2 avril 2010. De la bouche même de Jacques Toubon, interviewé par la consœur Marie-Pierre Olphand sur Rfi : Andry Rajoelina, en tant que Président de la Transition de Madagascar, sera invité au Cinquantenaire des indépendances africaines qui sera célébré à Paris le 14 juillet 2010.
Un pays sans dirigeant n’est qu’anarchie. Un Etat, quelle que soit sa situation, doit toujours avoir une continuité. Que celle-ci soit légitime, légale ou de fait. Un an après sa démission, Marc Ravalomanana se trouve entre le marteau de sa bêtise et l’enclume du temps qui avance inexorablement. Qui veut encore composer avec lui désormais ? Après avoir été pipés, à travers une campagne de désinformation que la Grande île de l’océan Indien n’a jamais connue, les dés sont jetés. Mauvaise foi et malhonnêteté intellectuelle n’y pourront plus rien.
La France ancien pays colonisateur, membre de l’Union européenne l’a compris. Qu’on le veuille ou non, on n’efface pas d’un fanatique coup de cœur, ni par des brassées de milliards d’ariary, les réalités historiques. 50 ans cela compte dans l’Histoire d’un peuple. Mais Madagascar n’a pas été le seul pays à avoir recouvré son indépendance. Je dis bien recouvré car, en ce qui concerne la Grande île, elle était reconnue comme état souverain par les grandes puissances de l’époque : Angleterre, Etats-Unis, France…
1960 aura été l’année de l’indépendance pour les 14 pays suivants :
Cameroun, 1er janvier 1960
Togo, 27 avril 1960
Madagascar, 26 juin 1960
Dahomey (actuel Bénin), 1er août 1960
Niger, 3 août 1960
Haute Volta (actuel Burkina Faso), 5 août 1960. Il s’agissait d’une région ayant fait partie de la Côte d’Ivoire puis qui en a été séparée
Côte d’Ivoire, 7 août 1960
Tchad, 11 août 1960
République Centrafricaine (ancien Oubangui Chari), 13 août 1960
Congo-Brazzaville, 15 août 1960
Gabon, 17 août 1960
Sénégal, 20 août 1960
Soudan (ancien empire du Mali), 22 septembre 1960
Mauritanie, 28 novembre 1960
Jacques Toubon, 59 ans, ancien ministre de la Culture et de la Francophonie, ancien Garde des Sceaux ministre de la Justice
Les déclarations de Jacques Toubon, nommé par Nicolas Sarkozy, Secrétaire général et responsable des préparatifs du Cinquantenaire des indépendances africaines, sont sans équivoque possible et enregistrées pour la postérité par Rfi : « Quatorze chefs d’Etat des anciennes colonies vont être invités en ce mois de juillet. Y compris le Président de la Transition Monsieur Rajoelina, que j’ai vu en privé à Paris ».
La surprise, toutefois un peu utopique, viendra-t-elle du grand pardon que pourrait prononcer l’actuel Président français ? Qui vivra verra. Pour le moment, je vous propose un retour dans le passé que nul ne pourra jamais escamoter.
L’idée du retour de l’indépendance de Madagascar reprend après la seconde guerre mondiale et la mise en place, à Paris, du Mdrm en relation avec le vietnamien Ho Chi Minh. Mais il faudra bien attendra 13 ans après la répression sanglante de 1947 pour que Madagascar soit déclarée indépendante par Charles de Gaulle. Philibert Tsiranana, premier président de la première république malgache est considéré comme le « père » de cette indépendance recouvrée. Mais, bien qu’ayant été un homme de paille de la fameuse Françafrique, il ne restera que 12 ans au pouvoir, balayé par un mouvement estudiantin qui sera récupéré par des politiciens à l’affût comme Manandafy Rakotonirina, « père » du prolétariat malgache.
Il importe, ici, de définir pour de bon cette notion de Françafrique :
Bien qu’ayant proclamé l’indépendance des anciennes colonies françaises d’Afrique, le Général de Gaulle a mis en place des réseaux politiques et économiques dans le seul but d’assurer la continuité du pillage du continent africain. Ce, au profit des hommes de pouvoir en France. Pour ce faire, des dictateurs corrompus ont été placés à la tête des États nouvellement indépendants. Et, 50 ans après, malgré les discours de rupture, trop beaux pour être vrais et réalistes, ce système qu’est donc la Françafrique est toujours d’une brûlante actualité.
Revenons à nos moutons. C’est-à -dire à Madagascar. En 1975, le colonel Richard Ratsimandrava reçoit les pleins pouvoirs du général Gabriel Ramanantsoa qui avait, lui-même, reçu ces pleins pouvoirs du Président Philibert Tsiranana. Mais il ne fait pas bon d’être populaire dans nos contrées, à cette époque. Avec la mise en place d’un vrai système socialiste ayant pour pierre angulaire le « Fokonolona » (littéralement gens de la base), Ratsimandrava sera une entrave pour tout le monde libéraliste et économique. Il sera assassiné une semaine après sa prise de fonctions. Et c’est l’ancien attaché militaire de l’ambassade de Madagascar en France -où il a été formé- qui  sera propulsé à la tête de la nation malgache. Ce, après avoir été le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Ramanantsoa. Didier Ratsiraka, dans un premier temps, prendra au dépourvu la mère-patrie (« Reny malala ») en dénonçant les accords de coopération franco-malgache et en faisant quitter Madagascar de la zone franc CFA.
Furieusement axé sur le socialisme à la sauce coréenne et libyenne, Ratsiraka chassera les Américains de la station NASA d’Imerintsiatosika. La censure est de mise (Jeune Afrique est interdit à Madagascar) et tous les secteurs de l’économie sont nationalisés. En 1989, après la chute du mur de Berlin, Didier Ratsiraka définitivement dénommé l’Amiral rouge, opte pour un revirement : il mène une campagne de libéralisme en privatisant ces secteurs qu’il a lui-même nationalisé. Il sera le « père » des zones franches. La censure est levée mais il sera trop tard. Le mouvement des Forces Vives, dirigé par le Pr Zafy Albert (ancien ministre de la Santé du gouvernement Ramanantsoa) est en branle. Le 10 août 1991, Didier Ratsiraka fait tirer sur la foule aux abords du palais d’Iavoloha. Ses jours au pouvoir seront comptés. Le 31 octobre 1991, une Haute autorité de l’Etat (HAE) est mise en place et en décembre 1992, l’Amiral Ratsiraka est battu aux élections par Zafy Albert. Ce dernier passera comme un météorite au pouvoir avant d’être frappé d’une motion de censure par l’Assemblée nationale. Après une nouvelle période de transition, des élections présidentielles anticipées sont organisées en décembre 1996. Et c’est ici que les Malgaches démontrent leur manque total de la connaissance de la res publica : ils votent pour celui qu’ils avaient quelques années seulement plus tôt !
De retour aux affaires, et après une première traversée du désert en banlieue parisienne, Didier Ratsiraka reviendra dans le giron de la France. Mais la période des vaches maigres l’auront marqué. Surtout ses enfants, Xavier et Sophie. Un semblant de libéralisme cache très mal une corruption à tous les niveaux. « Samia mandeha, samia mitady » (que chacun fasse ce qui lui plaît) devient une pratique laissant la porte ouverte aux « affairismes » en tous genres. Dans cette période de capitalisme d’état à outrance, les nouveaux pauvres seront légions pour une poignée de super-milliardaires membres du parti Arema au pouvoir. Arrive les élections de décembre 2001.
Un illustre inconnu, élu maire de la Capitale en 1999, profite de l’opportunité de cette atmosphère malsaine pour se présenter candidat : Marc Ravalomanana, au physique de jeune premier et au langage « populaire » frappera tous les esprits déjà très versatiles. Les décomptes s’enlisant, Ravalomanana frappera encore plus fort avec deux arguments : la foi (croyez tout simplement) tirée de saint… Marc) et « Premier tour dia vita ! ». Il niera et reniera les accords de Dakar I et II. Demandez à Chissano. Comme Napoléon Ier, il s’autoproclamera président en février 2002 et remettra çà en mai. Acculé par les réservistes appelés par Ravalomanana, Didier Ratsiraka s’enfuira en France pour un second exil.
A sa panoplie de capitaliste anti-français, Ravalomanana ajoutera un atout qui ira droit au cœur et à l’esprit du peuple malgache amnésique sur ses récentes erreurs : « Fahamarinana sy fahamasinana » (Vérité et Sacralité).
Mais à peine son second mandat entamé (il sera réélu de justesse en décembre 2006), Marc Ravalomanana montre son vrai visage de prédateur. En avril 2007, il toilette la constitution afin pouvoir diriger le pays à coups d’ordonnances pour des causes « déterminantes » jamais déterminées… L’empire Tiko étendra ses tentacules sur tous les secteurs économiquement porteurs du pays. Comment s’est-il enrichi de manière éhontée ? En utilisant les deniers publics comme fonds de garantie pour les sociétés créées pour former l’empire Tiko. Mais le pot-aux-roses est découvert de l’extérieur par la « location » de près de la moitié des terres cultivables de Madagascar à la société sud-coréenne Daewoo. Ce, pour… 99 ans. « Astuce » encore plus machiavélique récemment découverte : l’achat d’un Boeing 737 pour 60 millions de dollars. En fait, c’est Daewo qui l’avait acheté à une société basée aux îles Caïmans mais Ravalomanana a piqué l’équivalent de ces 60 millions de dollars dans les caisses du Trésor public et celles du port autonome de Toamasina. Ravalomanana aura été le « père » de l’accaparement des biens d’autrui avec la puissance publique. Et il a des tas de comptes à rendre à la justice malgache. La culture de l’impunité, c’est terminé. Enfin, j’espère.
Ce que Marc Ravalomanana -enivré du pouvoir de rencontrer les grands de ce monde- feignait d’ignorer, est que le peuple, au courant de ses magouilles, en avait marre de lui et l’avait déjà averti lors des élections de décembre 2007 pour la mairie d’Antananarivo où son poulain avait été battu à plate couture, par Andry Rajoelina. Ce, malgré l’utilisation des moyens étatiques. Le peuple attendait patiemment un nouveau meneur. Car il ne voulait plus des dinosaures comme Zafy ni même Ratsiraka. Remis en selle par un GIC, ignorant l’histoire politique de Madagascar ou bien ayant fait exprès dans le pur style colonialiste « diviser pour mieux régner ». En décembre 2009, le peuple s’est trouvé un chef en la personne d’Andry Rajoelina, maire d’Antananarivo élu, complètement martyrisé durant toute l’année 2008. La révolution orange aboutira à la démission de Marc Ravalomanana, l’homme qui a su tromper certains pour un temps mais pas tout le monde tout le temps. Dans une récente interview parue dans Jeune Afrique, il avait exprimé son désir d’aller à Paris. Et ben non : c’est Andry Rajoelina qui ira, avec le titre officiel de Président.
Champs-Elysée, le 14 juillet 2007. Passage du Président Nicolas Sarkozy
Moralité : à trop vouloir en faire, on finit par tomber de par soi-même. Que cela serve de leçon à ces GTT de France et de Navarre qui, le 14 juillet 2010 sur les Champs-Elysée, auront intérêt à se fondre dans la masse des illustres inconnus qu’ils étaient, s’ils ne veulent pas avoir de graves ennuis par la faute de leur mentor menteur de « Dada ». Combien de temps durera, à son tour, Andry Rajoelina ? L’avenir nous le dira. Mais, en termes de changement à 100%, l’idéal serait qu’il ne se présente pas aux prochaines élections présidentielles. Il sera élu massivement pour les suivantes. Je vous le garantis car je connais la logique de mes compatriotes. Il devrait présenter un programme et choisir un candidat pour l’appliquer. Mais résistera-t-il au chant des sirènes qui l’entourent ? Mon conseil est le suivant : pour prétendre avoir l’étoffe d’un vrai homme d’Etat, l’important n’est pas de tenter l’impossible pour gagner mais de faire tout son possible pour le bien du grand nombre. Car, actuellement, le troisième larron œuvre lentement mais inexorablement. Qui est-ce ? « Tonton » Pierrot Rajaonarivelo. Surtout n’allez pas me dire que je ne vous ai pas averti, en ce 8 avril 2010. A moins qu’Andry Rajoelina ne révise de fond en comble tout son système de communication. La vraie. Et non pas cette publicité politique Bcbg qui ne touche pas le véritable électorat malgache. D’ici là donc, je demeure très sceptique. Je vous dirais pourquoi dans un autre dossier…
Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – Jeudi 8 avril 2010