Le Président Andry Rajoelina prêtant serment, le 19 janvier 2019
La naissance de l’entité VTT (« Vondron’ny Tia Tanindrazana ») m’a plongé dans une profonde réflexion en ce qui concerne la pratique et le monde de la politique à Madagascar. Il apparaît que peu de gens, ici, comprenne ce que signifie exactement « faire de la politique », l’espoir d’avoir ne serait-ce qu’un strapontin du pouvoir en place dominant les visées. But : s’enrichir sur le dos et aux frais du prince IemTégévé. Leçon de… chose publique (res publica).
Vous avez dit Politique ?
Le mot « politique » comprend plusieurs significations différentes. Cela s’appelle polysémie. La plus courante et connue est la politique vient du mot grec « polis » signifiant Cité. La politique, c’est donc la vie de la Cité, de la société, c’est-à -dire toutes les décisions qui organisent notre vie dans un pays, une région, une ville. Pour le présent dossier, nous retiendrons les quatre définitions que nous propose Wikipédia :
1. Art et manière de gouverner. La politique, en son sens le plus large, celui de civilité ou Politikos, désigne ce qui est relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée. Dans la Grèce antique, la politique était une science qui cherchait à imaginer le régime idéal. Ce qui, actuellement, relève de la pure utopie de par le monde même. Car il est clair que le paradis sur terre n’existe pas et n’existera jamais ;
2. Organisation des pouvoirs. La politique, en général, celle d'une communauté, d’une société, d’un groupe social, au sens de Politeia. Elle obéit à une Constitution rédigée par ses fondateurs qui définit sa structure et son fonctionnement (méthodique, théorique et pratique). Ici, la politique porte sur les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d'autres ensembles. Dans ce contexte, elle est principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d'individualités et/ou de multiplicités. Ici encore, la politique concerne tous les domaines de la société : Culture, Défense, Economie, Finances publiques, Justice, Education, Organisation et sécurité intérieures, Relations extérieures … Mais elle touche également tous les niveaux de son champ d'action : municipal, régional, national, international. C'est dans cette optique que les études politiques ou la science politique s'ouvrent à tous les domaines d'une société (droit, économie, sociologie, etc.) ;
3. Conduite des affaires publiques. La politique, dans une acception plus restrictive, au sens de Politikè ou d'art politique. Elle se réfère à la pratique du pouvoir, soit aux luttes de pouvoir et de représentativité entre des hommes et femmes de pouvoir, et aux différents partis politiques auxquels ils peuvent appartenir, tout comme à la gestion de ce même pouvoir ;
4. Actions prévues ou mises en œuvre par une institution, une organisation, un parti, un Etat, une entreprise, un individu... en vue d'atteindre un objectif préalablement fixé. C’est la politique souvent assortie d'une épithète qui détermine sa définition : on parle de stratégie politique, par exemple, pour expliquer comment elle se situe dans une perception combinatoire et planifiée de nature à lui faire atteindre ses objectifs.
Le mot politique vient du grec « polis » qui signifie Cité. La politique, c’est donc la vie de la Cité, de la société, c’est-à -dire toutes les décisions qui organisent notre vie dans un pays, une région, une ville.
Du parti politique
Un parti politique est une association organisée qui rassemble des citoyens unis par une philosophie ou une idéologie commune qui inspire son action. C’est donc une organisation au service d’une idée. L’objectif de tout parti politique qui se respecte est la conquête suivie de l’exercice du pouvoir. Ainsi, il peut chercher à influencer le gouvernement en place, en le soutenant si celui-ci en est issu, ou en s'y opposant idéologiquement et non pas de manière épidermique, à travers donc des débats d’idées et non de personnes. Plus encore, un parti politique est une organisation durable visant à conquérir et à exercer le pouvoir en défendant un certain nombre d'idées définies dans un programme.
Dans la pratique, le parti politique se démarque des groupes de pression ou des autres organisations de la société civile (syndicats, chambres de commerce… associations corporatives ou professionnelles, etc.) dans la mesure où il vise, de manière explicite, à former le gouvernement et non pas simplement à l'influencer ou à faire pression sur lui. Comme le fait le SeFafi (Observatoire de la vie publique à Madagascar) ou le Kmf-Cnoe (Comité national pour l'observation des élections), par exemple.
Dans les pays dits démocratiques ou qui prétendent l’être, tout parti politique tente de prendre le pouvoir lors des élections générales (présidentielles et/ou législatives). Pour ce faire, quatre étapes s’avèrent incontournables. Primo : le choix du leader ou du porte-parole ; secundo : le recrutement des candidats ; tertio : l’obtention de financements ; quarto : la mobilisation des électeurs. Et c’est ici qu’interviennent les militants, les vrais de vrais, sur lesquels reposent la réussite.
Du militantisme politique
Il importe, avant tout, de distinguer les militants des sympathisants. Ceux-ci sont des membres affiliés à un parti politique dont ils possèdent accessoirement la carte, mais ils ne participent pas à ses actions. Les militants, quant à eux, sont des membres actifs. Ce qui veut dire qu’ils acceptent de faire bénévolement un travail de terrain et de participer à la vie du parti. Les activités des militants politiques -qui constituent, dès lors, le militantisme politique- sont assez variées. Par exemple : participation aux réunions du parti, de manière à débattre de ses orientations, de la stratégie électorale à adopter lors d’une élection locale, ou des grands débats nationaux du moment ; médiatisation des positions de leur parti par la distribution de tracts dans la rue, sur les marchés ou par la vente d’un journal ; participation aux nombreuses activités lors des campagnes électorales (collage d’affiches, distribution d’accessoires représentatifs de leur(s) candidat(s), organisation de meetings...). Il s’agit, à Madagascar, des « Mpitolona » (littéralement : ceux luttent). Au quotidien, et normalement, leur travail consiste à reprendre un certain nombre de revendications, propositions ou ambitions et d'y faire écho dans leurs multiples interventions. Dans ce contexte, ils filtrent les demandes provenant de l'ensemble de la société -ou d'importants segments de celle-ci- et ils contribuent à définir les choix politiques et sociaux. Contrairement aux revendications d'un groupe de pression, qui s'articulent à des intérêts précis, sectoriels ou relatifs à un groupe défini de la société, le programme d'un parti politique constitue, généralement, une proposition d'ensemble couvrant la plupart des secteurs d'activités où l'État intervient : travail, santé, environnement, économie, etc.
Et le politicien, diriez-vous ?
Le Centre national français des ressources textuelles et lexicales (CNRTL) nous indique que le politicien est une « personne qui s'occupe de politique à titre professionnel, en connaît et en utilise toutes les intrigues ». Intrigues ? Ah ah, voilà qui est bien intriguant, n’est-il pas ? Ce mot français vient de l'italien « intrigo » signifiant, « complication, embrouillement, imbroglio ». Au théâtre, l’intrigue est « la combinaison des circonstances et des incidents qui forment le nœud même de l’action, qui la suspendent et menacent de l’arrêter ou de la détourner du but marqué, jusqu’à ce que le dénouement l’y ramène d’une façon inattendue et la précipite ». En résumé, il s’agit donc d’affaires complexes, de situations embarrassantes et de complications dans lesquelles évolue le politicien. Et cela dépasse le stade de toutes ces définitions, à Madagascar, au seuil des élections législatives de mai 2019.
195 partis politiques recensés à Madagascar
Dans la Grande île de l’océan Indien, en février 2018, on dénombrait 195 partis politiques enregistrés au niveau du ministère de l’Intérieur. Cependant, la majorité ne propose aucun projet de société et ne participe ni à l’éducation civique, ni aux élections. Or, l’article 2 de la loi 2011-012 relatives aux partis politiques stipule que « le parti politique désigne tout groupement de citoyens ayant en commun un projet de société, partageant la même idéologie et poursuivant les mêmes objectifs, aux fins de défendre et de mettre en œuvre un programme politique pour le développement socioéconomique et culturel de la nation par l’exercice de la représentation au sein des différentes institutions au niveau local, régional, provincial et national. Il concourt à la formation de la volonté politique, à l’expression du suffrage universel et à l’exercice du pouvoir par des moyens démocratiques et pacifiques à travers la participation aux élections, l’éducation civique et politique et l’encouragement de la participation des citoyens à la vie publique et politique Il exprime ses objectifs dans un programme politique ».
Il y a très loin de la théorie des textes à la pratique courante
Et la loi malgache est aussi très prévoyante. Ainsi, au sujet de la dissolution d’un parti politique, cette même loi, dans ses articles 18 et 26, disposent que « Tout parti politique doit tenir un congrès national tous les cinq ans au moins sous peine de radiation du registre national des partis politiques. Le congrès national est l’instance suprême de décision en matière d’orientation générale du parti ; de programme politique ; d’idéologie » (article 18) et « Les partis politiques ont le devoir de : 1. respecter scrupuleusement la Constitution, les lois et les règlements en vigueur, 2. participer activement à la moralisation de la vie publique, 3. former ses membres, 4. sensibiliser les citoyens à participer à la vie publique et politique, 5. rendre compte en matière politique » (article 26). Seulement, il y a très loin de la théorie des textes à la pratique courante… Quant au financement des partis politiques, malgré l’existence timide d’esquisses de textes à ce sujet, c’est tout simplement l’opacité de chez Opacité. Vraiment, aurait dit l’ancien PM Olivier Mahafaly Solonandrasana…
Tgv-Mapar : la tête sous l’eau des intrigues…
En 2018, Andry Rajoelina s’est porté candidat à la présidence sous le label du parti qu’il a fondé en 2007, le Tgv (« Tanora malaGasy vonona »). Mais dès les premiers jours de la campagne du premier tour, hormis le groupement politique Mapar, c’est une multitude d’entités pro-Anr qui sont apparues pour le soutenir. Et lors de la propagande du second tour, une kyrielle de créatures retourne-vestes tous azimuts se sont rangées aussi à ses côtés. Et ce qui devait arriver arrive à l’approche donc des élections législatives de mai 2019 : le parti Tgv et le Mapar sont littéralement noyés par ces entités et tous les militants politiques de base qui se sont démenés comme de beaux diables dans toutes les régions du pays, ont, actuellement, la tête sous l’eau des intrigues (politocardes) dont j’ai parlé plus haut.
IFi et PMP même combat ?
L’entité IFi (« Isika Fikambanana miara-dia amin’ny Filoha Andry Rajoelina » - Nous, associations roulant avec le Président Andry Rajoelina) a officiellement été présentée le 21 février 2019, au CCI d’Ivato. Composés d’illustres inconnus et de célèbres personnages retourne-vestes, cette IFi fait étrangement penser à la PMP (Plateforme de la majorité présidentielle) au début de l’exercice du pouvoir du président Hery Rajaonarimampianina qui a fait naître une légion de traîtres au parti sous lequel nombre de ces députés avaient été élus le 20 décembre 2013 : Mapar, MMM, Leader Fanilo pour les plus connus. Et comme par magie (merci mallettes…magiques), un groupe parlementaire Hvm (« Hery vaovaon’i Madagasikara ») a légalement vu le jour à l’époque. Or, ce parti politique n’a jamais existé ni avant, ni pendant ni après ces législatives de 2013.
« Avec le temps, on oublie le visage et on oublie les voix (électorales) »
Certes, à présent, Andry Rajoelina est le président de tous les Malgaches, mais ce n’est pas une raison pour abandonner ces braves militants à leur triste sort, une fois le but atteint : devenir président de la république élu («Filoham-pirenena voafidim-bahoaka »). Grâce à eux, désormais laissés-pour-compte frustrés et déconsidérés pourtant. Au lieu d’être fédérateur, Andry Rajoelina devenu un sésame d’accès au pouvoir, proposé à toutes les sauces -et à tous les montants-, accentue les clivages voire l’ostracisme prenant naissance là où vous pensez en ce moment même. Peut-on parler de verrouillage politique dans ce cas de figure ? Loin de là . C’est du suicide politique à plus ou moins long terme. Même si, comme le chante Léo Ferré : « Avec le temps, on oublie le visage et on oublie les voix (électorales) ».
Stabilité politique en danger
Par ailleurs, les électeurs, aussi écœurés que tous ces militants par cette ingratitude manifeste, ne vont plus savoir pour qui voter étant donné que tout ce monde roule pour une IEM qui semble changer sensiblement en cours de route. Et c’est la stabilité politique même, gage de stabilité sociale et économique, qui est danger. Car l’IEM n’est pas un parti politique et il est alors à craindre que le Tgv et le Mapar ne seront pas majoritaires cette fois-ci à l’Assemblée nationale. Pour rappel, ce sont les députés majoritairement élus –avec leur parti ou groupe de partis auquel ils se seront présentés-, qui proposeront le nom du futur Premier ministre. Alors attention danger ! Et un homme averti en vaut deux, n’est-ce pas ?
Inénarrable Nicolas Randrianasolo
Autre aberration, devenue monnaie courante, dans ce paysage politique malgache des plus incompréhensibles, si l’on se réfère à toutes les définitions de ce dossier : la naissance d’une énième entité politique annoncée en début de ce dossier. Dénommée donc VTT (« Vondron’ny Tia Tanindrazana » - Regroupement des Patriotes), elle prend aussi le Tgv en marche, en prétendant vouloir rouler avec le pouvoir, donc pour l’IEM comme projet de société. Parmi les membres fondateurs de cette VTT, l’inénarrable (« hilarious » en anglais) Nicolas Randrianasolo, élu député sous le label Mapar en 2013, qui s’est rangé sous la bannière Hvm durant tout le mandat de Rajaonarimampianina et qui, donc, en mai 2019, se présentera aux législatives sous les couleurs (que personne ne connait) de cette VTT, ne pouvant plus revenir chez le Mapar comme les députés Cathy, Vololona et consorts. Maharante, lui, a pris la poudre d’escampette pour rejoindre la généreuse France.
Signé Latimer Rangers…
Pour certains esprits, qui passent leur temps à jouer aux espions très futés dans leur futal trop serré, qui ont perdu tout sens critique et croient rendre service au « Filoham-pirenena voafidm-bahoaka », je reprends, ici, ce qu’a dit un jour un vénérable et vénéré confrère, à propos de nous, journalistes : « Izahay tsy hanipy voninkazo anareo mpitondra fanjakana fa ny olona alevina any am-pasana no atao an'izany » (en traduction libre : Nous ne vous couvrirons pas de fleurs, vous dirigeants étatiques car cela est destiné à ceux qui vont être enterrés). Signé Latimer Rangers et à bon entendeur salut !
Dossier de Jeannot Ramambazafy également publié dans "La Gazette de la Grande île" du samedi 2 mars 2019