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Andry Rajoelina. Et maintenant, qui va faire quoi exactement ?

Stade municipal de Mahamasina, samedi 19 janvier 2019. Avant l’investiture proprement dite, le président élu, Andry Rajoelina, a salué tour à tour les trois anciens présidents de Madagascar présents ce jour : Hery Rajaonarimampianina, Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana

Après une parenthèse de 20 ans où la conquête du pouvoir se faisait à la hussarde ou par la rue, la Grande Ile a enfin retrouvé le chemin d’une alternance démocratique apaisée.

Andry Nirina Rajoelina, 44 ans, est le nouveau Président de la République malgache. La Haute Cour Constitutionnelle (HCC) a confirmé- le 8 janvier dernier - les résultats provisoires publiés le 26 décembre 2018 par la Commission Électorale Nationale et Indépendante (CENI). Il a devancé son challenger Marc Ravalomanana de plus 550.000 voix : 2.586.938 voix (55,66%) pour le premier ; contre 2.060.847 voix (44,34%) pour le finaliste, pour un taux de participation d’environ 48%. Ce fut un grand soulagement pour toute la population, les représentants de la communauté internationale résidents dans la Grande île et tous les observateurs électoraux qui ont supervisé ce scrutin.

D’abord, parce que les Haut-magistrats n’ont pas tremblé en proclamant le résultat définitif alors que le candidat Marc Ravalomanana a déposé des requêtes en annulation, au prétexte qu’il y a eu des fraudes massives et des irrégularités flagrantes. Ces partisans ont contesté les résultats de la CENI en organisant un sit-in quotidien à la fameuse Place du 13 mai, épicentre depuis 50 ans de chaque mouvement populaire destiné à renverser le pouvoir. La HCC a déclaré irrecevables ou infondées les 350 requêtes. Et quand bien même, celles-ci n’auraient pu, en aucune manière, influer sur les 550.000 voix d’écart entre les deux candidats.

Ensuite, fair-play, Marc Ravalomanana a fait le déplacement et a serré la main de son rival. Le soir même, lors d’une allocution télévisée, il a demandé à ses partisans de rentrer à la maison en cessant les manifestations et toute forme de protestation. Rétrospectivement, cette proclamation définitive de la HCC peut être perçue comme l’aboutissement de plus de deux décennies de crises politiques à Madagascar. À la fin des années 1990, un tycoon de l’agroalimentaire – Marc Ravalomanana – décida de conquérir le pouvoir ou ambitionna de développer le pays à l’instar de sa réussite entrepreneuriale. Il se servît d’abord de la mairie de la capitale Antananarivo comme tremplin avant de défier l’Amiral Didier Ratsiraka lors des présidentielles de 2001.

Déjà à cette époque, l’habile homme d’affaires avait dénoncé des fraudes massives l’empêchant d’être élu dès le 1er tour. Il lança un mot d’ordre de grève général jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause. L’OUA dépêcha sur place Amara Essy pour calmer les tensions. Face à une crise qui dura plus de six mois, Abdoulaye Wade a invité les deux protagonistes – Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana – au King Fahd Palace de Dakar pour trouver une solution. Avec la présence de Laurent Gbagbo (Côte d’Ivoire), Mathieu Kérékou (Bénin) et Joaquim Chissano (Mozambique), les deux adversaires ont promis de passer par un second tour.

Sitôt rentré à Antananarivo, Marc Ravalomanana a déchiré l’accord de Dakar pour s’autoproclamer Président de la République en mai 2002. Mis devant le fait accompli et pour éviter une guerre civile, Jacques Chirac a personnellement demandé à l’amiral Ratsiraka de se retirer et lui offrît l’exil à Paris. Séduits par le dynamisme de ce self-made-man, les bailleurs de fonds lui ont tiré des chèques à vue et décaissé tous les engagements latents depuis des années de règne de son prédécesseur.

L’Afrique du Sud et les pays anglo-saxons (Grande-Bretagne, États-Unis) étaient très en cour à Madagascar ; tandis que les multinationales françaises étaient priées de patienter. Les chantiers sortaient de terre comme des champignons, mais le businessman-Président avait tendance à confondre le Trésor Public et sa cassette personnelle. Pire, devenu insatiable, il a commencé à s’attaquer à tous les secteurs de l’économie et à ses anciens amis, opérateurs économiques eux aussi - dans un grand dessein qui aurait pu transformer la Grande Île en un vaste conglomérat en son nom. Bref, Marc Ravalomanana s’est fait énormément d’ennemis en seulement un mandat.

Le coup d’État de 2009 qui provoqua sa fuite vers Pretoria fut perpétrée par une coalition hétéroclite de mécontents. L’amiral Didier Ratsiraka a confirmé quelques années plus tard qu’il a donné un coup de pouce et aurait participé financièrement au putsch de 2009. Force est de reconnaître qu’aucun officier ni homme politique n’a voulu prendre la tête de ce putsch. Il a fallu trouver un jeune courageux assez fou pour accepter un tel pari : en l’occurrence, le maire d’Antananarivo Andry Rajoelina, ancien ordonnateur d’évènements culturels et festifs.

Sitôt autoproclamé Président de la Transition, la France - fut le seul pays de l’Union Européenne - a dépêché un nouvel ambassadeur alors que le nouveau régime a été mis au ban des Nations-Unies et de l’Union Africaine. Interdits de candidature par la communauté internationale et les médiateurs lors des élections présidentielles de 2013 en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina se sont enfin affrontés par la voie des urnes en décembre 2018.

Et maintenant ?

Economiquement, le peuple malgache, courageux au demeurant, attend beaucoup de ce nouvel élu de 44 ans qui a tant promis pour améliorer leur quotidien et lutter contre la faim et l’insécurité. Comment les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) c’est-à-dire les bailleurs de fonds, l’UE, les pays de l’OCDE vont aborder cette nouvelle perspective ?

En un mot, essayer enfin de développer ce pays qui regorge de ressources naturelles et de matières premières ! Vont-ils travailler de concert avec Andry Rajoelina ou poser encore une fois de conditionnalités et des critères de gouvernance qui retarderaient le déblocage des fonds. Dans le cas contraire, Andry Rajoelina n’hésitera pas à se jeter dans les bras de la Chine.

Or ce partenariat bilatéral comporte tout de même quelques risques tels que : d’une part, le manque de contrôle au niveau des exportations de certaines ressources naturelles, notamment le trafic de bois de rose ; d’autre part, l’endettement massif entre les mains d’un seul créancier.

Las, la population semble vouloir tourner la page de ses 20 années d’errements politiques, en partie attisées par l'ingérence de certains pays étrangers. Même les fervents partisans de Marc Ravalomanana n’ont plus envie de se mobiliser pour contester la victoire d’Andry Rajoelina. Politiquement, la prochaine échéance électorale - premier trimestre 2019 - décidera de la nouvelle coloration de l’Assemblée Nationale.

Le peuple espère enfin mais sans trop grande conviction d’un renouvellement de la classe dirigeante sclérosée et corrompue. Andry Rajoelina saura-t-il enfin rendre un peu de lustre à la vie politique mise au service du plus grand nombre ?


Journaliste malgache, Ă©ditorialiste et politologue

in Diaspora News n°103, pages 10-11 de Janvier/Février 2009

Mis Ă  jour ( Mercredi, 23 Janvier 2019 11:04 )  
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