Intéressante la démarche des sortants du Youth Leadership Training Program (YLTP) de la Fondation Friedrich Ebert (FES), prévue pour le 9 mars à venir, dont le thème s’intitule: «Quel profil pour le futur Président de Madagascar?».
Cependant, à l’approche de chaque élection présidentielle à Madagascar, pourquoi toujours vouloir comparer l’incomparable et insister à débattre d’un problème qui est faux dès le début? Il n’y a ni bon ou mauvais chef d’État, ni bonne ou mauvaise loi fondamentale. Il n’y a que des cons qui se foutent de la Constitution comme ils se foutent de leur premier caca une fois sortis du ventre de leur mère. L’important, pour eux, est d’être là (entendre avoir été élus) et souvent, ils n’ont pas demandé à être là . Ils sont arrivés au pouvoir au hasard des révolutions populaires -jamais abouties jusqu’au jour d’aujourd’hui- et une fois élus, c’est le début de la fin du développement de la Grande île devenue successivement, de 1960 à 2018, pays sous-développé, pays en voie de développement, pays moins avancé, pays pauvre très endetté, 5è pays le plus pauvre du monde. Pourquoi?
«Trop vieux, trop jeune; bouvier, marin, chirurgien, laitier, constitutionnaliste, Dj, expert-comptable…». Ce n’est pas ce genre de profil de formation qui définit un bon ou mauvais président de la république. Récemment, en Afrique, c’est un footballeur professionnel, George Weah, qui a été élu à la tête de son pays, le Liberia. Sera-t-il ou non un bon ou mauvais président de la république? Chaque pays, à travers le monde, possède une Constitution, quel que soit le régime politique dans lequel il se trouve: monarchie, empire, république, dictature… Cette Constitution que l’on appelle également Loi fondamentale est un texte qui régit le mécanisme de la vie en société, qui doit être respecté, tout en défendant les droits fondamentaux des citoyens d’un pays concerné.
Depuis le 14 octobre 1958, Madagascar a choisi d’être une république. Sa première Constitution a été adoptée et est entrée en vigueur le 29 avril 1959, plus d’un an avant le retour de son indépendance. Depuis, de 71 articles, ce texte est passé à 168 articles pour la Constitution de la quatrième république adopté le 11 décembre 2010. Entre ces deux républiques, se voulant toutes «démocratiques» les unes que les autres, ce texte fondamental a été remanié comme suit: La Constitution de la seconde république a été adoptée le 21 décembre 1975 avec Didier Ratsiraka comme président. A ce moment-là , il n’a pas été élu mais s’est pointé à la suite d’un directoire militaire dont il était membre et où il a été choisi par ses pairs grâce à sa Charte de la Révolution malgache (expliquée à travers un petit livre rouge, le «Boky Mena») soumise à la décision du peuple qui l’a acceptée par voie référendaire. D’inspiration socialiste, le «Boky Mena» a pris le dessus sur la Constitution devenue (presque) inutile.
A la suite des évènements de 1990-1991 (chute du mur de Berlin multipartisme et tuerie du 10 août à Iavoloha), La Constitution de la troisième république a été adoptée par référendum le 19 août 1992 puis promulguée le 18 septembre suivant. Après une période de transition, Zafy Albert a été élu président de la république en battant Didier Ratsiraka. Suite à un conflit avec son Premier ministre, feu Me Francisque Ravony, le Professeur Zafy organise un référendum, le 17 septembre 1995, pour une révision constitutionnelle lui permettant de nommer directement son Premier ministre qui, jusque-là , émanait d’un parti politique issu de l’Assemblée nationale. Il nomma par la suite Emmanuel Rakotovahiny mais ne retrouva plus jamais la stabilité politique. Ainsi, le 5 septembre 1996, il est définitivement destitué à la suite d'une motion d'empêchement de la part des députés qui l’avaient encensé auparavant…
De retour aux affaires, Didier Ratsiraka -élu de nouveau le 31 janvier 1997 contre Zafy Albert- organisera un référendum le 15 mars 1998. La question, acceptée par un peuple déconnecté de la res publica (chose publique en latin), avait porté sur «l'impossibilité d'empêchement du président de la république par le parlement». Ce fut fait. Seulement, en décembre 2002, l’amiral rouge n’avait pas prévu la roublardise d’un laitier venu d’Imerikasinina, élu maire de la Capitale de Madagascar en 1999. Une fois installé pour de bon président de la république, après deux prestations de serment (22 février 2002 et 6 mai 2002), Marc Ravalomanana attendra d’achever un premier mandat pour, à son tour, organiser un référendum. Ce sera le septième referendum populaire à caractère politique qu’aura connu Madagascar et il aura lieu le 4 avril 2007, juste après sa réélection très «mitigée» pour ne pas dire plus, en décembre 2006… Pour faire court, cet énième toilettage constitutionnel a permis à Marc Ravalomanana de diriger le pays à coups d’ordonnances sous prétexte d’application de son MAP (Madagascar Action Plan). Madagascar était encore dans une troisième république jusque-là qui, donc, était composé de trois parties: sous Zafy, sous Ratsiraka II et sous Ravalomanana.
Mais deux ans plus tard, à travers la révolution orange dirigée par le maire élu d’Antananarivo, Andry Rajoelina, et à la suite du massacre du 7 février devant le palais d’Ambohitsorohitra, Marc Ravalomanana est obligé de démissionner avant de fuir en Afrique australe, le 17 mars 2009. En août 2010, Andry Rajoelina, devenu président de la transition, est parvenu à un accord politique avec 178 partis politiques, mais sans la participation des «mouvances» des trois anciens présidents élus. Un projet de Constitution fut soumis à référendum le 17 novembre 2010. Les résultats ont été proclamés par la Haute Cour constitutionnelle (HCC) le 6 décembre. La Constitution a été promulguée le 11 décembre 2010. Et, depuis le 25 janvier 2014, c’est cette loi fondamentale qui régit la quatrième république de Madagascar dont le premier président est Hery Rajaonarimampianina, élu le 20 décembre 2013.
Ainsi, depuis l’après Philibert Tsiranana jusqu’en ce mois de mars 2018, tous les présidents malgaches élus, sans exception, ont toiletté la Constitution. Or, tous, sans exception aussi, lors de leur prestation de serment, ont prononcé ceci :
Article 9 de la première Constitution (71 articles) vraiment rédigé en français
«Je jure solennellement devant Dieu, devant les ancêtres et devant les hommes, de remplir loyalement les hautes fonctions qui m'ont été confiées, de respecter fidèlement les règles et les principes fixés par la Constitution, de ne me laisser guider que par l'intérêt général et de consacrer toutes mes forces à la recherche et à la protection du bien public».
Article 48 de la IVème Constitution (168 articles) rédigé en malagasy, qui est le même texte depuis la Constitution de la IIème république
«Eto anatrehan'Andriamanitra Andriananahary sy ny Firenena ary ny Vahoaka, mianiana aho fa hanantanteraka an-tsakany sy an-davany ary amim-pahamarinana ny andraikitra lehibe maha-Filohan'ny Firenena Malagasy ahy.
Mianiana aho fa hampiasa ny fahefana natolotra ahy ary hanokana ny heriko rehetra hiarovana sy hanamafisana ny firaisam- pirenena sy ny zon'olombelona.
Mianiana aho fa hanaja sy hitandrina toy ny anakandriamaso ny Lalà mpanorenana sy ny lalà mpanjakana, hikatsaka hatrany ny soa ho an'ny Vahoaka malagasy tsy ankanavaka».
Actuellement, Hery Rajaonarimampianina ne va pas être l’exception confirmant toute règle. En effet, pour tenter de se maintenir au pouvoir, après quatre ans de promesses non tenues et de paupérisation généralisée de la population malgache devenue la 5ème plus pauvre du monde, c’est du côté de la loi électorale qu’il va toiletter l’article 46 aliné2 de la Constitution: «Le Président de la République en exercice qui se porte candidat aux élections présidentielles démissionne de son poste soixante jours avant la date du scrutin présidentiel. Dans ce cas, le Président du Sénat exerce les attributions présidentielles courantes jusqu'à l'investiture du nouveau Président».
Que lit-on dans l’avant-projet actuellement soumis aux sénateurs et députés de Madagascar, en article 2 alinéa7? «A partir du lendemain du premier tour, s’il n’est pas candidat au second tour et, dans tous les cas, à partir du lendemain du deuxième tour du scrutin, la démission devient caduque. Le Président de la République en exercice reprend les attributions présidentielles qui lui sont conférées par la Constitution jusqu’à la date de la passation officielle de pouvoir avec son successeur conformément aux dispositions de l’article 48 alinéa 1 de la Constitution». Ce n’est pas la première fois que le président Hery vaovao piétine la loi fondamentale de la quatrième république malgache. Mais, à chaque fois, il a été sauvé par un président de la HCC, devenu un constitutionnaliste totalement dévoyé par et pour des intérêts vilement financiers.
A mon sens, Hery Rajaonarimampianina, de manière légitime, n’est plus président de la république depuis fin mai 2015, moment où une requête de déchéance avait été déposée par les députés après un vote de défiance. Le 13 juin 2015, la HCC présidée par Jean Eric Rakotoarisoa, très bien «motivé», a rejeté tous les arguments. Ses membres ont aussi invité les députés et la présidence au dialogue et à «œuvrer en faveur d’un pacte de responsabilité». Peine perdue: comme la Haute cour de justice, aucun pacte de responsabilité n’a vu le jour à quelques mois de la fin du mandat de ce président agissant tout à fait comme ses prédécesseurs. Quant à l’opposition officielle prévue par la Constitution, elle n’existe toujours pas.
Ainsi, pour en revenir à la question: «Quel profil pour le futur Président de Madagascar?», elle n’a pas sa raison d’être et devient ridicule au fil du temps. Il n’y a et n’y aura jamais de «profil» de bon président de la république. Tant qu’aucun article du texte fondamental ne pourra les obliger réellement à respecter la Constitution, à respecter leur serment, à respecter la parole donnée. Hery Rajaonarimampianina était un bon ministre des Finances mais est devenu un piètre chef d’Etat car ayant suivi les traces de tous ses prédécesseurs, dans la violation et, bientôt, le toilettage constitutionnel. Lisez ceci:
Article 167 de la Constitution de la IVème république de Madagascar :
«Afin de respecter le prescrit constitutionnel, le Président de la République, dans un délai de 12 mois à compter de son investiture, invite les Instances compétentes à désigner les membres qui composeront la Haute Cour de justice afin de procéder dès l'expiration de ce délai à l'installation de la Haute Cour de justice. Toute partie justifiant d'un intérêt peut saisir les institutions compétentes de demande de sanction en cas de carence». HJC où es-tu ?
La vraie question à débattre est, alors: comment obliger le futur président de Madagascar à respecter les termes et l’esprit de la Constitution sur laquelle il a juré qu’il allait la respecter et la défendre comme si c’était la prunelle de ses yeux? En parlant donc de «profil», un président malgache élu doit faire profil bas vis-à -vis de la Constitution. Pour l’heure, quatre ans après, admirez les dégâts socio-économiques laissés par un parjure au pouvoir. Et il veut encore rempiler pour 5 ans encore, en mentant, en corrompant, en trichant, en promettant la lune en 2030. Non, mais rira bien qui rira le dernier. Comme, déjà , ces deux coupures de courant au moment où il faisait son discours, lors de la 2ème édition des Assises de la Coopération Internationale des Collectivités malagasy et françaises, au Carlton Anosy. Il a du rire jaune en rappelant sa promesse de 2013 en ce même lieu. Moralité? Les histoires politiques amorales finissent toujours très mal en général…
Jeannot Ramambazafy – Article également publié dans «La Gazette de la Grande île» du mercredi 7 mars 2018