« Les gouvernements doivent renforcer la production agricole et investir dans des systèmes alimentaires résilients qui protègent les petits producteurs alimentaires. Si on ne nourrit pas les gens, on alimente les conflits ». Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies.
A partir de ce constat qui correspond, hélas, aux réalités qui prévalent en ce début de l’année 2023, un évènement a été organisé au niveau du continent africain.
QUOI ? Sommet Dakar 2 avec pour thème : « Nourrir l’Afrique : souveraineté alimentaire et résilience »
QUI ? Organisé conjointement par le Groupe de la Banque africaine de développement, le gouvernement du Sénégal, la Commission de l’Union africaine
QUANDÂ ? Du 25 au 27Â janvier 2023
OÙ ? Au Centre international de conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio à Dakar, Capitale du Sénégal
DÉTAILS
Diversifier la production alimentaire pour le monde
À l'échelle mondiale, 828 millions de personnes souffrent de la faim, l'Afrique comptant 249 millions, soit un tiers du nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde. La réalisation de l'Objectif de Développement Durable –ODD- numéro 2 sur la faim zéro ne peut être atteinte que si elle ne l’est pas en Afrique. Les Nations Unies ont noté que l'Afrique doit être le point focal de toutes les actions, car ce continent est celui où "le nombre de personnes sous-alimentées augmente plus rapidement que partout dans le monde".
Nourrir le monde nécessite donc que les systèmes alimentaires mondiaux soient modifiés pour libérer pleinement le potentiel de production alimentaire de l'Afrique. C'est le même appel clair et sans équivoque des Nations Unies à ce sujet : « Un changement profond du système alimentaire et agricole est nécessaire si nous voulons nourrir plus de 828 millions de personnes qui ont faim aujourd'hui et les 2 milliards de personnes supplémentaires que le monde aura d'ici 2050. La productivité agricole et la production alimentaire durable sont essentielles pour aider à atténuer les périls de la faim ».
Les pénuries alimentaires peuvent causer de graves problèmes sociaux et politiques. Comme l'avait déclaré le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres -déjà cité plus haut- mais le répéter est plus que nécessaire : « les gouvernements doivent renforcer la production agricole et investir dans des systèmes alimentaires résilients qui protègent les petits producteurs alimentaires. Si on ne nourrit pas les gens, on alimente les conflits ».
Libérer le potentiel alimentaire et agricole de l'Afrique
Bien qu'il dispose de 65% des terres arables restantes pour nourrir 9 milliards de personnes dans le monde, d'ici 2050, le continent africain importe plus de 100 millions de tonnes métriques de nourriture au coût de 75 milliards de dollars par an. L'Afrique a le potentiel de se nourrir et de contribuer à nourrir le monde. Ses vastes étendues de savane sont estimées, à elles seules, à 400 millions d'hectares. Or, seulement 10% (40 millions d'hectares) sont cultivés.
Investir dans l'augmentation de la productivité agricole, soutenir les infrastructures, les systèmes agricoles intelligents face au climat, avec des investissements du secteur privé tout au long de la chaîne de valeur alimentaire, peut aider à transformer l'Afrique en un grenier à blé pour le monde. Atteindre la faim zéro en Afrique nécessitera entre 28,5 et 36,6 milliards de dollars par an. Avec la suppression des obstacles au développement agricole, facilitée par de nouveaux investissements, on estime que la production agricole de l'Afrique pourrait passer de 280 milliards de dollars par an à 1.000 milliards de dollars d'ici 2030.
Pour diversifier davantage les sources d'approvisionnement alimentaire pour le monde, au milieu des effets persistants de la guerre en Ukraine et de ses effets systémiques à l'échelle mondiale, et pour garantir l'approvisionnement alimentaire de l'Afrique, il est désormais essentiel de soutenir les efforts visant à libérer le potentiel agricole de l'Afrique, pour une production alimentaire. L'Afrique a tout à gagner, et le monde a également tout à gagner d'un tel effort concerté.
Réussite de la mise à l'échelle : accords de livraison de produits alimentaires et agricoles
Il est, à présent, temps de libérer pleinement le potentiel agricole du continent africain. La forte volonté politique des chefs d'État africains, la disponibilité de technologies et de plateformes pour fournir désormais des technologies agricoles intelligentes, face au climat à l'échelle de millions d'agriculteurs, les succès incroyables de certains pays pour atteindre l'autosuffisance dans des cultures sélectionnées en très peu de temps… Tout cela démontrent que l'Afrique peut atteindre les objectifs de la Faim zéro.
Ces facteurs montrent également que le moment est venu pour une coalition mondiale d'efforts autour de l'Afrique, afin de libérer son immense potentiel agricole pour devenir une destination mondiale et, ainsi, répondre aux pénuries alimentaires croissantes dans le monde.
Cela nécessitera des efforts concertés pour produire des résultats de manière mesurable. Afin d'assurer la responsabilisation pour obtenir des résultats, les systèmes de recherche et de développement, les systèmes alimentaires et agricoles nationaux seront structurés autour de l'élaboration de « contrats de livraison de produits alimentaires et agricoles ».
Macky Sall, Président de la République du Sénégal : "L'Afrique doit apprendre à se nourrir elle-même"
Sur quels volets, les représentants du secteur privé, des organisations multilatérales et des ONG ainsi que des scientifiques se pencheront sur « le défi croissant de la sécurité alimentaire en Afrique » ? Pour établir de réelles actions, il s’agit de trouver les meilleures des solutions concertées pour :
• Mobiliser un engagement politique de haut niveau autour de la production, des marchés et du commerce, afin de mettre en place des pactes de livraison de produits alimentaires et agricoles pour les pays sélectionnés.
• Mobiliser et aligner les ressources gouvernementales, les partenaires de développement et le financement du secteur privé autour des pactes de livraison de produits alimentaires et agricoles, pour assurer la sécurité alimentaire à grande échelle dans chaque pays.
• Partager des expériences réussies sur l'alimentation et l'agriculture dans des pays sélectionnés et des plates-formes réussies, pour intensifier le soutien à l'agriculture.
• Doubler la productivité agricole avec des technologies de pointe adaptées au climat pour les cultures, l'élevage et l'aquaculture et des services de conseil, et soutenir la recherche et le développement pour un pipeline de technologies agricoles résilientes au climat.
• Développer l'infrastructure et la logistique nécessaires avec les zones spéciales de transformation agro-industrielle, pour créer des marchés et des chaînes de valeur alimentaires et agricoles compétitives.
Tout cela se fera sous forme de tables rondes présidentielles, de sessions plénières de haut niveau et des sessions pour élaborer des « Pactes pour la fourniture de produits alimentaires et agricoles » pour chaque pays, à partir du 25 janvier 2023.
Concernant particulièrement Madagascar, représenté à ce Sommet par le Président Andry Rajoelina, celui-ci a déclaré, notamment que :
" Pour le continent africain, qui a une superficie de plus de 30 millions de km², l'un de mes souhaits est que chaque famille et foyer puisse nourrir sa famille au quotidien ". Les deux solutions majeures que le Président malagasy a proposées, face à cette situation sont : 1 : d'augmenter le taux de production, 2 : de fournir des semences et des terres qui peuvent être cultivées pour les agriculteurs. La réussite de ces deux solutions se traduira par une augmentation de leur pouvoir d'achat. " Nous voulons devenir un bon président, nous voulons nourrir le Continent. Ainsi, nous devons mettre en place un plan mesurable et quantifiable pour changer l’histoire du Continent ", a-t-il déclaré en guise de conclusion de son intervention.
En ce qui concerne particulièrement Madagascar, dans ce contexte de (mal)nutrition, et sous l’impulsion personnelle du Président Andry Rajoelina, citons l’implantation dans le Sud de Madagascar d’une unité « Nutrisud » -gérée par l’Association Fitia, cette unité a été conçue par le groupe Nutriset et financée par la Fondation Mérieux- produisant des compléments alimentaires distribués à titre gratuit dans les écoles de la région. Il importe de rappeler, ici que la malnutrition est une cause du fort taux de déscolarisation dans cette partie de la Grande île de l’océan Indien. L’objectif est double, ici : inciter les élèves à fréquenter l’école ou à les faire revenir ; les sortir d’une situation alimentaire plus que critique. Du coup, les produits de Nutrisud ont permis d’augmenter de 30% le taux de scolarisation.
Dans la foulée, le régime dirigé par le Président Rajoelina, a procédé à l’octroi d’un « Titre vert » à plus de 2.000 familles dans le Sud, ayant été dotées de 1.000 à 5.000 m2 de terrain agricole, de matériels, d’équipements et d’animaux de ferme.
Concernant l’alimentation en eau potable, problème jamais résolu depuis plus d’un demi-siècle, un projet d’installation d’un pipeline de 92 km de long, partant de Efaho Taolagnaro pour aboutir à Ambovombe-Androy, est en cours de concrétisation.
Ce que le Président Andry Rajoelina attend de ce Sommet de Dakar 2, c’est le financement d’un projet qui vise l’extension de la lutte contre la malnutrition dans cinq régions pilotes. Projet présenté à ce Sommet en plein effervescence au moment où je rédige ce dossier.
Akinwumi Adesina, Président du Groupe de la BAD
De son côté, Akinwumi Adesina, Président du Groupe de la BAD (Banque africaine de développement, s’est adressé aux décideurs du monde entier : « Nous appelons à une coalition mondiale d’efforts autour de l’Afrique pour libérer son immense potentiel agricole afin qu’elle devienne une destination mondiale permettant de répondre aux pénuries croissantes en matière d’approvisionnement alimentaire dans le monde. L'Afrique peut et devrait contribuer à nourrir le monde. Le potentiel est important, mais personne ne mange cela. Il est temps pour le continent d'être appuyé afin de contribuer à nourrir le monde. La BAD s'engagera à hauteur de 10 milliards de dollars américains en faveur de l'Afrique au cours des prochaines années’’, a notamment déclaré le président de BAD.
Pour rappel, ce sommet de Dakar 2 est la suite logique du Sommet de Dakar 1, organisé dans la Capitale du Sénégal en 2015. Il a permis d’esquisser les contours de la stratégie « Nourrir l’Afrique : la Stratégie pour la transformation agricole en Afrique (2016-2025) » du Groupe de la Banque africaine de développement.
Ce 26 janvier 2023, dans le but d’atteindre l’objectif d’autosuffisance alimentaire de Madagascar, la BAD s’est engagée à contribuer pour 334 millions USD, et le FIDA pour 200 millions USD pour la mise en œuvre du « Pacte national de Madagascar pour l’Alimentation et l’Agriculture ».
Les arguments du Président Andry Rajoelina ont été aussi décisifs que convaincants. Il faut savoir que, dans le cadre de ce 2e Sommet de Dakar, chaque chef d’État préside un Conseil présidentiel qui consiste en une rencontre avec les partenaires techniques et financiers dans le domaine de l’agriculture (BAD, PAM, USAID, JICA, FIDA,…) et les investisseurs privés œuvrant dans le secteur agricole. Chaque pays doit avoir son pacte national pour l’Alimentation et l’Agriculture, afin de stimuler les actions et obtenir des résultats à grande échelle, pour atteindre les objectifs d’autosuffisance alimentaire. Ainsi, avec l’accompagnement de la BAD, le Conseil présidentiel, dirigé par le Président Rajoelina, a permis aux participants de discuter du « Pacte national de Madagascar », conformément à la vision du Président de la République de Madagascar sur l’Agriculture. Celui-ci a dressé un tableau sombre des réalités sur le continent africain. « Il est inacceptable que 60 à 65% des terres arables mondiales sont sur le continent et pourtant l’Afrique n’est pas encore capable de nourrir sa population », a-t-il déclaré.
Puis, ajoutés a Nutrisud et aux « «Titres verts » dont j’ai parlé plus haut, le Président Andry Rajoelina a présenté, lors de cette rencontre, les efforts déjà déployés par le gouvernement de Madagascar pour combattre la malnutrition et atteindre l’autosuffisance alimentaire, en produisant et en transformant localement tout ce dont la population a besoin. Ainsi du programme ODOF (« One District One Factory ») déjà effectif, avec la dotation à des paysans d’unités semi-industrielles pour leur permettre de transformer, dans leurs propres localités, leurs produits agricoles, comme le miel, par exemple ; du programme de distribution de sulfate d’ammonium (PDSA), en partenariat avec la Société Ambatovy, qui permettra de distribuer des engrais mélangés à du NPK, à 11 régions malagasy pour la saison 2022-2023, et d’augmenter le rendement rizicole de 2,5 tonnes à 5 tonnes à l’hectare. Enfin, le Président Andry Rajoelina a mis l’accent sur la vulgarisation de projets agro-industriels d’envergure à Madagascar et a lancé un appel dans ce sens aux investisseurs privés, avec l’assurance de la disposition de l’État à les accompagner.
La somme de ce plaidoyer, comme déjà écrit plus haut, a été cet engagement de la BAD et du FID pour une contribution d’un montant total de 534 millions USD, afin de mettre en œuvre le « Pacte national de Madagascar pour l’Alimentation et l’Agriculture ».
Ainsi pour Madagascar en mouvement, Dakar 2 restera un Sommet de tous les espoirs sur des volets plus que souvent « oubliés » par les dénigrements systématiques permettant de mieux faire tourner en rond un pays voué à décoller avec ou sans eux...
Jeannot RAMAMBAZAFY – Sources : Présidence de la République de Madagascar, ONU et BAD