Son dernier spectacle
Non, la mort ne vous préviendra jamais lorsque votre tour viendra de quitter cet ici-bas, cette vallée de larmes que certains veulent encore et toujours transformer en enfer pavé de bonnes intentions.
Sur le coup, avec ces tas de morts (passez-moi cette expression), je n’y avais pas prêté grande attention. Et c’est ainsi que ce n’est qu’aujourd’hui que je viens de réaliser que la famille décimée à Ankadilanana, Antananarivo, était celle de la chanteuse de jazz connue sous le nom de scène de Lalanto. Elle a péri avec ses parents, sa sœur, son mari et leur enfant. Le père de Lalanto était le colonel Randrianatovina Roger, en retraite, ancien commandant des forces de développement - COM FOD - situées sur la route-digue.
On sait –ou on fait semblant de l’oublier- tout ce qui nous attend, un de ces jours. Mais lorsque c’est toute une famille qui est décimée et lorsqu’on a fréquentée, cela vous fait tout de même un coup. A moins d’être une statue de marbre. J’étais déjà dans cette maison détruite par un éboulement, la nuit du 26 février 2015. Il s’agissait d’aller interviewer Lalanto, justement, qui venait de se faire connaître dans le répertoire du jazz à Madagascar. J’étais alors journaliste culturelle à Madagascar Tribune. Cela date bien de plus d’une décennie.
Elle n’était pas encore mariée à l’époque et sa voix était déjà percutante. Après avoir étudié elle-même l’anglais, Lalanto enseignait cette langue à l’école normale supérieur -ENS- d’Ampefiloha. En ce moment même, je deviens de plus en plus philosophe et je me dis : effectivement la vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie. De toute cette famille, il reste une survivante, la sœur de Lalanto qui n’était pas à la maison cette nuit fatidique. Sincèrement, est-ce une chance pour elle qui vient de perdre tous ses proches d’un seul coup ? Les voies du Seigneur sont décidément insondables.
Que dire de plus ? Le monde de la musique en général, à Madagascar, a perdu une voix d’or. Le festival Madajazzcar a perdu définitivement une artiste de talent. Je m’associe personnellement à la douleur des survivants composant les autres membres de la famille Randrianatoavina, cousines, cousins, oncles et tantes, nièces et neveux. Avec la sœur de Lalanto qui dort, désormais, dans la paix du Seigneur aux voies irrémédiablement insondables.
Jeannot Ramambazafy – 28 février 2015