Décidément, le mot impossible ne figure pas dans le vocabulaire du président Marc Ravalomanana. Alors que, quelque part, il existe sûrement des preuves irréfutables que quelques entités ont 100.000 Morts sur la conscience, le programme de la commémoration du 29 mars 1947, soixante ans après, se rapproche de celui d’un 26 juin, fête de l’Indépendance, que d’une journée de recueillement. Il est de mon devoir de rafraîchir les mémoires, au nom des descendants de ces milliers de victimes.
Et je ne vais pas mettre des gants car le temps passe et qui sait si je serai encore là en 2008 ? En passant, la photo d’illustration est la couverture du livre de Jean-Luc Raharimanana et la photo du Fonds Charles Ravoajanahary
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L’enfer est toujours pavé de bonnes intentions
Actuellement à Madagascar, la mendicité directe a fait place à une astuce du genre du questionnaire du prochain referendum. En évoquant l’esprit et la notion de solidarité, on mise tout sur le Téléthon. Ainsi, dans ce charmant esprit de faire des amalgames, il y aura le lancement officiel et gouvernemental d’un téléthon –sur une période d’un mois !- pour les victimes du cyclone Indlala, dans le cadre de cette commémoration festive du 29 mars 1947. Ce sera l’après-midi, sur une avenue de l’Indépendance ravalée pour la circonstance. Puis, il y aura des radios-crochets, des chants, des poèmes… exactement, je me souviens, comme du temps de la Première république où un podium était dressé là pour amuser la foule pareillement, fêtant le 14 octobre, avènement de la République malgache. Cette date a été jeté dans les oubliettes de l’Histoire.
Sinon, ce 29 mars 2007 sera des plus ordinaires avec le même scénario que les années précédentes sauf que certains acteurs ne seront plus là . Mes photos prises l’an dernier sont donc d’actualité. Ainsi, à 8h30, culte oecuménique à la Cathédrale d’Analakely ; à 9h25, dépôt de gerbes au monument fraîchement repeint d’Ambohijatovo ; même cérémonie au Mausolée national d’Ambohitsaina nord. Petit changement tout de même, mine de prouver qu’on n’a pas ravalé l’avenue pour rien : à partir de 11H45, il y aura une remise de décorations (le plus âgé de la poignée de rescapés de 1947 à 107 ans) suivi d’un défilé de jeunes… Ce sera la même chose partout ailleurs, surtout à Moramanga, épicentre de ce que les Français ont appelé « insurrection malgache », pour mieux réprimer de manière atroce les velléités d’indépendance et pour mieux diviser afin d’asseoir une nouvelle forme de colonialisme. Ne soyons pas dupes d’une démagogie cléricale car l’enfer est toujours pavée de bonnes intentions.
Laissons donc ces messieurs-dames? qui sont nés après 1947? commémorer à leur façon. Souhaitons-leur de dormir du sommeil du juste. Moi, personnellement, je vais bien ronfler après ce devoir de mémoire que je vous prie de lire attentivement et d’imprimer pour les générations futures. Ce n’est pas un roman de fiction mais la somme de réflexions sur un génocide qu’on cherche à escamoter avec de la phraséologie qui me fait passer pour un ennemi de je-ne-sais-plus-quoi. Mais mieux vaut être ennemi de quelque chose que faux ami de rien du tout, n’est-ce pas ?
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La France doit-elle déterrer ses cadavres ?
Le 7 mars 2007, le confrère français Thierry Leclère, a écrit un article dans Télérama n° 2982. Sa pertinence est digne un véritable nationaliste malgache, objectivité en prime, et je le remercie de m’avoir cité dans cet article intitulé « La colonisation à Madagascar : la France doit-elle déterrer ses cadavres ? », dont je vous donne des extraits saillants.
« Madagascar ? 1947 ? Connais pas. Soixante ans après, que reste-t-il de l’un des massacres les plus importants de l’histoire de la France contemporaine. Rien ou quasiment. Rangée dans la catégorie des « crimes coloniaux », la révolte de centaine de milliers de Malgaches, en mars 1947, s’est soldée par une boucherie dont l’ampleur est encore méconnue. L’armée coloniale française a-t-elle massacré, en quelques semaines, de 80.000 à 100.000 personnes, comme l’ont longtemps cru les chercheurs ? Ou faut-il diviser le chiffre par deux, comme l’affirme aujourd’hui l’historien Jean Fremigacci ? (…) Alors qu’aujourd’hui hommes politiques et intellectuels français invoquent à tout propos le « devoir de mémoire », ce dernier semble singulièrement sélectif. Cette amnésie qui dure depuis soixante ans en laisse pas susciter des questions sur les ressorts de la mémoire collective et l’écriture de l’histoire : quelles censures ou autocensures, à Paris comme à Antananarivo, ont eu raison du travail des chercheurs et conduit l’oubli des manuels scolaires ? (…).
Aujourd’hui, le souvenir des ces évènements s’estompe chez une population très jeune, même si des politiques continuent d’instrumentaliser ce passé : « Arrêtons ainsi de faire de 1947, un élément de gestion des passions politiques du présent ! Arrêtons de sacrifier la mémoire de 1947 sur l'autel de la fabrique politique de l'histoire », s’insurge le journaliste Jeannot Ramambazafy (Madagascar Tribune, mars 2004). Alors que de nombreuses voix montent, en France, pour réhabiliter, ou tout du moins justifier, l’épopée coloniale, la question de l’écriture de l’histoire de la colonisation est un enjeu fort (…). Cette tentative de réhabilitation n’a fait que s’amplifier jusqu’à l’adoption, en février 2005, d’un article de loi vantant « le rôle positif » de la colonisation française. Un texte qui a provoqué, on s’en souvient, une telle polémique que le président Chirac l’a fait abroger.
« Déterrer les cadavres, c’est déterrer toutes les haines, appliquer la loi du talion à des siècles de distance », écrivait Pascal Bruckner dans un essai encensé par presque toute la presse. Etrange conception qui considère que l’histoire coloniale est déjà écrite et que « il vaut mieux exalter les triomphes que les deuils », poursuit Bruckner, s’émerveillant « d’habiter dans ce continent, l’Europe, boussole morale de la planète ». A l’appui d’historiens comme Daniel Lefeuvre, dénonçant la propension des Français à se flageller et à verser dans la « repentance », l’ancien ministre socialiste Max Gallo s’emporte contre ceux « qui veulent que la France s’agenouille, baisse la tête, avoue, fasse repentances, reconnaisse ses crimes et, tondue, en robe de bure, se laisse couvrir d’insultes » (…).
De Madagascar en Algérie, la France doit-elle réparation, ou au moins des excuses officielles, aux ex-colonisés ? Jacques Chirac, lors d’un voyage à Madagascar en 2005, s’est engagé dans cette voie : « Il faut avoir conscience du caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial », a-t-il dit. Mais loin de saisir la perche, le président malgache lui a répondu qu’il n’était pas né à cette époque, et que « ce n’est pas une source de blocage pour travailler ensemble » ! Le travail de mémoire n’est pas une mince affaire…
Thierry LECLERE (Télérama n°2982 du 7 mars 2007).
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Créer un puissant lobby
Ces formules à l’emporte-pièce sont les caractéristiques de M. Ravalomanana. Au fait, ses parents sont-ils vraiment Malgaches et quel rôle ont-ils joué à cette époque où le petit Marc n’était pas né ? Personne n’a osé lui poser cette question « impertinente » ? Alors tant pis pour nous… Ce qu’il faudrait, à Madagascar, c’est de créer un lobby puissant qui permettrait d’ouvrir les archives, en France, au grand public. Sinon la fameuse prescription ne sera qu’une proscription indéfinie. Mais face à un chef d’Etat dont le pouvoir va s’agrandir et qui a une façon très bizarre de raisonner, il faudra attendre son successeur. En plus, il a le Map (Madagascar action plan) comme « alibi » et le ministère de la Culture est devenu un secrétariat d’état… Pour les cinq prochaines années, ce sera donc église, dépôt de gerbes, remises de médailles, en plus des défilés et autres mélopées sentimentales et puis la vie continue ? D’ici là , les rescapés se compteront sur les doigts de la main. Certes, leur pécule a été augmenté mais de là à clamer « Bonne fête de 47 », ce serait injurier tous nos ancêtres qui ont lutté. Bah, qui vivra verra…
Jeannot Ramambazafy
Journaliste
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