérielles et d’omissions qui, en raison d’une informatisation effectuée dans la hâte, n’ont pu être établies selon le protocole retenu. Cette situation a entretenu, au sein de l’opinion publique, le doute et le discrédit sur la réalité des listes électorales. Cette situation est attestée par le nombre relativement élevé et significatif des cartes d’électeurs non distribuées, et qui sont demeurées auprès des bureaux de vote, conduisant, de facto, à l’exclusion d’une partie de l’électorat à participer au scrutin.


Jirama Mandroseza, 15 février 2008. Inauguration de la centrale thermique de 40 Mégawatts. De g. à dr.: Guy Rajemison Rakotomaharo, Président du Sénat; Andry Rajoelina, Maire élu de la ville d'Antananarivo; Walter Spinoza (Dga) et Bernard Rohman (Dg) caché par le Président Marc Ravalomanana coupant le ruban; le Général Charles Rabemananjara, Premier ministre. Où en est la Jirama en ce début du mois de décembre 2016?

Une fois réélu, Marc Ravalomanana dévia complètement de ses bonnes intentions de son premier mandat. Effectivement si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. En trois ans, il s’est métamorphosé pour mettre Madagascar à la merci des étrangers. Ne dites jamais qu’il n’y a jamais eu de commissions pour cette «facilitation» de très haut niveau. Fondamentalement, il n’a pas osé toucher aux relations de ses prédécesseurs avec la Francophonie, la Banque mondiale et le FMI. Mais paradoxalement, ce sont ces entités qui l’ont sanctionné en décembre 2008. Cependant, sur des points stratégiques, en tant que président de la république élu, il s’est permis de n’en faire qu’à sa guise. Ainsi concernant Air Madagascar, il a permis à Lufthansa Consulting d’en prendre la direction avec des Allemands (Berend Bruns puis Ulrich Link). Idem pour la Jirama qui a été confiée au cabinet allemand Lahmeyer. Quelle est la situation de ces deux dernières sociétés nationales, en ce mois de décembre 2016? Informez-vous…

Le Président Marc Ravalomanana recevant des représentants de Daewoo Logistics au Palais d’Etat d’Iavoloha en octobre 2008

Le 17 novembre 2008, la société sud-coréenne Daewoo Logistics annonce à la presse, à Séoul, «avoir marqué son accord pour louer 1,3 millions d’hectares pour une durée de 99 ans». Du coup, cette information est relayée par la presse internationale: BBC, AFP, Reuters, Associated Press, Bloomberg, Courrier International. Mais c’est le Financial Times qui mettra le feu aux poudres en affirmant que «la location de ses terres pourrait se faire gratuitement». En parallèle, il faut se rappeler que le Président Ravalomanana n’était pas en très bons termes avec le Maire élu d’Antananarivo (en décembre 2006), Andry Rajoelina, à qui il avait coupé les subventions permettant de gérer convenablement la Capitale de Madagascar. Celui-ci s’est donc porté naturellement comme chef de l’opposition.


La folie dans grandeurs avant la douche froide

Seulement, il faut dire également que le pouvoir rend aveugle. Se voulant au-dessus de ce tumulte, pourtant dangereux pour son poste, bercé par des conseillers cons tout court, voilà que Marc Ravalomanana achète un jet qui sera dénommé Air Force One II. Mais sans explications plausibles sur la provenance du financement. Du coup, les bailleurs de fonds traditionnels suspendent leur appui. C’était bien en décembre 2008 et non durant la transition 2009-2014. Ce fut la goutte qui fit déborder un vase de contestations trop longtemps contenues. Nous connaissons tous la suite. Chacun l’a interprété à sa manière, selon des critères «personnels». Mais ce sont les seules et uniques vérités que l’Histoire retiendra dans l’espace et dans le temps. Inventez, désinformez, mentez, rien n’y fera. Ces vérités sont plus fortes -et bien archivées- que toutes les histoires à dormir debout au nom du culte de la personnalité.

Le Professeur Zafy Albert, l'homme au chapeau de paille (ci-dessus avec Manandafy Rakotonirina, l'homme caméléon politique, fondateur du parti MFM), était président d'une HAE (Haute Autorité de L’État), période de transition avant son accession à la magistrature suprême, au second tour de l'élection de 1993, contre Didier Ratsiraka

Septembre 1996. Président Zafy Albert, élu le 27 mars 1993. Il faut rappeler que c’est son histoire de financements parallèles, donc hors des bailleurs de fonds traditionnels, -mais aussi ses démêlées avec le Premier ministre, feu Me Francisque Ravony- qui a poussé les députés de l’Assemblée nationale a enclenché une motion d’empêchement à son encontre. Il est destitué le 3 septembre 1996. En tout cas, à travers un référendum, c’est lui qui a permis que le Premier Ministre ne soit plus élu par l'Assemblée nationale mais nommé par le président de la République. Ayant eu le malheur de se représenter contre Didier Ratsiraka (aucune loi ne… l’empêche), lors de l’élection présidentielle anticipée du 31 janvier 1997, Zafy Albert a aussi perdu. Choisir lui-même son Premier ministre ne l’a sauvé de rien du tout. Et à l'époque, tous les parlementaires étaient plus ou moins UNDD, parti que Zafy a fondé peu de temps avant son accession à la magistrature suprême.

Mauvais présage: il a commencé son mandat avec un copié-collé de Nicolas Sarkozy, mondialement connu

25 janvier 2014. Après la transition 2009-2014, dont il était l’inamovible ministre des Finances et du Budget, Hery Rajaonarimampianina accède à la magistrature suprême. Le fait est là, candidat de substitution ou non. Que de promesses et de théories... Et, au lieu de prendre et tirer des leçons de cette histoire qui ne date pas de si longtemps, en trois ans il a fait pire que tous ses prédécesseurs élu réunis.


1-2 décembre 2016. A l’issue de la Conférence des Bailleurs de fonds, il s’est frotté les mains, faisant comprendre que c’est maintenant que le développement de Madagascar va commencer, «qu’il ne regarde pas en arrière» mais que « Madagascar est sur la voie de la stabilité, que sa démocratie se construit de jour en jour ». Eh ho, çà va pas la tête!? Ce sont les mêmes mots serinés depuis près de 20 ans.

Unesco Paris, 2 décembre 2016

L’argent des bailleurs de fonds et des investisseurs n’a rien développé du tout durant ce laps de temps et le pire reste à venir, car être mendiant et fier de l’être rend tellement aveugle que l’on finit par tomber dans le trou de la déchéance sans nul besoin d’y être précipité. En matière de «stabilité politique», les parlementaires HVM sont plutôt en majorité indépendants, ce parti n'ayant pas existé lors des législatives du 20 décembre 2013. Le Président de la HCC, Jean Eric Rakotoarisoa ayant enterré le mandat impératif, tous peuvent changer de parti comme ils changent de slip... Mais cette «majorité des messieurs retourne-veste» n'a sauvé ni Ratsiraka, ni Zafy pas plus que Ravalomanana -ni même Tsiranana et son PSD- d'avoir été jetés hors du pouvoir par le peuple. Dès lors, à quel moment le «fanongam-panjakana» (coup d'état) s'applique-t-il ou pas?


Lorsque, dans Jeune Afrique du 29.11.2016, Hery Rajaonarimampianina déclare: « A Madagascar, certains imaginent encore parvenir au pouvoir sans être élus». Là il crache dans la soupe carrément! Mais il était au pouvoir, de 2009 à 2014, en ayant été nommé Grand Argentier, l'homme qui a détenu les cordon de la bourse de la période d'une transition qu'il renie systématiquement. C'est vraiment le réflexe d'une sous-fifre parvenu. Cela confirme aussi que la peur donne des ailes et du zèle. Mais qui songerait encore à renverser un personnage maléfique ayant déjà deux pieds sauteurs au bord du trou béant de l'oubli? L'oubli du genre affaire du bois de rose à Singapour; affaire kidnapping des deux enfants à Toamasina; affaire explosion du 26 juin; affaire des exactions dans le Sud; affaire du journaliste de Free News... toutes ont été oubliées, classées sans suite jusqu'à présent, malgré les déclarations trop pompeuses pour être vraies.

Malgré son beau sourire devant le président sénégalais, Abdoulaye Wade, et face au président sortant Didier Ratsiraka, Marc Ravalomanana ne respectera pas les accords de Dakar en 2002. On connaît la suite: destruction et massacres... 2018 risque d'être pire s'il y a encore exclusion de candidatures et/ou détournements de voix au niveau de la CENI déjà envahie par le trop richissime parti Hvm (c'est ce qu'on dit, hein) à l'heure actuelle

Comment va alors se présenter l’avenir à Madagascar, à l’horizon 2018? Sauf si quelque chose ne se produit en 2017, tout est possible malgré le bel optimisme affiché par une poignée de privilégiés, il vous suffira de relire tout ce qui est écrit plus haut. La perspective d’un remake de 2002 ne relève pas d’une vision pessimiste et anti-Hvm. Ce serait une conclusion trop facile pour attardés du bulbe. Facile aussi de répéter que l’histoire est un éternel recommencement. L’homme Hery Vaovao est mauvais, on n’y peut plus rien. Mais le résultat de tout ce qui s’est produit, de 2014 à 2016, dans une atmosphère d’indifférence et de lassitude apparentes, va se révéler plus explosif que jamais. Il est possible de faire l’économie d’un désastre annoncé.

Jirama? Plutôt au service de tous pour des coupures et de délestages durables, surtout après le sommet de la Francophonie. Regardez, demandez autour de vous. Il n'y a plus d'heure pour le développement durable du noir total et sans préavis

Malheureusement, vu le comportement du Président Hery Rajaonarimampianina et surtout de celui de son entourage qui n’a jamais pris la peine de s’informer sur l’Histoire même se son pays (il croit que ce qu’il fait, actuellement, est inédit), c’est cette Histoire qui me donnera raison. Pour l’heure, à la veille de Noël et du Nouvel an, les coupures de courant s’intensifient, malgré le contrat «fabuleux» avec un Symbion Power qui s’est fait flouer… Ce n’est pas cette dizaine de milliards USD promis et non encore acquis qui changeront quoi que ce soit à la situation d’ici à 2020.


Que les médiaboliques du pouvoir Hvm/Rajaonarimampianina continuent à faire dans l'éphéméride pour vivre le temps présent et ne penser qu'à l'argent mal acquis qu'on leur distille (par rapport à ce qu'ils engrangent sur le dos du peuple, au sommet de l’État). Rien ne résiste aux vérités historiques qui ne s'interprètent jamais. Pour eux, tout ne sera jamais que poursuite du vent, comme l'a prédit l'Ecclésiaste. Le comble est qu'ils croient dur comme fer qu'ils ne feront pas comme leur prédécesseurs. Mais c'est mission impossible car tous les dirigeants arrivés au pouvoir par accident, par hasard, ont les mêmes maladies incurables: amnésie, vanité et soif d'argent jamais assouvie jusqu'à la déchéance, pour finir en hommes les plus riches du cimetière.

Dossier de Jeannot Ramambazafy – 4 décembre 2016

Mis Ă  jour ( Lundi, 05 DĂ©cembre 2016 16:42 )  
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