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Madagascar : du “teny baiko” au teny midina” en passant par le “teny ifampiarana”

CCI Ivato, les 4 et 5 mars 2010. Plus de 100 partis politiques; plus de 200 associations; des Malagasy issus des 22 régions ou encore des six anciennes provinces de Madagascar. Il fallait se rendre à l’évidence: l’avenir de la Grande île de l’océan Indien ne pouvait plus se confiner à des histoires de mouvances et de chefs de file politiques créés par un GIC -Groupe international de contact que j'ai préféré renommer en Groupe Initiateur de Crises- pour remettre en selle d’anciens présidents qui n’ont brillé ni dans la bonne gouvernance, ni dans le respect des droits de l’Homme.

Depuis le début de la révolution Orange de 2009, la fameuse Communauté internationale entendait se poser en « médiateur », et à maintes reprises, avant déclaré que cette crise doit se régler entre Malagasy. Et bien les Malagasy qu'ils ont fait semblant d’ignorer étaient là, bien représentés lors de cet Atelier «Teny Ifampiarana». Durant un demi-siècle, après la colonisation, on avait habitué le peuple malagasy à se soumettre sous les « Teny baiko » (mot d’ordre) et « Teny midina » (ordre venant d’en haut).

Les Malagasy de la génération actuelle entendent faire table rase de ces notions qui ont amené leurs parents à se soulever contre les tyrans. Et, le « Teny Ifampierana » (littéralement : parole empruntée) a été remis au goût du jour par des dirigeants jeunes qui sont l’image même de l’avenir. Ce terme ne signifie, en aucun cas, consensus (« Marimaritra iraisana »). Non. Il se rapproche plutôt du mot anglais «Brainstorming» (littéralement tempête d’idées).

A partir de ce 4 mars 2010, exit la notion de mouvances. Exit les «grands» et «petits» partis (dixit Andry Rajoelina, lui-même). Tous les Malagasy sont des citoyens régis par la même loi. Car le fait que Madagascar se trouvait dans une situation extra constitutionnelle ne signifiait pas que le droit et les devoirs ne primaient plus. Il y avait bel et bien un gouvernement dans le pays qui faisait marcher la machine administrative depuis près d’un an. Depuis le retour de l’Indépendance, c’était bien la première fois que les administrés pouvaient s’exprimer sans avoir peur d’être sanctionnés.

Quelles ont été les résolutions prises à l'issue de cet atelier ? Là n'est pas l'objectif de ce dossier historique. Je veux surtout vous faire revivre une tranche de l'Histoire de Madagascar pour tenter de comprendre les valses hésitations actuelles dans de très nombreux domaines de la vie courante... En tout cas, la finalité de cet atelier aura été la signature de la feuille de route à l'hôtel “Le Paon d'Or” à Ivato, la nuit du 17 septembre 2011. Pour en revenir à cet atelier “Teny ifampiarana”, ce n’est que l’après-midi du 4 mars 2010 que les représentants de Malagasy ont assimilé le mécanisme, bien que certains aient encore versé dans le sentimentalisme sinon la publicité pour leur entité. Mais, en fin de compte, tout s’est bien passé de manière globale.


A l'époque, les fanatiques du parti Tim (grand absent à cet atelier) avaient déversé des flots d'insultes sur leur site (à l'époque Facebook n'était pas encore ce qu'il était de nos jours...). Mais ils ne pouvaient insulter tous les représentants vraiment venus des quatre coins de la Grande île. Quoi qu'il en soit, pour leur rafraîchir la mémoire, voici un résumé très élargi en français du discours en malagasy du Président de l'entité dénommée alors HAT (Haute autorité de la transition), Andry Rajoelina, lors de la cérémonie d'ouverture de l'atelier, le 4 mars 2010, il y a 10 ans :

Chers Délégués,

Mes Chers Compatriotes,

« Représentants des différentes autorités,

Dirigeants des partis et formations politiques,

Ampanjaka, Tangalamena, Hazomanga,

Dirigeants d’associations notamment celles issues de la société civile et des différentes Régions, chefs spirituels…

Nous voilà réunis, en ce grand jour, pour l’heure de la Vérité. Celle où toutes les Forces Vives de la Nation malgache ont compris que notre destin commun se trouve dans nos propres mains. Nous allons effectuer le changement réel, à travers la notion du « Teny ierana » que l’on peut traduire en français par la parole empruntée. D’entrée de jeu, je voudrais m’adresser à la Communauté internationale: cette consultation malgacho-malgache implique, dès cet instant, que les Malgache présents ici, ne veulent plus entendre parler de mouvances, pas plus que d’Accords de Maputo et tous les actes qui s’en sont suivis. Nous sommes réunis, dans ce Centre de Conférences Internationales, pour respecter et faire respecter l’Esprit du «Donakafon’ny Mpianakavy», du «Tafatafan'ny Mpianakavy» et du «Dinidinika amorom-patana». Dans cette optique, il s’agit d’impliquer toutes les Forces Vives de la Nation, c’est-à-dire la majorité sans exclusive. Ainsi, tous ceux qui refuseront de s’y associer, s’excluent d’eux-mêmes de la vie de la Nation, par la même occasion.

« Vous êtes venus de tous les coins de notre Grande île, femmes et hommes citoyens, animés par le même désir : libérer Madagascar des pressions de la Communauté internationale en général, de nos incompréhensions partisanes et internes en particulier. Cet Atelier qui s’ouvre ce matin servira à choisir le chemin qui doit être le nôtre, et à nous tous, pour vivre ensemble l’avènement de la IVème République de Madagascar. En quoi consisteront les travaux de cet Atelier ? Il s’agira de définir la feuille de route ainsi que le calendrier de la Transition. Les résolutions qui ressortiront de cet Atelier seront les vrais plans et structures de la base de la refondation de nos Institutions, voulus et décidés par la majorité. Il vous appartient, à vous tous seuls, de faire le choix ainsi que l’ordre de passage des sujets de débats, à votre entière convenance. Vous êtes libres car vous êtes responsables. Je serai de tout cœur avec vous, à chaque instant de ces deux longues journées qui vont faire connaître votre volonté à sacrifier les intérêts personnels pour la cause commune, et franchir les barrières artificielles pour que vive notre « Fihavanana », dans l’esprit du « Fanahy maha-olona ».

« Permettez-moi de partager avec vous, quelques réflexions que je considère comme essentielles. La situation de crise politique que nous vivons ne doit pas nous faire perdre de vue qu’en fin de compte, c’est le bien-être de la population, le bien-être de chacune et de chacun des Malgaches qui doit nous inspirer dans nos démarches, discussions et décisions; la crise politique fragilise notre économie déjà fortement secouée par les crises internationales en tous genres. Si nous ne faisons rien, si nous ne faisons que parler politique, ce sont les fondements des domaines tels que l’Education, la Santé, la Sécurité, l’Economie, l’Environnement qui vont se fragiliser davantage, entraînant par-là même, une pauvreté, voire la misère dans le pays; à tous ceux qui ont perdu leur emploi, à tous ceux qui sombrent dans la précarité et la pauvreté, à tous ceux qui sont victimes de banditisme et de criminalité : je dis ma compassion mais surtout mon engagement à trouver, et mettre en œuvre, avec l’aide de l’ensemble des Malagasy, des solutions viables et durables pour Madagascar.

Chers Délégués,

Mes Chers Compatriotes,

« Dans moins de 114 jours, nous allons célébrer le 50e anniversaire du retour de notre Indépendance. Pour nos familles, nos femmes, nos époux et nos enfants, ne serait-il pas glorieux d’atteindre ce grand jour dans notre mémoire collective, après un compromis sous la forme d’une feuille de route et un calendrier qui permettront à tous les enfants de ce pays de travailler ensemble, de vivre ensemble, de rêver ensemble ? Dans quelques jours, l’ultimatum qui nous mettra sous le coup des sanctions va expirer. Nous devons être debout ; nous devons être ensemble pour braver l’incompréhension du monde qui n’a de cœur que pour les riches, et de valeur que pour ce que notre pays peut lui apporter. Aussi, dites-leur par votre vote que Madagascar n’est plus à vendre. Dites-leur, par vos choix clairs et sans ambiguïté que notre peuple est uni et que, dans quelques heures, nous sortirons d’ici plus unis que jamais, et plus forts que nous ne l’avons jamais été.

Chers Délégués,

Mes Chers Compatriotes,

« Vous êtes les représentants du Peuple Malagasy. La Nation entière écoute et attend avec impatience l’ensemble de vos décisions. Les résultats qui sanctionneront vos travaux ne seront faits ni par moi, ni pour moi, ni pour un quelconque délégué, ni pour quelque mouvance qui souhaiterait que cet Atelier s’achève par un fiasco. Non. Les résultats de vos travaux seront pour Madagascar, notre Patrie Bien-Aimée. Montrez-vous dignes citoyens de cette grande et belle nation qui est la nôtre, et le monde entier vous respectera et reconnaîtra la souveraineté de vos choix et de vos décisions.

Je déclare ouvert cet Atelier « Teny Ifampierana ».

Que la force soit avec vous et que Dieu Tout-Puissant vous éclaire.

La Patrie est Sacrée.

Misaotra Tompokolahy, mankasikatraka Tompokovavy ».

Andry Nirina RAJOELINA

Président de la Haute Autorité de la Transition de Madagascar

Dix ans plus tard, en ce 4 mars 2020, il semble que rien n'a encore bougé à part que l'ennemi vient de l'intérieur, et qui fragilise les assises d'un président pourtant bel et bien élu, contrairement à il y a dix ans. Car combien de celles et ceux qui avaient participé à cet Atelier du 4 mars 2010 sont-ils autour de lui actuellement ? Pour aider le Président Rajoelina dans sa lourde tâche de diriger un pays de plus de 580.000 km², je fais souvent référence, ici, au livre “L'Art de la guerre”.

Il a été rédigé au cours du 4è siècle avant J.-C, il y a 2500 ans, par un exceptionnel général d’armée chinois, nommé Sun Tzu (de son vrai nom Sun Wu). Il est dit que “la portée universelle de cet ouvrage reste d’une immuable constance dans son esprit de synthèse pratique emprunt de bon sens et d’expérience”. Ci-après quelques citations qui, je le souhaite vivement et sincèrement, donnera au président Andry Rajoelina une impulsion autre, quant à la gestion du pays et celle de certains de ses collaborateurs qui agissent dans le sens contraire de la volonté de faire du bien au grand nombre... Attention, tout ce qui suit est à méditer avec discernement...

Un général avisé prend toujours en compte, dans ses supputations, tant les avantages que les inconvénients d’une option. Il voit les profits et peut tenter des entreprises ; il ne néglige pas les risques et évite les désagréments.

[…] N’agissez pas si vous ne voyez pas d’intérêt clair pour le pays. N’utilisez pas vos soldats si vous n’êtes pas sûr du succès. Ne combattez pas si vous n’êtes pas menacé. Un souverain n’ordonne pas à son général de lever une armée sous le coup de la colère; un général n’attaque pas parce qu’on lui a fait affront […] Un royaume détruit ne se relève pas de ses cendres et les morts ne reviennent pas à la vie.

Le plus important est le peuple. Obtient sa confiance et son soutien et tu obtiendras tout ce que tu voudras.

Ce qui dépend de moi, je peux le faire ; ce qui dépend de l’ennemi n’est jamais assuré.

Lorsque les hommes se rassemblent constamment par petits groupes et se parlent à l’oreille, le général a perdu la confiance de son armée.

Lorsque les ordres du général ne sont pas stricts et que son comportement manque de dignité, les officiers sont turbulents.

Lorsque l’administration et les ordres manquent de fermeté, le moral des hommes est bas et les officiers enragent.

On dénombre cinq traits de caractère qui représentent un danger pour un général : s’il ne craint pas la mort, ils risque d’être tué ; s’il chérit trop la vie, il risque d’être capturé ; coléreux, il réagira aux insultes ; homme d’honneur, il craindra l’opprobre ; compatissant, il sera aisé de le tourmenter.

Un général se doit d’être impavide pour garder ses secrets, rigoureux pour faire observer l’ordre. Il modifie ses objectifs, bouleverse ses plans et nul ne le devine. Il déplace ses bivouacs, varie ses itinéraires et déjoue toute prévision.

Triompher au combat et être universellement proclamé “Expert” n’est pas le comble de l’habileté, car soulever un duvet d’automne ne demande pas beaucoup de force ; distinguer le soleil de la lune n’est pas une preuve de clairvoyance ; entendre un coup de tonnerre ne prouve pas qu’on a l’ouïe fine.

Un habile général sait d’avance tout ce qu’il doit faire; tout autre que lui doit l’ignorer absolument. Telle était la pratique de ceux de nos anciens guerriers qui se sont le plus distingués dans l’art sublime du gouvernement.

Quand le général n’a ni la fermeté ni la rigueur requises, que ses instructions manquent de clarté, il y aura désordre.

Le général court cinq dangers: Téméraire, il risque d’être tué. Lâche, il risque d’être capturé. Coléreux, il risque de se laisser emporter. Chatouilleux sur l’honneur, il risque d’être humilié. Compatissant, il risque d’être tourmenté.

Si le général est généreux, mais incapable de diriger, bienveillant, mais incapable de rétablir l’ordre, ses soldats, tels des enfants gâtés, seront inutiles.

On se défend lorsqu’on dispose de moyens suffisants ; on attaque lorsqu’on dispose de moyens plus que suffisants.

Savoir faire sortir le courage et l’intrépidité de la poltronnerie et de la pusillanimité, c’est être héros soi-même, c’est être plus qu’un héros, c’est être au dessus des intrépides. Lorsque ses troupes sont désordonnées, le général n’a pas de prestige.

Ce qui est au-dessus du bon est souvent pire que le mauvais.

Voilà. A bon entendeur, salut.

Dossier de Jeannot Ramambazafy

Mis à jour ( Jeudi, 05 Mars 2020 17:45 )  
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