Décidément, la crise politique malgache 2009-2010 restera dans les annales des histoires extraordinaires (sinon à dormir debout). Le livre Guinness des records devrait ouvrir une rubrique à ce sujet…
Alors que tout le monde, de part et d’autre et partout dans le monde, s’adonne à la « guerre » de la désinformation (dernière en date « l’attentat » contre Marc Ravalomanana en Afrique du Sud), les forces armées malgaches viennent de monter au créneau pour démontrer qu’elles demeurent le dernier rempart de la Haute autorité de la transition (HAT).
Il n’y aucune interprétation à faire sur les déclarations du général André Ndriarijaona, CEMGAM (Chef de l’Etat-major général des forces armées malgaches). C’était lors d’un point de presse organisé dans l’après-midi du lundi 12 avril 2010.
Il n’est plus question d’accords de Maputo et d’Addis-Abeba. Pas un mot non plus sur le limogeage du ministre de la Défense, le général Noël Rakotonandrasana. Non, le CEMGAM veut aborder l’avenir, donc la sortie de crise, de manière pragmatique, en mettant la HAT, actuellement au pouvoir (« Fanjakana mahefa ») devant ses responsabilités. Ainsi, le général Ndriarijaona a demandé à la HAT de présenter une feuille de route qui tient la… route, sans pour autant préciser une date-butoir. Mais il a insisté pour que la transition arrive à terme selon la date annoncée par le Président Andry Rajoelina, c’est-à -dire en décembre 2010.
Par ailleurs, cet officier supérieur général, qui avait à ses côtés le commandant de la Zandarimaria Nasionaly, le général Bruno Razafindrakoto, a également demandé au pouvoir en place de donner plus de précisions à propos des voies et moyens pour sortir de la crise ; les moyens financiers en ce qui concerne le salaire des fonctionnaires, les élections à venir, les investissements publics… alors que les aides extérieures sont suspendues.
S’adressant ensuite à la population, le CEMGAM a lancé un appel au calme en regard de ce qui pourrait se produire… « Ne vous laissez pas influencer par la rumeur et ne songez qu’aux intérêts supérieurs de la nation ». Enfin, se tournant vers les politiciens, plus particulièrement ceux des trois « mouvances », il les a prié de cesser immédiatement les manifestations de rue : « Il importe d’œuvrer de concert pour mettre sur les rails une nouvelle république dans le délai accordé à la HAT afin qu’elle puisse venir au bout de sa mission ».
A l’écoute et la lecture de ces déclarations, il est clair que pragmatisme ne signifie pas neutralité. Il existe bel et bien un pouvoir légitime reconnu par les forces armées malgaches. Il n’y a jamais eu question de « coup d’état » ou de « syndrome Dadis Camara » comme le titre certains médias en mal de scoop. Face à l’inertie de la HAT qui semble se complaire d’une situation qui énerve vraiment tout le monde et à tous les scénarios à l’emporte-pièce démontrant que nous en sommes au stade du « chacun pour soi, Dieu pour tous », les forces armées ont lancé une sorte d’avertissement à Andry Rajoelina qui doit s’imposer pour respecter sa parole : celle de parvenir à des élections transparentes, justes et équitables. Mais parviendra-t-il à se défaire des entraves humaines qui, lentement mais sûrement, vont finir par l’asphyxier sinon le faire foncer dans un mur ? That is the great question… En tout cas, le CEMGAM André Ndriarijaona reste son seul et unique rempart. Au sens où on veut bien le comprendre.
Jeannot RAMAMBAZAFY - 12 avril 2010