Après 50 ans d’existence, les Forces armées malgaches sont toujours à la recherche de stratégies permettant de redorer un blason terni par des dirigeants qui ne les ont considérées que comme des hommes de mains en cas de « coup dur ». Moyennant finances et avancement, cela va sans dire. Le vice-Amiral d’escadre, Hyppolite Rarison Ramaroson, le plus haut gradé des militaires malgaches, actuellement vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères de la Haute autorité de la transition en sait quelque chose.
Le vendredi 16 avril 2010 au soir, il était l’invité, sur Viva Tv, du journaliste Soava Andriamarotafika, dans l’émission « Fanatrika ». Ami de feu le Capitaine Thomas Sankara et de Barré, le vice-Amiral Hyppolite Rarison Ramaroson a démontré un pragmatisme et un réalisme dans le volet « évidence et vérité ». Malheureusement, dans l’actuel contexte démocratique où la liberté d’expression est confondue par liberté de dire et de faire n’importe quoi, les propos du vice-Amiral n’ont pas tellement attiré l’attention des médias plus occupés au sensationnel (chaos et tueries en tous genres) institué par les médias dits internationaux qui sont à l’affût de toutes les catastrophes de la planète. Pour ceux-là , ces morticoles, il est urgent et important de rapporter le sanglant, la fin du monde. La mortalité à grande échelle fait vivre.
Militaire de métier et de carrière (Ecole navale de Brest, Ecole supérieure de guerre navale de Paris entre autres), le vice-Amiral a été clair lors de cette nouvelle émission proposée par Viva : « Les soldats n’ont pas été et ne sont pas formés pour mettre en place et diriger un « directoire militaire ». Dernier rempart d’une nation, la grande muette monte au créneau lorsque ladite nation n’a plus aucun dirigeant capable de maîtriser la situation et va droit vers l’anarchie. Pour Madagascar, ce fut le cas à la suite de l’assassinat du colonel Ratsimandrava en 1975. Il s’agit d’un cas exceptionnel. Hélas, en Afrique, c’est devenu un genre de « mode ». Et on connaît les résultats sur le vrai développement au final… ». Pour le vice-Premier ministre malgache chargé des Affaires étrangères, si les politiciens font appel aux militaires, c’est qu’ils ne devraient plus faire de la politique car ils ne sont pas capables de résoudre leurs propres problèmes, sans plus penser aux vrais problèmes communs... « Dans toute démocratie, il doit y avoir une opposition. C’est clair. Mais, à Madagascar, les règles de jeu ne sont pas claires sinon n’ont jamais été bien définies. Pour les 50 ans à venir, il devrait y avoir une charte et pour l’opposition et pour les dirigeants. Le schéma, piteux, est le suivant chez nous : un politicien au pouvoir entrera dans l’opposition tôt ou tard. C’est la règle de l’alternance. Mais dans la Grande île, une fois opposant, il ne s’opposera pas avec des idées mais appliquera une stratégie de dénigrement des personnes. Faisons une expérience : donnons un poste à ces chefs des trois mouvances, vous allez voir qu’ils vont se taire. C’est ici que commence la culture de l’impunité ».
« L’objectif commun à tous, en ce qui concerne l’actuelle crise malgache, est d’aller aux élections. C’est la seule et unique voie pour le retour de l’ordre constitutionne à Madagascar. En refusant d’intégrer la CENI (Commission électorale indépendante nationale) les trois mouvances se conduisent comme des enfants gâtés. A bout d’idées, certains d’entre eux remettent sur le tapis le directoire militaire. Le 17 mars 2009, Marc Ravalomanana m’a remis les pleins pouvoirs que j’ai refusé, en accord avec mes pairs, et que j’ai remis à un civil, en l’occurrence Andry Rajoelina, qui a dirigé cette quatrième lutte pour le changemen, au nom du plus grand nombre. La Grande muette ne doit pas être la benne à ordures des politiciens (« Tsy fanariam-pakon’ny mpanao politika ny miaramila »). Dans le cadre du respect de la Constitution, M. Ravalomanana aurait transmettre ces pouvoirs au Président du Sénat, Yvan Rasandratriniony, comme le stipule la Constitution. C’est donc lui qui, en premier, a agi de manière anticonstitutionnelle (…). En matière d’avancement au sein des forces armées, il faudra recommencer par respecter les procédures pour que l’on n’assiste plus à des avancements par copinage et/ou affinités politiques. Par exemple, un sous-lieutenant sorti de l’académie militaire devra suivre une formation pour devenir capitaine, puis il suivra une autre formation pour l’état-major… Depuis, c’était vraiment à la tête du « client » (du terme clientélisme) qu’untel d’une promotion postérieure était promu au détriment d’un autre d’une promotion antérieure. Cela a créé des dissensions mais j’affirme que l’armée malgache demeure unie (…). Je remercie mes cadets (CEMGAM) d’avoir su et pu s’impliquer de manière pragmatique dans cette crise. Il ne s’agissait pas d’un quelconque ultimatum de la part du général Ndriarijaona, mais plutôt d’un retour des choses, face à la situation qui nous fait tourner en bourriques, et qui ne règle en rien les problèmes économiques auxquels est confrontée la population. Le dernier rempart se situe là . Un vrai chef militaire est celui qui arrive à épargner la vie sinon c’est un mercenaire... A présent, le temps n’est plus à la tergiversation. Il faut organiser les élections. Mais de manière transparent et dans le cadre du respect des lois en vigueur. D’où, déjà , la mise en place de la CENI qui est totalement indépendante vis-à -vis de l’administration. Mais il faut également gérer les abus de la démocratie de la part de quelques-uns qui se croient tout permis allant jusqu’à perturber la paix sociale. La tolérance a aussi ses limites ».
« En ce qui concerne la gestion de l’Etat lui-même, à l’avenir, il sera grand temps d’impliquer les « Tangalamena » (chefs traditionnels) qui connaissent mieux que quiconque ce qui se passe dans les régions. Pour ne parler que du phénomène « Dahalo » (voleurs de bœufs). Tous les dirigeants passés les ont négligés alors que ce sont de sages, respectés par la population. Ils devraient faire partie du Sénat (en malgache, la traduction de sénateur est « Loholona », littéralement, meneur d’hommes).
Recueillis et traduits par Jeannot RAMAMBAZAFY
Puisque l’on parle du vice-Amiral Hyppolite Rarison Ramaroson, en tant que vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères, il a reçu, le 13 avril 2010, Charlotte Larbuisson, l’envoyée spéciale de Louise Arbour. Information pure sous forme de communiqué de presse :