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Home Vie politique Dossier Charles Andrianasoavina : la grenouille de La Fontaine – «Raha ho faty aho, matesa rahavako»

Charles Andrianasoavina : la grenouille de La Fontaine – «Raha ho faty aho, matesa rahavako»

L'arrestation très musclée, par le Commandant Charles,  du "Premier ministre" de Ravalomanana -par téléphone- Manandafy Rakotonirina, en avril 2009 à l'hôtel Carlton Anosy

La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf ».


La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf,

Qui lui sembla de belle taille.

Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,

Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille

Pour égaler l'animal en grosseur,

Disant : Regardez bien, ma sœur ;

Est-ce assez ? Dites-moi ; n'y suis-je point encore ?

Nenni. M'y voici donc ? Point du tout. M'y voilà ?

Vous n'en approchez point. La chétive Pécore

S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :

Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,

Tout petit prince a des ambassadeurs,

Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine

Les sources de cette fable se trouvent dans Phèdre (Traduction Sacy de 1647). Mais La Fontaine suit Horace (Satires II, III, 316-320) qui institue un dialogue entre la grenouille ambitieuse et sa sœur. La fable est courte et remplace un long discours : les moralistes de XVIIème ont tous combattu l'ambition sociale.

La Morale:

Tous ont envie de grandir ; l'homme n'est jamais content ; la mégalomanie ; tous ont des rêves démesurés ; on ne devrait pas essayer de sembler plus qu'on est.

La grenouille a la faculté de gonfler et de s'enfler naturellement. On a parfois l'impression qu'elle va éclater. Tout le monde a des rêves de grandeur et de puissance. Mais lorsque l’on dépasse ses mesures et ses limites on périt. L'orgueil peut conduire à la mort, à la chute.

Drôle "d'interview", sans aucun respect de la loi en vigueur... Vu le laps de temps très court, Charles avait sûrement appris par cœur son texte. On a le temps en taule. Il demanda même qu'on lui pose des questions à propos de la BANI d'Ivato

Pour le cas de Charles Andrianasoavina, c’est simple : il espérait tellement diriger la transition au côté d’Andry Rajoelina qu’il en a perdu tout ce qu’il a appris à l’Académie militaire d’Antsirabe (XIXème promotion). Dans le cadre de l’affaire BANI d’Ivato, il devait se présenter au tribunal, le 5 janvier 2011, avec les autres inculpés d’atteinte à la sûreté de l’Etat, en autres griefs. On ne sait par quel artifice, mais il a trouvé, ce jour-là, le moyen de s’adresser aux journalistes présents, derrière des barreaux. Or, selon la loi, aucun prévenu, de par le monde, n’a le droit de communiquer avec qui que ce soit, surtout dans un tribunal, et surtout pas avec des journalistes. Madagascar fait encore une exception dans ce domaine et c’est très suspect…

17 mars 2009. Le fougeux commandant Charles à l'Episcopat d'Antanimena, retenu par le Lieutenant-colonel Noël Rakotonandrasana, devenu un général compagnon d'infortune à la BANI d'Ivato

Que révèle alors Charles Andrianasoavina, le Commandant célèbre, promu Lieutenant-colonel le 9 septembre 2009 ? « Le 17 mars 2009, Il s’agissait bien d’un coup d’Etat, nous avons pris le pouvoir par la force. Alors que je m’étais révolté quelques jours plutôt (8 mars), on (qui ?) m’a demandé de prendre le pouvoir par tous les moyens. La co-direction de la Transition aux côtés d’Andry Rajoelina m’avait été promise (par qui ?). Vers une heure du matin, ce 17 mars 2009, j’ai ordonné la coupure de l’électricité et le brouillage de la communication à Iavoloha. Par la suite nous avons tiré sur le palais d’Etat, à coups de lance-rockets. Cette action était sensée obliger le Président Marc Ravalomanana à démissionner. Cependant, une réunion militaire a eue lieu, la matinée vers 10 heures pour la mise en place d’un directoire militaire. Je me suis opposé à cette idée et avec plusieurs éléments armés, j’ai menacé un haut responsable qui devait prendre la direction de ce directoire militaire. Nous l’avons obligé à transférer le pouvoir à Andry Rajoelina ».


Place du 13-Mai, début mars 2009. Selon le porte-parole du pouvoir Ravalomanana, il s’agissait « d’instructeurs (deux sud-africains et deux conseillers israéliens) pour expliquer le fonctionnement des équipements anti émeutes ». Ah bon, ces équipements sont si compliqués que cela ? En tout cas, démasqués, ils ont décampé et on ne les a plus jamais revus…

Sans entrer dans des détails plus ou moins vrais planétairement connus grâce au zèle des extrémistes de tous bords, revenons alors sur les déclarations du même Charles Andrianasoavina, au micro de la radio Antsiva, le 9 mars 2010 : « Le 8 mars 2009, les militaires du Capsat de Soanierana sont descendus dans la rue à Ankadimbahoaka, pour les raisons suivantes : Nous étions furieux des exactions perpétrés sous les ordres de mercenaires sud-africains et peut-être israéliens qui ont massacré les manifestants pour le changement, depuis le 7 février. Par ailleurs, l’enrôlement de « gros bras », civils vêtus en militaires, qui se chargeaient de basses besognes en faisant porter le chapeau aux militaires, a été l’une des gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase ». Ayant pris les choses en main, le Commandant Charles avait alors eu un entretien avec les sous-officiers qui ont dirigé ce mouvement. Il leur a demandé s’ils consentaient à l’accepter pour chef. Ils ont tous répondu par l’affirmatif. Ce qui suit est un extrait du Journal « La Gazette de la Grande île », en date du 9 mars 2009 :

Arrestation "énergique" du pasteur Lala Rasendrahasina, président de la Fjkm, le 17 mars 2009 à l'Episcopat, sous les yeux d'ambassadeurs étrangers. D'où la notion de coup d'état longtemps diffusée par les Gtt après la fuite de Ravalomanana qui venait de démissionner

« Nous allons unir nos forces, pour faire chuter Marc Ravalomanana », leur a-t-il déclaré. Le commandant (à l’époque) a alors lancé un appel à la radio, relayé justement par Michel Ralibera venu l’interviewer au Capsat, et Annick Raherimanana qui a diffusé le scoop sur les ondes de la radio Antsiva, ses interviewers d’hier (8 mars 2009).  Le soir même, il a réuni ses onze camarades de lutte pour constituer le Collectif des Jeunes Officiers supérieurs.  Deux cents hommes ont pu être rassemblés à Andohalo, QG de l’Etat-major général de l’Armée. Par l’intermédiaire du Colonel Jaotiana, Ravalomanana a voulu les amadouer, lui et ses cinq camarades officiers, avec huit milliards de francs (anciens), montant appris cinq jours plus tard. Le colonel Charles a précisé n’avoir eu aucun contact préalable avec Andry Rajoelina, qu’il n’a connu qu’à la télé. Son équipée avec l’actuel Lieutenant-colonel Lylison René a débuté le 12 mars, alors que les gendarmes sont entrés en scène pour installer Monja Roindefo à Mahazoarivo. Sur l’épisode de l’épiscopat, Charles Andrianasoavina a reconnu avoir été parmi ceux autorisés à assister au transfert de pouvoir au contre-amiral Hyppolite Ramaroson et les deux autres généraux du directoire militaire, en présence de l’ambassadeur US (Niels Marquardt) et des médiateurs (Episcopat Antanimena, le 17 mars 2009, en début de soirée). C’est lui qui s’est déclaré contre ce stratagème allant à l’encontre de la lutte populaire, tandis qu’Andry Rajoelina est sorti de la salle, furieux de la tournure des choses. L’actuel ministre des Affaires étrangères (Hyppolite Ramaroson) aurait déclaré préalablement vouloir garder le pouvoir seulement un an. Le colonel a reconnu avoir un peu forcé la dose pour convaincre les généraux. Selon lui, c’est sa main droite qui a écrit la déclaration de transfert de pouvoir à Andry Rajoelina. «On m’a donné carte blanche. Si je l’avais voulu, j’aurais écrit mon nom, et c’est moi qui serait actuellement chef de l’Etat ». Et il ne l’a pas fait, par « pur patriotisme ». Mais, prévient-il, «les politiciens doivent savoir que les forces armées ont pour devise « Pour la patrie», et non «Pour les gouvernants. Les gouvernants doivent prioriser le bien de la patrie, sinon les forces armées peuvent se retourner contre eux».

De nos jours, son énergie farouche s'est mue en énergie du désespoir. Celui qui fait faire n'importe quoi pour entrainer d'autres personnes avec lui, dans sa déchéance

Autres révélations du même Charles Andrianasovina, toujours ce 5 janvier 2011, à Anosy : « Des (deux ?) milliards ont été dépensés pour les opérations. Personnellement, j'ai reçu 100 millions (ariary ou fmg et de qui ?). Des étrangers (« Karana »), des militaires et des hommes politiques ont participé au financement des opérations ». Concernant sa participation active à la mise en place d’un Comité militaire de Salut public (CMSP) à la BANI d’Ivato, il a répondu : «J'ai fait ce geste à cause d'un contrat non honoré entre moi et Rajoelina». Mais quelle était alors la teneur de ce « contrat » ? Avant que des magistrats ne daignent enfin mettre un frein à cette « interview » non conforme à la loi, Charles Andrianasoavina a eu le temps de promettre d’autres « révélations ». Pourra-t-on lui permettre, après cela, de s’adresser de nouveau à des journalistes ?

Charles et Lylyson, promus en même temps Lieutenant-colonels en septembre 2010

Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire qu’à la suite de ses « exploits » de 2009, cet officier pas comme les autres n’a pas eu de promotions. Il co-présida les Forces Spéciales d’Intervention (FIS), au côté du Lieutenant-Colonel Lylyson René de Roland ; Il fut nommé par le ministre des Mines, Mamy Ratovomalala, chef de la brigade minière, chargée de contrôler et de surveiller la bonne application de la législation minière en matière d’exploitation et fiscale ; il siégea au Conseil d’administration de la Jirama (compagnie nationale de l’électricité et des eaux). Puis, on ne sait pas pourquoi, il a été éjecté de tous ces postes. Mais il est à peu près certain qu’il voulait faire comme la grenouille de la fable. Car il est certain aussi qu’il avait gardé dans l’esprit que la co-direction de la Transition aux côtés d’Andry Rajoelina lui avait été promise. Surtout qu’il avait -il a toujours- une belle villa à achever… Dont le coût de finition se chiffre en centaine de millions d’ariary... C’est indéniablement sur cet aspect financier qu’il y a eu mésentente avec le pouvoir de transition qui venait de prôner l’austérité budgétaire.


Les Généraux Raoelina et Rakotonandrasana entourant le lieutenant-colonel Charles, à la Base aéronavale d'Ivato (BANI)

Alors ? Ben, il s’est tourné vers les milliards de Ravalomanana, au côté d’autres officiers aussi déçus que lui. Particulièrement, le général Noël Rakotonandrasana, récemment éjecté de son poste de ministre des Armées. A présent qu’ils sont tous aux arrêts, Charles Andrianasoavina pratique la philosophie : « Raha ho faty aho matesa rahavako ». Raha ho faty aho matesa rahavako, raha maty rahavako matesa ny omby. Raha izahay sy ny zanako no hisaraka. Mihatona ry tany aman-danitra raha olona iray no tsy tia, dia hitoto koba aho hatavy ». Traduction littérale: Si je dois mourir, meure plutôt mon parent. Et si mon parent doit mourir, meure plutôt le bœuf. Si mon enfant et moi devons nous séparer Que se heurtent ciel et terre si c'est un seul homme qui ne m'aime pas ... Je pilerai une galette de pâte de cacahuète (« koba ») pour être grasse. Pour résumer et simplifier, cela veut dire : après moi, le déluge ! Cette expression française signifie : qu’importe ce qui va se passer, même si c’est une catastrophe. Le déluge fait, ici, référence à l’arche de Noé seul survivant. Rien n’est plus important qu’un déluge, d’où l’insouciance des personnes devant un problème donné autre que le déluge.

Ainsi coiffé, Charles veut démontrer qu'il vient du sud-est. Mais la "cause côtière" ne lui servira à rien du tout, malgré le désir caché ou non de certaines personnes qui espèrent une guerre tribale à Madagascar

Par conséquent, n’ayant donc plus rien à perdre (ni à gagner), Charles Andrianasoavina pourra dire tout ce qui lui passe par la tête, en donnant tous les noms qu’il voudra. Tout le monde sait de quoi est capable un homme au bout du rouleau. Dès lors, qu’elle est la meilleure attitude a adopté de la part des gens qui vont être cités, hormis ceux qui l’ont déjà été comme une sœur du Président Andry Rajoelina qui serait impliquée dans le trafic de bois de rose ? A mon sens, rester stoïque en attendant des preuves. Mais comme elles n’existeront jamais, toute la démarche de Charles Andrianasoavina se retournera contre lui. Pour l’heure, l’ancien héros Charles se retrouve seul, dans tous les sens du terme. Même s’il entend jouer la carte du tribalisme, en s’étant coiffé d’un chapeau spécifique au sud-est de Madagascar. Pour en revenir aux fables de Jean de La Fontaine, le coup d’épée dans l’eau de la BANI d’Ivato, le 17 novembre 2010 -indéniablement motivé par les sous de Marc Ravalomanana-, illustre la fable intitulée : « Le Berger et son troupeau ». Extraits :

Haranguez de méchants soldats,

Ils promettront de faire rage ;

Mais au moindre danger adieu tout leur courage :

Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.

Après avoir fait parler la poudre, Charles (ici avec un kalachnikov) entend faire parler les rumeurs dont raffole le genre humain, toutes nationalités confondues. Son idée : prétendre qu'il a des secrets très secrets (même en affabulant) qui pourraient servir de monnaie d'échange pour son silence. Mais tu parles... Charles ! Son style est : je ne sais rien mais je dirais tout

De toute manière même si Charles dit, à présent, que le Pape était derrière tout çà, qu’est-ce que çà changera dans la recherche de la sortie de crise ? Charles aurait-il inventé la poudre… d’escampette ? Car il a trouvé le moyen de faire parvenir ses « mémoires » hors de la prison de Tsiafahy. Qu'il n'oublie jamais que si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument !

CLIQUER SUR CE LIEN POUR LIRE UN TEXTE MANUSCRIT EN MALGACHE DU COLONEL CHARLES, ECRIT DANS LA PRISON DE TSIAFAHY, LE 30 DECEMBRE 2010

 

D E R N I E R E   I N F O

Comme l'indique la Une de ce quotidien malgache -et en malagasy-, une enquête a été ouverte pour connaître les raisons qui ont amené les gardes pénitentiaires à permettre au Lieutenant-colonel Charles Andrianasoavina de s'adresser aux journalistes présents au tribunal, ce 5 janvier 2011.

Enfin, puisque nous en sommes aux fables et aux adages, voici un, proverbe qui nous vient d'Arménie, et qui nous concerne tous, sans exception :

Celui qui cherche à se venger
Est comme la mouche
Qui se cogne contre la vitre
Sans savoir que la porte est grande ouverte.
Proverbe arménien du XIè siècle

Dossier de Jeannot RAMAMBAZAFY – 9 janvier 2011

Mis à jour ( Lundi, 10 Janvier 2011 13:39 )  
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