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Le 23 juillet 2009, l’ambassadeur de France accrédité à Madagascar -mais qui n’a remis sa lettre d’accréditation à personne-, a remis, au nom du président de la République Française, les insignes de Commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur à Manorohanta Cécile.
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Qui est Mme Manorohanta ?
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 Assises militaires : L'ancien Premier ministre, le Général Charles Rabemananjara ; le ministre de la Défense, le vice-Amiral Mamy Ranaivoniarivo qui a succédé à Mme Manorohanta, à sa droite, et le Général en retraite, Désiré Ramakavelo
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Déjà une des rares femmes ministres de la Défense d’un pays, elle a pris son courage à deux mains pour démissionner de son poste, après la tuerie du 7 février 2009, devant le Palais d’Etat d’Ambohitsorohitra. Sa réaction fut spontanée : « En cette période de crise politique, je compatis et je soutiens moralement toutes les familles qui ont eu des décès. En tant que mère je n'accepte pas cette violence. Selon ce qui avait été convenu au niveau du gouvernement, les forces de l'ordre étaient censées protéger la population et ses biens. Mais, après ce qui s’est passé, je décide de ne plus faire partie de ce gouvernement ». Un acte courageux, ai-je dit, lorsque l’on sait que le nombre de ministres qui ont démissionné de leur propre chef, en un demi-siècle d’indépendance, se compte sur les doigts des deux mains…
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Le samedi sanglant, le courage de la démission
Mariée à un officier supérieur à la retraite, Cécile Manorohanta Dominique sait pertinemment que l’armée sert à défendre l’intégrité territoriale, en cas d’attaque extérieure. Cela fait partie des missions essentielles d’une armée, et non pas de tirer sur des foules. « Nos soldats devraient savoir que même s’ils n’ont pas à discuter les ordres de leurs chefs, il est des ordres qui ne sont pas exécutables. Autant déposer les armes, rendre sa tenue et aller faire autre chose ».
Depuis, elle a retrouvé son poste de Présidente de l’Université Nord, à Antsiranana où elle a le titre de Professeur (pas honoris causa mais vrai de vrai). La décision de Mme Manorohanta illustre la phrase suivante : « Si tu ne peux protéger le peuple et braver l’ennemi, donne ton sabre de guerre aux femmes qui t’indiqueront le chemin de l’honneur ».
Cette phrase est elle-même extraite de l’hymne du Wassoulou que je reproduis ici, en hommage à Mme Manorohanta dont je connais personnellement quelques membres de sa famille…
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CODE DE CONDUITE
À tous les dirigeants de partis politiques, de mouvements ou d'associations en lutte pour la libération nationale (du Togo) et l'avènement de la démocratie :
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Situation géographique du Wassoulou
Ci-après des extraits de l'hymne du Wassoulou. Pour votre culture générale, sachez que le Wassoulou (ou Wassulu, Wassalou, Ouassalou) est une région historique et une aire culturelle d'Afrique de l'Ouest, centrée autour de la ville de Yanfolila et à cheval sur le Mali, la Guinée et la Côte d'Ivoire de nos jours.
SI TU NE PEUX
Si tu ne peux
Organiser, diriger et défendre le pays de tes pères,
Fais appel aux Hommes plus valeureux.
Si tu ne peux
Dire la vérité en tout lieu et en tout temps,
Fais appel aux Hommes plus courageux.
Si tu ne peux
Être impartial,
Cède le trône aux Hommes justes.
Si tu ne peux
Protéger le peuple et braver l'ennemi,
Donne ton sabre de guerre aux Femmes,
qui t'indiqueront le chemin de l'honneur.
Si tu ne peux
Exprimer courageusement tes pensées,
Donne la parole aux griots.
Le peuple te fait confiance parce que tu incarnes ces vertus.
C'était mon hommage à moi. Mais qu’a dit l’ambassadeur Jean Marc Chataigner, à la Résidence de France, en présence du Premier ministre de la HAT, Monja Roindefo ? (il n’y a pas de photos mais faites-moi confiance). De quoi faire grimper aux rideaux les fanatiques de tous bords…
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Allocution de M. l’Ambassadeur de France, à l’occasion de la remise des Insignes de Commandeur de la Légion d’Honneur à Mme Cécile Manorohanta
23 Juillet 2009  - Résidence de France Ivandry Antananarivo
Nous sommes réunis ici, à la Résidence de France, pour honorer Mme Cécile Manorohanta en l’élevant à la dignité de commandeur de la Légion d’Honneur. Cette distinction récompense une femme malgache au parcours tout à fait exceptionnel. Universitaire de formation, Mme Manorohanta a occupé des postes de responsabilité importants comme celui de Chef du Département d’Etudes Françaises de la Faculté des Lettres et des Sciences en 1996 ou encore Doyenne de cette même faculté 2 ans plus tard. En 2002, elle intègre, en qualité de membre, la commission régionale d’experts de l’Agence Universitaire de la Francophonie auprès du bureau local de l’Océan Indien. Votre action en faveur de la francophonie y a été, je sais Madame, en tous points exemplaire. En 2006, elle accède à la direction de l’antenne malgache du Forum des Femmes Educatrices Africaines et est nommée présidente de l’université de Diego Suarez. Mme Manorohanta entre au gouvernement en 2007 et est nommée vice-ministre de l’éducation nationale chargée de la recherche scientifique, poste qui correspondait à sa formation universitaire. A priori, rien ne la prédestinait donc à devenir ministre de la Défense Nationale en octobre 2007, si ce n’est le fait d’être fille et femme de militaire. Je salue au passage son époux, le colonel Jean-Adolphe Dominique, membre du CMDN. Appelée par le Président Marc Ravalomanana, Mme Manorohanta prend la tête d’un ministère essentiellement masculin, la féminisation des forces armées se résumant à une quinzaine de médecins militaires. Femme de dialogue, toujours à l’écoute de ses subordonnés, elle mesure rapidement l’ampleur de la réforme que lui a confiée le président. N’écoutant que son courage, elle organise des groupes de travail chargés de définir un concept de défense et de proposer une restructuration en profondeur de l’appareil de défense malgache. Alors que ce projet de réforme prend corps, la crise politique du début d’année réduit à néant ce fastidieux travail, dont j’espère qu’il n’et pas tout à fait perdu et qu’il sera un jour repris. Face à l’ampleur de la révolte et des violences qui l’accompagnent, Mme Manorohanta a toujours su garder une gestion humaine du conflit évitant l’escalade de la répression. Depuis ce retrait de la vie politique, Mme Manorohanta a repris son poste de présidente de l’université de Diego. Dans les différents postes qu’elle a occupés, elle aura été une partenaire fidèle, francophone et francophile, qui aura su rester fidèle aux valeurs de liberté que prône partout la francophonie dans le Monde. Nous distinguons ainsi aujourd’hui une femme malgache qui a su mener de front une carrière professionnelle aux multiples facettes, universitaires et politiques, et une vie de mère de famille en charge de l’éducation de 2 filles, et qui demeure une référence pour ses paires.  Mme Cécile MANOROHANTA, au nom du président de la République Française, nous vous remettons les insignes de Commandeur dans l’ordre de la Légion d’Honneur ».
« Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Femme de conviction, ne tergiversant pas sur ses principes moraux, elle sera la première à remettre sa démission au Président Marc Ravalomanana après la tuerie du 7 février à Ambohitsorohitra, ne voulant pas cautionner l’action de militaires tirant sur leurs concitoyens. Cette décision est unanimement saluée et mérite notre respect. Elle résume trois qualités essentielles qui vous caractérisent : votre fidélité à des vraies valeurs, votre foi dans Madagascar, votre franchise.
Encore pour votre culture générale, sachez que l’ordre national de la Légion d’honneur est la plus haute décoration honorifique française. Elle a été instituée le 19 mai 1802 par Napoléon Bonaparte sur le modèle de l'ordre de Saint-Louis, mais sans le limiter aux seuls officiers. La Légion d’honneur symbolise depuis deux siècles le talent, le courage, le dévouement au service de la nation. L’étoile blanche accrochée à un ruban rouge a traversé tous les bouleversements politiques, l’effigie ornant son centre a changé, résumant le cours de l’histoire : Empire, Royauté, République… Mais sa signification est restée fidèle aux vœux de son créateur : elle désigne aujourd’hui, comme autrefois, une élite vivante et ouverte, reflet d’un pays au travers de son évolution.
La croix de Commandeur, toujours avec un ruban rouge
Par ordre de croissance, il y a les grades suivants dans cet ordre : Chevalier, Officier, Commandeur, Grand officier, Grand-croix, Grand maître.
Toutes nos félicitations donc à Cécile Manorohanta Dominique !
Jeannot RAMAMBAZAFY
Antananarivo, le 23 juillet 2009
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