Nuit blanche pour ce jeudi 31 mars 2011, où j’attendais pendu à tous les médias d’Afrique australe, des nouvelles sur le cas de Madagascar censé être discuté par trois Africains anglophones qui ne savent rien de la Grande île, sauf que feu le Président zambien Lévy Patrick Mwanawassa (ancien président de la Sadc) y est venu, avant son décès, pour admirer les infrastructures de la société Mana de l’empire Tiko, à l’intérieur du port de Toamasina et les vaches hollandaises du même groupe du côté d’Adranomanelatra. Cela a suffit à Marc Ravalomanana pour oser dire que l’entrée dans la Sadc aura été bénéfique au pays tout entier. Et que chaque malgache aura sa voiture Renault 4 et son réfrigérateur…
Résultat aussi blanc que cette nuit durant laquelle j’ai constaté que tous les débats étaient focalisés sur le Zimbabwe représenté par le dictateur Robert Mugabe, 87 ans, « himself ». Réalité politique : le partage de pouvoir avec Morgan Tsvangiraï ne permettra pas la sortie de crise escomptée et un regain de violences est à craindre là -bas. Du coup, Madagascar a été relégué en second plan et son cas a été mis dans le même sac que celui du Zimbabwe. C’est à minuit, que le Zambien Rupiah Banda, le Sud-africain Jacob Zuma et le Mozambicain Armando Emilio Guebuza, ont fait une déclaration qui n’apporte rien, mais alors rien du tout de positif pour la sortie de crise à Madagascar et pour laquelle ils se sont pourtant réunis aussi.
Voici le texte original en anglais : « Leaders of the Southern African Development Community (SADC) on Thursday midnight called for an end to the conflicts in the southern African region, in particular those in Zimbabwe and Madagascar. In a statement, the leaders urged Madagascar to immediately restore constitutional order, pledging full support to the SADC Mediation Team to help Madagascar find a lasting solution to the crisis ».
Traduction : Les Chefs de la Communauté de Développement de l’Afrique australe (SADC), ce jeudi à minuit, ont appelé à mettre un terme aux conflits dans la région d’Afrique australe, en particulier au Zimbabwe et à Madagascar. Dans une déclaration, ces Chefs ont pressé Madagascar à restaurer dans le plus bref des délais l'ordre constitutionnel, en promettant un soutien total à l'équipe de médiation SADC pour aider ce pays à trouver une solution durable à la crise.
A part le parler pour ne rien dire, cela signifie un retour à la case départ, purement et simplement. Normal que Ravalomanana jubile (tapis, comme un voleur, dans les coulisses sombres de ce sommet à Livingstone), en faisant publier que « la Sadc a rejeté la feuille de route de Simao ». Mais cela signifie surtout que certains gars de la Sadc jouent avec le temps, afin de mettre dans le circuit, des copains de Ravalomanana pour saboter tous les acquis, tous les sacrifices du peuple malgache depuis 2009. En effet, voici le schéma : remplacement de Leonardo Simao en attendant le mois d'août 2011 à partir duquel Jacob Zuma présidera ce club d’arbitres arbitraires qui ne font aucun discernement entre le Zimbabwe et Madagascar. Cette démarche n’a qu’un nom : sadisme. Alors que ces trois présidents anglo-africains avaient le devoir de prendre une décision, de faire avancer les choses, voilà qu’ils remettent en question toutes les aspirations du peuple malgache représenté par plus de deux cent personnalités qui ont paraphé la feuille de route. Peuple qui a hâte d’en finir avec cette période transitoire pour passer à autre chose. Comment voulez-vous que l’Afrique noire puisse un jour se développer avec ce genre de « statement » ? Et René Dumont a encore et toujours raison : l’Afrique noire est mal partie. Si jamais elle a, un jour, bougé.
Hypocrite comme elle l’est, l’autre « communauté internationale », la blanche, va se réfugier derrière cette indécision sadique de la Sadc pour rester les bras croisés, dans l’espoir que tous les Malgaches s’entretuent allègrement. C’est après qu’elle réagira, comme elle le fait très mal en Lybie. Dans ce cas-là , une seule issue, après ces deux années perdues pour rien : aller aux élections au plus vite. Lorsque les dirigeants malgaches seront élus par leur peuple, on verra bien ce qu’inventeront encore ces clones d’Ubu roi. Qu’ils sachent que géographiquement, Madagascar ne fait pas partie de leur continent. L’île en est séparée par le canal du Mozambique (tiens?) et tournée vers l’Est, l’Asie où il existe des gens plus réalistes, plus travailleurs, avec plus d’investissements que cette sadique Sadc anglophone ne pourra jamais apporter à un pays francophone. Là , on verra qui rira le plus.
Tomas Salomao (ici à la droite de Rupiah Banda) tente-t-il de convaincre le Président de la Zambie qu'il faudrait donner des directives plus claires pour la sortie de crise politique à Madagascar ?
Y aura-t-il d’autres « statements », très officiels enfin, dans le courant de ce vendredi 1er avril 2011 ? Car le matin du 31 mars, Tomas Salomao -Secrétaire exécutif de la Sadc, plus réaliste- était frais et dispos lorsqu'il a déclaré que " ce pays pays doit reprendre sa place dans le concert des Nations ". Rien n’est donc encore tout à fait joué mais il n’est pas normal, en ce temps de mondialisation, que trois dirigeants anglo-africains prennent en otage plus de 21 millions de Malgaches (21.926.221 en Juillet 2011, selon World factbook de la Cia). La nuit (blanche) portant conseil, espérons alors que ce ne soit pas un autre… poison d’avril. En tout cas, des déclarations faites à minuit, après avoir traité, toute la journée, du dur cas zimbabwéen, ce n’est pas sérieux.
Jeannot RAMAMBAZAFY
(Source : Bernama, 1er avril 2011)