Le contexte social couve une crise presque irréversible, la forte tension est palpable à des milliers de kilomètres. Les indicateurs en matière d’insécurité, d’asphyxie démocratique, d’injustice, de régression de l’indice de développement humain démontrent une réelle souffrance de la grande majorité du peuple Malagasy. Il subit cette maladie systémique qui gangrène les organes de décisions hiérarchiques : corruptions organisées et totales, incohérences et raides décisions politiques.
Que les choses soient claires. Madagascar est un pays d’amour et d’altruisme ! Le peuple Malagasy aspire comme tout autre peuple à une vie descente et respectueuse. Sa résistance à la pauvreté matérielle et aux crises est une forme d’atavisme qui par la force des choses se transforme en une résilience leur permettant de continuer à espérer une vie meilleure. Leur héritage culturel bousculé et piétiné constitue encore à ce jour un des remparts internes contre les pires bêtises humaines comme la guerre civile et génocidaire. Quoi que, de plus en plus aujourd’hui, on entend parler des vindictes populaires se terminant en lynchage. Le risque de généralisation de telles atrocités est à prendre au sérieux, les tensions qui montent indiquent la possibilité d’une implosion sociale.
Mais quelles sont les raisons d’un tel danger ? La perte de repère culturelle, l’avidité personnelle, la peur de ne pas être le plus ceci ou cela, les courses à l’abîme de l’environnement sont, entre autre, autant de points d’inerties qui précipitent notre société vers cette phagocytose sociale. Elle ruinera pour longtemps la volonté individuelle et communautaire pour un bien-être commun.
Mes propos sont loin d’être moralisateur. C’est un influx qui véhicule l’idée que dans chacun(e) d’entre nous existe une lumière qui veille pour un bonheur personnel. Et il n’y a pas de vérité absolue pour la réaliser, encore heureux. Seulement, l’interaction générationnelle faite de peurs et de détresses est un catalyseur puissant qui amenuise la confiance entre les générations d’élites/érudits et le peuple. Un bonheur se construit davantage dans la confiance et non dans la peur/détresse.
L’Université Citoyenne pour Madagascar à Toulouse en 2006 dont j’ai été l’initiateur pointait déjà le manque de confiance envers les élites politiques comme problématique de notre société. Et plus ça va dans le temps, on est en 2018, moins ces « pseudos érudits/élites » se montrent perspicaces pour une exemplarité de leader, ne serait-ce que pour le respect de leur propre parole. Les choses restent figées, la situation régresse.
À ce jour, pour se sortir du marasme, je propose, encore une fois, un vrai processus de conciliation (ou réconciliation) culturelle et inter génération, une logique de prise de responsabilité concertée et ce pour restaurer cette confiance perdue entre les générations Une à deux phases pour démarrer sa concrétisation :
- Une phase spirituelle et historique qui redonne du sens aux balises culturelles (ex: le Soatoavina), qui réhabilite la Malgachitude.
- Une autre phase en parallèle qui est économique et « éducationnelle ». Elle consiste à écrire un projet d’apprentissage ouvert pour faire aimer ce qu’on apprend, pour inciter davantage à l’innovation respectueuse de la nature en générale. En matière économique, faire en sorte que la création des richesses participe directement à l’amélioration de la vie quotidienne sans se vautrer dans des pratiques ultra libérales.
À nous donc aujourd’hui de faire preuve de calme de sérénité pour apaiser le plus rapidement possible cette situation vouée à une dégénérescence irréversible. À nous de faire comprendre notre volonté à orienter notre vie communautaire vers un vrai nouveau cap. À nous de choisir nos méthodes sans que la communauté internationale ne vienne se substituer à nous sous prétexte d’un quelconque principe de subsidiarité. À nous de suivre pleinement cette logique altruiste en nous. Surtout à nous de faire confiance aux personnes qui sont dans une logique de responsabilité, en capacité de partager de vraies valeurs Malagasy et qui ne renient point les autres, en capacité de réhabiliter la vie sociétale du pays sans kolikoly (corruption, pot-de-vin).
Ny Tany iainako asoaviko, ny Tany niaviako andrianiko !
Ho Soavin-Janahary !
Soyez vivants !
Rivo RAKOTOMAVO
Ingénieur consultant en monétique, ancien président de l'école d'éducation nouvelle «La Prairie» à Toulouse