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Marc Ravalomanana: les sodas du président ou les racines de sa déchéance tout à fait prévisible

Si Andry Rajoelina était allé voir Kadhafi, c’était parce que  le Guide lybien était Président en exercice de l’Union africaine. La rencontre reposait sur la cherche de solutions à la crise. Mais Ravalomanana, lui, était allé rendre visite à un « collègue ». Nuance.

Il paraît que sous Ravalomanana, Madagascar c’était le paradis. Ah bon ? Où étaient Zafy Albert et Didier Ratsiraka en 2007 ? Où étaient tous ces revendicateurs de primes et autres avantages financiers actuels ? Au lieu de faire des histoires, par peur des résultats des élections à venir, lisez attentivement l’Histoire qui ne date que de 4 ans. Beaucoup se demandent encore ce qu’avait bien pu faire ce Ravalomanana pour qu’il ait été chassé du pouvoir par son propre peuple. Comme Didier Ratsiraka, par deux fois et comme Zafy Albert via l’Assemblée nationale. C’est simple : la vérité historique ne s’invente pas et n’est pas amnésique. Lisez, car vous ne trouverez jamais ce genre de document historique sur les sites et autres forums des Gtt (« Vazaha taratasy ») qui vont avoir la vie dure en France avec la montée du Front national. « Trop d’étrangers », entend-on souvent depuis quelques temps, de la part des Français « blancs ».

La faible mobilisation des électeurs malgaches constatée aux législatives anticipées qui se sont tenues dans le calme, dimanche 23 septembre [2007], ne devrait pas empêcher le président Marc Ravalomanana d'atteindre le but qu'il s'est fixé en dissolvant l'Assemblée nationale le 24 juillet : renforcer sa majorité parlementaire et affaiblir des députés frondeurs.

Lâché par ses anciens alliés, par l'Eglise catholique et par une partie de ses troupes, le chef de l'Etat, au pouvoir depuis 2002, gère seul ou presque le pays et supporte de moins en moins la critique.

Pourtant, l'opposition ne se berce d'aucune illusion. Après une campagne plutôt terne, menée avec des moyens rudimentaires, encore divisée, elle sait qu'elle ne peut prétendre à la victoire. D'autant qu'elle doit partager l'espace de contestation avec d'anciens députés du parti au pouvoir, le Tiako i Madagasikara (TIM), "J'aime Madagascar", en rupture avec leur formation. Le TIM, créé peu avant les présidentielles de 2001, autour de la candidature de Marc Ravalomanana, a traversé plusieurs crises internes.

La première date de mai 2006, avec la destitution du président de l'Assemblée nationale, Jean Lahaniriko. Un an plus tard, parmi les députés fidèles au président, un groupe a dénoncé l'inertie du parti et créé un mouvement dit de "rénovation". Il n'en fallait pas plus pour que le chef de l'Etat sanctionne les récalcitrants en dissolvant l'Assemblée, appelant à des élections anticipées à moins de deux mois de la fin du mandat.

"Il n'écoute plus personne. Il dirige seul, avec le ministre des finances. Même ses ministres ont peur de lui", affirme, sous le sceau de l'anonymat, l'un des anciens collaborateurs de M. Ravalomanana. Ceux qui, en 2001, louaient son efficacité, sa détermination et son indépendance, critiquent aujourd'hui son autoritarisme et son "mode de décision à la hussarde".

L'opposition dénonce la "dictature", et joue parfois à se faire peur : un cadre de l'Arema, l'ancien parti au pouvoir, refuse ainsi de se rendre dans les quartiers proches de la présidence, au motif que ce serait "dangereux".

Plusieurs ressortissants étrangers ont été déclarés indésirables, voire expulsés, parmi lesquels deux journalistes (Ndlr : Olivier Péguy puis Christian Chadefaux) et le père Sylvain Urfer, un jésuite membre de l'Observatoire de la vie publique (Ndlr : Kmf/Cnoe), une instance de la société civile.

Des politiciens et des hauts fonctionnaires sont en prison pour "atteintes à la sûreté de l'Etat" ou, le plus souvent, pour des malversations financières. "La plupart ont effectivement plongé la main dans la caisse. Ils ont le tort soit de se faire remarquer soit de déplaire au prince", poursuit un ancien député de l'opposition.

Depuis l'adoption d'une nouvelle Constitution, en avril, les députés ne sont plus protégés par l'immunité parlementaire que durant les sessions. "C'est la méthode Ravalomanana. Tout le monde ici a des casseroles, des problèmes avec le fisc, de la corruption, des détournements. Avec la fin de l'immunité, les députés vont devoir se tenir à carreau, c'est un moyen de pression comme un autre", argumente cette même source.

Autre nouveauté de la Constitution, la disparition du concept de laïcité voulue par le chef de l'Etat, vice-président de l'Eglise de Jésus Christ à Madagascar (FJKM-protestante). L'Eglise catholique s'en est inquiétée, craignant que le religieux n'investisse plus encore le champ politique. En 2001, au moment de l'élection présidentielle qui l'opposait à l'ancien président Didier Ratsiraka, M. Ravalomanana avait reçu un soutien massif de toutes les Eglises. Pratiquant assidu, il débute ses réunions par des séances de prière et les employés de sa société agroalimentaire, Tiko, sont invités à prier ensemble tous les vendredis.

Les camions de Tiko portent un numéro d'immatriculation se terminant par un 7, chiffre biblique. Le président affirme être inspiré par Dieu dans sa gestion du pays. Le plus grand reproche fait à M. Ravalomanana par ses adversaires reste tout de même sa tendance à mélanger les genres. Les grandes réunions du TIM se font ainsi dans les locaux de Magro, le grossiste de Tiko. Lors du défilé du 26 juin, anniversaire de l'indépendance du pays, les banderoles publicitaires pour de la margarine, de l'eau ou des yaourts étaient toutes consacrées à des produits Tiko. De même, sur les vols intérieurs d'Air Madagascar, il est impossible de boire autre chose que les jus de fruits ou les sodas du président.

"Il nous avait dit qu'il allait gérer Madagascar comme une entreprise, il ne nous avait pas dit que le pays serait son entreprise", regrette un opérateur économique. Le chef de l'Etat a des intérêts dans quasiment tous les domaines : la collecte du riz, la production de farine, le bâtiment et la construction, les médias, avec une chaîne de télévision et une radio. Depuis son accession au pouvoir, ses affaires prospèrent, et personne n'ose le concurrencer.
En revanche, même ses plus farouches opposants reconnaissent qu'il a, avec la construction de nombreuses routes, désenclavé les régions de la Grande Ile, dont le réseau routier était inexistant.

Il a aussi autorisé la prospection minière. Deux gisements, l'un de nickel l'autre d'ilménite, ont été mis en exploitation. Le pétrole malgache intéresse plusieurs compagnies. Le chef de l'Etat a d'ailleurs ajouté à son empire une branche : Tiko Petroleum...

Archives personnelles du Journal « Le Monde » paru le 24 septembre 2007

Rédigée par une envoyée spéciale

Bientôt le grand dossier sur Madagascar Oil préparé par mes soins…

Jeannot Ramambazafy

Mis à jour ( Mercredi, 23 Mars 2011 04:24 )  
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