TRADUCTION EN FRANCAIS DISCOURS INTÉGRAL DU SG GUTERRES ICI
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Non, ce n’est pas possible ! Plus le temps passe, plus ce qui se passe à la barre de la Grande île de l’océan Indien est aux antipodes des discours et des belles résolutions du candidat Andry Rajoelina. Je m’en vais vous donner un seul exemple et à vous de réfléchir librement sur la question. Mais Madagascar 2019 est vraiment mal… barré (mal parti en français argotique).
Le jeudi 24 janvier 2019, les membres du second gouvernement du Premier ministre reconduit, Ntsay Christian, ont été présentés au public. De 32, le nombre de ministres est passé à 22, y compris le secrétariat d’État à la Gendarmerie nationale. Qui n’a pas applaudi à cette diminution censée avoir un fort impact sur le budget même de l’État ? Finies les dépenses, aussi inutiles que folles, grâce au «volam-panjakana» ou «volam-bahoaka» (deniers publics, argent du peuple). Le Président élu -par le même peuple- a tenu sa promesse de mise en place d’un gouvernement d’austérité afin de réduire les dépenses étatiques. Ce, « pour prioriser le social de la population et subvenir aux besoins des plus démunis et des couches vulnérables ». Juste en passant, il faut rappeler qu’Andry Rajoelina -le seul et l’unique Andry Tgv- est un visionnaire hors pair et il sait utiliser l’argent à bon escient. Preuves dans un petit retour dans le passé.
A compter du mois de septembre 2010, toutes les dépenses d’investissement des ministères ont dû passer par la présidence de la Transition. Raison simple : les ministères n’avaient aucun budget tandis que la présidence, elle, disposait d’une enveloppe de 100 millions USD. Il s’agissait d’un financement obtenu grâce à un droit d’exploration dont la société chinoise Wisco devait s’acquitter avant toute exploitation du charbon de Soalala. Du coup, c’est le président de la transition en personne qui est devenu le seul et vrai initiateur des projets d’investissements publics de l’époque. En ce temps-là , déjà , il avait déclaré : « Ce que les autres n’ont pas fait durant des années, nous allons les réaliser en peu de temps ». Et effectivement, il faut le reconnaître, il a bien réalisé le programme qu’il avait annoncé en 2009, après la démission et la fuite du président Marc Ravalomanana. Entre autres : construction d’hôpitaux, de routes, de logements sociaux et d’infrastructures sportives.
Certes, il n’avait pas été élu mais, à mon sens, il était très bien entouré et avait, à ses côté, un ministre des Finances et du Budget très expert en comptabilité… Qui avait même été félicité par la Banque mondiale pour sa bonne gestion des deniers publics. Hélas, cela ne l’a pas empêché de devenir un piètre président de la république élu qui a amené Madagascar au 4ème rang des pays les plus pauvres du monde en un mandat écourté par une soif de pouvoir due à une cour de conseillers zélateurs corrompus. Passons. En cette année 2019, Andry Rajoelina est devenu un « président plein » reconnu officiellement par tous les Malgaches et le monde entier. Tous les espoirs semblent alors permis pour que le pays se redresse, car cette fonction de président de la république élu, il l’avait préparé depuis 4 ans. Il est donc l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Pourtant, en un mois à la barre, des « détails » commencent à inquiéter l’opinion publique qui se pose des tas de questions. J’y reviendrai au moment opportun mais focalisons-nous sur l’aspect « austérité » et son contraire que je prouve ici.
Lors de son discours d’après son investiture, le 19 janvier 2019 au stade de Mahamasina, le Président Andry Rajoelina a annoncé la mise en place de gouverneurs pour chacune des actuelles 23 régions de l’île (il y en avait 22 jusqu’à ce que la région Vatovavy Fitovinany soit scindée en deux). Ils remplaceront les chefs de région dont les décrets de nomination viennent d’ailleurs d’être abrogés. Déjà , cela me fait tiquer car ces futurs gouverneurs seront encore nommés et non élus. Ce qui est aux antipodes de la notion même de démocratie qui implique le suffrage universel direct (électeurs) ou indirect (grands électeurs). Sur le coup, encore, tout le monde a applaudi. Mais c’est sur les coûts que cela va poser problème. En effet, j’ai pu me procurer un visuel de l’organigramme de base d’un gouvernorat et mon constat m’a amené au titre de cet article : Madagascar Gouvernorats. La République des Directeurs.
Qu’il soit appliqué tel quel ou non (mais il n’y a jamais d’esquisse sans vraies intentions), cet organigramme basique démontre que ce sont les préceptes, la philosophie et les convictions du Président Andry Rajoelina qui s’écroulent tel un château de cartes. Et c’est un véritable gâteau que vont se partager des arrivistes et des opportunistes de tous bords qui n’auront même pas vécu la révolution orange de 2009 ni connu ses martyrs. Avec 2 Directeurs généraux et 4 Directeurs généraux adjoints, chacun des 23 Gouverneurs régionaux aura sous ses ordres 22 Directeurs. Vous multipliez cela par 23 et cela donne 23 Gouverneurs + 138 Directeurs généraux et leur adjoint + 506 Directeurs « simples ». Au total, ce seront donc 667 hauts commis de l’État unitaire qui seront rémunérés au même indice que leurs pairs du gouvernement central. Considéré comme un véritable Président (au même titre qu’Andry Rajoelina qui l’aura nommé), un Gouverneur régional sera alors payé plus qu’un « simple » ministre… Ce sera alors tout ce que vous voulez sauf l’austérité et la réduction des dépenses étatiques.
Et dans ces 23 tours de Babel, certains espèrent (d’un espoir qui fait vivre qui vous savez) qu’il n’y aura pas de corruption. Mais il y faudra bien des chauffeurs, des assistants, des assistants d’assistants des Dg, des directeurs, des secrétaires, des femmes de ménages (on dit techniciens de surface maintenant), etc. Pour ceux qui veulent se cultiver encore plus, sachez qu’UNE tour de Babel n’a pas exactement le même sens que LA tour de Babel de la Bible. UNE tour de Babel est « un endroit, une réunion, une entité où règne la confusion, où les gens ont des difficultés pour s'entendre, se comprendre » (expressio.fr)
« Aspect purement logistique ! », se défendront les optimistes incapables (mais nommés), se refusant tout sens critique, déjà aveuglés par le prestige de la future fonction et les «accessoires» allant avec, loin des palais d’Iavoloha et d’Ambohitsorohitra. Entre la théorie et la pratique, en tout cas, ll y a une différence énorme, surtout dans ce contexte normal, c’est-à -dire contraire à la période de transition où tous les partis politiques ont eu leur part du gâteau du pouvoir. Cette fois, c’est le président de la république élu va nommer donc ces 23 gouverneurs régionaux ! Si, il a la possibilité de le faire jusqu’en juin 2019 car l’Assemblée nationale -pouvoir législatif- n’existe plus depuis le début du mois de février 2019. Cela va monter à la tête de quelques-uns qui se considèreront aussi comme des élus (de Dieu aussi par-dessus le marché!). Péché d’orgueil qui risque de faire capoter les souhaits du Président Rajoelina qui pourrait alors voir surgir une sécession du style «états fédéraux» découlant des «provinces autonomes» de Didier Ratsiraka avec ses 6 gouverneurs provinciaux. Élus, eux… Rappels.
Le 10 juin 2001, il y a eu des élections, au niveau des grands électeurs, à Madagascar. Cela entrait dans la mise en place des 336 Conseillers provinciaux (nommés comme des ministres), des Sénateurs pour compléter le Parlement (Honoré Rakotomanana fut élu Président du Sénat), et des Gouverneurs pour les six provinces «autonomes». Les six Gouverneurs élus furent : Etienne Hilaire Razafindehibe (Mahajanga), Jean de Dieu Maharante (Toliara), Emilson (Fianarantsoa), Lahady Samuel (Toamasina), Gara Jean Robert (Antsiranana), Pascal Rakotomavo (Antananarivo). Transformés en gouverneurs d’états fédéraux en 2002, ils n’auront pas fait long feu avec l’arrivée au pouvoir de Marc Ravalomanana qui enleva cette autonomie des provinces de la constitution malgache. Je me rappelle que le 15 mars 1998 a eu lieu un référendum sur la décentralisation et la mise en place des «provinces autonomes» à Madagascar. Le peuple a voté «Oui» avec 50,96% des suffrages exprimés. Mais personne ne savait de quelle décentralisation il s’agissait exactement.
Revenons en 2019. Pour le Président Andry Rajoelina, «les gouvernorats de région auront un rôle plutôt économique. Ils seront ainsi dotés de gros budgets d’investissement». Donc, déjà , si l’on suit bien, le développement économique du pays ne sera plus le monopole du pouvoir central alors ? Mais les budgets de fonctionnement de ces entités -assez «peuplés»...- seront-ils à la hauteur de ces «gros budgets d’investissement» ? Car le nerf de la guerre est surtout incontournable pour le fonctionnement même de toutes les structures de ces 23 gouvernorats régionaux. Certes, je veux bien avoir confiance au Président Rajoelina pour trouver les sous nécessaires, mais il ne faut pas oublier que «la chair est faible» et que «l’appétit vient en mangeant»… On ne change pas les mentalités du jour au lendemain.
Enfin, quelles que soient les explications, il apparaît au fil du temps que le Président Andry Rajoelina tend de plus en plus à imposer un diktat. C’est quoi exactement ? Diktat est un nom formé à partir d'un verbe latin «dictare» qui signifie «dire, prescrire, ordonner», lui-même formé sur «dicere» qui signifie «dire». Le nom correspond en fait à la troisième personne du présent de l'indicatif : «il prescrit». Dans le domaine de la politique internationale, le mot diktat désigne « une chose imposée, dictée et qui est généralement considérée comme une humiliation pour le peuple qui la subit ». Mais ce diktat vient-il réellement de lui personnellement ou bien ?...
En tout cas, ce sera un véritable tour de passe-passe qui aura lieu. En effet, selon Thierry Rakotonarivo, vice-Président de la CENI (commission électorale nationale indépendante : « la mise en place des 23 gouvernorats de région et la nomination des 23 gouverneurs ne passeront pas nécessairement par la révision de l’actuelle Constitution ». Ce qui signifie, en clair, que les 55,7% des électeurs qui ont voté pour le candidat n°13 en 2018, auront été les dindons d’une très mauvaise farce. En effet, leur pays sera bientôt dirigé par des personnages qui auront été nommés. Une authentique République des Directeurs. Qui s’annonce pire que la République des Conseillers du régime Hvm/Rajaonarimampianina ? Tout dépend d’Andry Tgv lui-même et de personne d’autres.
Jeannot Ramambazafy – Également publié dans « La Gazette de la Grande île » du mercredi 27 février 2019