Kintana Gasy, (Malagasy Artistic Folklore Dance in Canada) an interpretation of Malagasy Art through creative Dance and Music. Le groupe de danseurs artistiques "Etoile Malagasy" du Canada, interprétant un rythme typiquement antandroy. Photo à titre uniquement illustrative, of course
L’artiste Mara "Rock" Carson né à Antanimora sud Androy; originaire d'Ankilefaly, un petit village de l'extrême sud de Madagascar. Il est un des fils de Latimer Rangers
« Les Etats-Unis ont octroyé, au cours de l’année écoulée, plus de 85 millions $ d’aide pour des programmes de santé publique et de sécurité alimentaire qui bénéficient à des millions de Malagasy dans le pays tout entier, faisant du gouvernement américain le plus gros bailleur de fonds bilatéral pour 2010 ».
« L’Ambassadeur de France Jean Marc Châtaigner, qui s’est rendu personnellement dans la région, désigne la situation dans le Grand sud de "catastrophe silencieuse". C’est ainsi que l’aide alimentaire de la France en faveur de Madagascar est montée à 1,6 millions d’euros, si elle était de 1,35 millions par an depuis 2005 ».
Jean Marc Chataigner, ici à la décharge d’ordures d’Andralanitra Antanarivo
Ces deux paragraphes résument la vision de la situation à Madagascar par les « vazaha » : coloniser perpétuellement -par le ventre cette fois-ci- les Malgaches, du Sud surtout, en se vantant pour démontrer qui sera le premier dans ce concours de « donation » (tu parles !) jamais pérenne. Entre ces deux « géants », madame Krystyna Bednarska, actuelle représentante permanente du Programme Alimentaire Mondial (PAM) dans la Grande île, qui se chargera de la distribution, non pas d’espèces sonnantes et trébuchantes pour acheter des matériels et outils de production agricole mais celle des surplus américains surévalués. Bravo !
Rudolph Thomas et Krstyna Bednarska à Toliara, devant un magasin de stockage des surplus alimentaires américains
Mais pourquoi attendre que tous ces gens crient « kéré» (famine en langue antandroy ) pour venir les « aider » ? Et c’est sans honte aucune que Rudolph Thomas, directeur général de l’Usaid a déclaré : « L’aide alimentaire du peuple américain arrive à temps et trouve sa raison d’être dans les circonstances actuelles ». Non mais des fois… Comment peut-on être aussi cynique ? En plus, cela n’a a jamais été et ne sera jamais un « scoop ». Que ces zorros des chiffres à plusieurs zéros sachent que le « Kéré » sévit dans le Grand Sud de la Grande île de l’Océan Indien depuis 1930. Oui : 1930 ! Cette partie du pays n’était toujours pas désertique mais, en guise de représailles, face à des peuplades rebelles à l’autorité coloniale française (ce n’est pas la version officielle mais c’est la vérité absolue), la cochenille (Dactylopius coccus) y a été introduite.
Cochenille
Cet insecte phytophage produit le rouge carmin destiné surtout à la cosmétique. Entre 1925 et 1929, cette cochenille a détruit toute autre végétation à très grande échelle, entrainant la mort de nombreux zébus et amenant à une famine prolongée (in H. Decary : « la destruction des cactus par une cochenille à Madagascar : ses conséquences économiques et sociales », Lyon 1929). Seul a résisté le « Raketa » (Opuntia), une cactée cuite avec de la chaux pour assouvir la faim mais qui a occasionné tous ces ventres ballonnés. L’importation intentionnelle de cette cochenille a donc eu des conséquences économiques voire humanitaires et écologiques extrêmement graves jusqu’en ce XXIème siècle.
Le marché d'Ambovombe, en temps "normal". D'où viennent ces produits ? Des images que l'on ne voit pas souvent...
Ce fut plutôt un désastre écologique et environnemental que tout le monde a tu, et non pas une « catastrophe silencieuse » ou encore « des circonstances actuelles ». Tous les deux ans, depuis, la situation s’aggrave, avec une démographie galopante. Et tous les deux ans aussi, on se complait à ressasser que « la situation n’a jamais été aussi catastrophique ». Mais les Antandroy (habitants de la région épineuse de l’Androy) dont le vocable « Kéré » est désormais devenu universel, sont coriaces. Seulement, devant un environnement de plus en plus hostile, les hommes et les femmes en mesure de pratiquer la culture et l’agriculture -si on leur donnait les moyens- se voient dans l’obligation d’émigrer vers d’autres régions. Où ils deviennent, hélas, tireurs de pousse-pousse ou gardiens de nuit… Aucun dirigeant passé ne s’est préoccupé de rétablir un retour à l’ordre environnemental d’avant 1930, en drainant l’eau des fleuves qui ne manquent pas alentour, et en dotant ce peuple de moyens et d’infrastructures pour pratiquer la culture, l’agriculture et l’élevage.
Point Liberty à Andranomena : QG opérationnel anti-terroriste pour cette sous-région de l’Océan Indien ? Aussi hermétique que Fort Knox. Mais quelle liberté pour les journalistes ? C'est çà le paradoxe américain. Mais que diable cachent-ils ici ? Or, des Malgaches y travaillent
Aussi, cessez de vous moquer d’eux en parlant chiffres à plusieurs zéros. Le peuple américain a le droit de connaître cette triste histoire coloniale pour aider ces compatriotes que les décideurs de ce monde confondent avec les peuples du Sahel. Je ne trouve pas rigolo du tout le fait d’aller les faire aligner pour quelques graines à grignoter le temps d’un ou deux mois en attendant l’année suivante et les dons du Pam, avec des « remerciements pour le peuple américain ». Et cette vérité n’est tellement pas bonne à dire que pour l’ambassade US d’Andranomena, je suis devenu un journaliste à éviter plutôt qu’à inviter. Tant mieux, cela m’évitera la paranoïa à l’entré de ce bunker qui est un vrai défi au terrorisme international. Car on dirait qu’un trésor y est caché…
Daniel Ramaromisa : « Vous êtes tous formidables ! » (Tvm-1992)
Le pire c’est que le « Kéré », vécu à longueurs de décennies par ce peuple malgache du Sud, n’a été révélé publiquement qu’au début des années 1990. L’écho-système avait été si bien détruit que les impluviums et autres puits forés n’ont servi à rien tout, comme le projet AES (Adduction d’eau dans le Sud). Il s’agit d’un organisme d’État installé dans le Sud pour ravitailler en eau potable les communes et les gros villages. En camions citernes (dons de la coopération japonaise -Jica-) qui roulent avec du carburant. Vous imaginez le coût du baril d’eau, dès lors ! En 1992, Daniel Ramaromisa, alors ministre des Transports et de la Météorologie, face au désastre, avait lancé le premier téléthon à la Tvm, sous l’appellation SOS Sud. Devant la spontanéité de tous mes compatriotes, je me rappelle sa phrase célèbre : « Vous êtes tous formidables ! ». C’était une solution malgacho-malgache. Hélas, les archives de cette séquence est sûrement partie en fumée le 26 janvier 2009, lors de l’incendie des locaux de la Rnm et de la Tvm. Mais le pire (encore) est que l’opération n’a été reconduite que sporadiquement.
Comment sont utilisés ce genre de dons en argent ?
Toutefois, des associations plus ou moins douteuses se sont créées pour « sauver » ces affamés. Comme, par exemple, à La Réunion où je ne sais plus où en est l’association Kéré. Passons.
Latimer Rangers, Marie-Clémence Paes et Carson à Paris en 2007
Le plus enrageant dans cette triste histoire, c’est qu’en 1993, Latimer Rangers, d’origine Antandroy, alors ministre de la Culture, m’avait emmené avec lui pour me faire comprendre son idée : drainer les eaux du fleuve Efaho, à quelque 80 km d’Amboasary Sud vers Fort Dauphin) pour arroser la région d’Ambovombe, à travers un système de pipelines. Si le projet avait été réalisé, le grand sud, à l’heure actuelle, serait devenu une oasis verdoyante. Si, seulement si… Dix ans plus tard, voilà que les Japonais ont parlé de ce même système de pipelines mais à partir d’un autre fleuve.
Principaux fleuves et rivières : Manampanihy, Fanjahira, Mandrare, Mangoky, Isoanala, Menarandra, Manambovo, Imaloto
Principaux bassins versants hydrographiques élémentaires : Vatomena, Vatomirindry, Ebakika, Vatorendrika, Mandromodromotra, Lanirano, Andriambe, Fanjahira, Lakandava, Manampanihy, Efaho.
Déjà en décembre 2009, il y a donc deux ans et c'est le cycle infernal immuable : des sous encore des tas de sous mais qui n’ont arrangé en rien la situation. Or qu’avec cet argent, un réseau de pipe-lines aurait pu être monté en deux ans. Non ?
Ce n’est pas donc pas l’eau qui manque autour de l’Androy mais, il y a comme qui dirait carence d’une volonté politique pour que mes frères du Sud s’en sortent, se développent… Car le projet japonais, sous Didier Ratsiraka de retour aux affaires, s’est également évaporé. Encore un manque de volonté politique ou de manque à gagner pour les dirigeants ? Certes, l’Etat malgache n’a pas les moyens de financer la pose d’un réseau de pipelines ni de doter les Antandroy de moyens et d’infrastructures adéquates pour faire resurgir l’Androy verdoyant de leurs ancêtres. Mais vous, Américains et Français (anciens colonisateurs) si. Au lieu d’attendre le dernier moment et la période de soudure, comment vous supplier pour donner cannes à pêche, hameçons et appâts, plutôt que des poissons surgelés à un peuple qui ne demande qu’à prendre son avenir en mains et non plus pour être pris pour des affamés qui n’attendent que le PAM pour les « sauver » ? Si seulement c’’était durable. Mais après, lorsque les surplus américains seront avalés, détournés et/ou revendus, que feront-ils ? Attendre l’an prochain ? Et l’annonce pompeuse de milliers de dollars qui seraient plus utiles autrement ?
Dans dix ans, ces enfants d'Ambovombe vont encore attendre le PAM ? S'ils n'émigrent pas sous d'autres cieux plus cléments
Les ancêtres de ces peuples -comme les miens d’ailleurs-, ont combattu dans deux guerres « mondiales » qui ne les concernaient pas du tout. Et c’est comme çà que vous les remerciez, vous les descendants d’ancêtres qui ont été la cause de ces deux conflits ? En les tenant par le ventre tout en parlant de milliers de dollars et d’euros ? Madame Berdnaska partira et sera remplacée par quelqu’un qui chantera la même rengaine : « La situation dans le Sud est très préoccupante. Même avec toutes les contributions actuelles, les besoins sont au-delà de notre capacité », a-t-elle déclaré, le 6 janvier 2011 où j’étais évité. Jusqu’à quand entendrons-nous ce même refrain ? Le pire (re-encore) c’est qu’actuellement, on recherche des affamés même dans les régions du Nord. Pour que le PAM les « aide ». Mais des cyclones, il y en aura toujours qui s’abattront sur Madagascar. Jusqu’à la fin des temps ! En tout cas, une chose est sûre : malgré vos « alertes » et votre catastrophisme ampoulé, les Malgaches comptent, à présent, 20 millions d’individus. Ne prenez pas vos désirs d’avoir bonne conscience pour des gestes humanitaires. L’unique question que je pose est : combien coûte la pose d’un réseau de pipelines d’abord ? Car le reste coulera de… source. Et ne dites pas que c’est plus facile à dire qu’à faire. Ce ne sont pas les ressources humaines qui manquent ici, en tout cas. On verra l’impact de vos belles phrases lorsque les Chinois entreront dans la danse. Car ils interviendront aussi dans ce domaine. Mais à leur façon. Sans frime ni chantage. Vous voilà prévenus.
La région de l'Androy cernée pourtant par un réseau hydraulique qui ne demande qu'à être maîtrisé
Il suffirait d'une réelle volonté politique pour faire du Grand Sud malgache une région très rizicole comme dans cette région du Vakinankaratra. Mais...
Enfin, un quatrième pire : le PAM va finir par changer les habitudes alimentaires d’un peuple dont le riz est l’aliment de base. Qu’a annoncé Krystyna Bednarska, ce 6 janvier 2010 ? « Le sorgho sera, cette fois-ci, la principale denrée alimentaire à distribuer ». Une colonisation par le ventre doublée d’une africanisation totale. Mes compatriotes du Sud deviendront les Sahéliens de l’Océan Indien. Mieux encore : « Le système de vivres contre travail fera partie des structures à mettre en place par le PAM dans le cadre de ses interventions tout au long de cette année 2011. Notre action ne se limite pas seulement à la distribution d’apports nutritionnels aux personnes nécessiteuses ; elle s’étend également à d’autres domaines tels que la protection de l’environnement et la construction de pistes dans les zones touchées ». Ah bon ? Un Smotig (Service de la Main-d'Œuvre des Travaux d'Intérêt Général supprimé en 1945) nouvelle version alors ?
Information pure
Le saviez-vous ? Les Français ont changé la mentalité des Malgaches par des travaux forcés. Le pire était le Smotig. Après la seconde guerre mondiale, les Français ont obtenu des Américains plusieurs centaines de milliers de prisonniers allemands. Les Français les ont alors employé d’après cette méthode de Smotig à Madagascar. Environ 80.000 Allemands sont morts de… faim (in Dunant’s dream : War, Switzerland, and the History of the Red Cross – Caroline Moorehead, Londres 1998).
Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – 8 janvier 2011