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Crise politique de Madagascar: le regard réaliste de Stephen Ellis

Le Docteur Stephen Ellis de Leiden aux Pays-bas

En mai 2011, les législateurs de l’UE et le groupe ACP ont constaté qu’il serait urgent que Madagascar installe un pouvoir transitionnel chargé d’organiser les élections. Dans une interview via courrier électronique, Stephen Ellis -attention, il y en a des masses mais celui-là est expert de Madagascar au Centre d'Études africaines à Leiden, aux Pays-Bas-, a donné sa vision sur l’actuelle crise politique que traverse la Grande île de l’océan Indien. Un regard réaliste et déjà très proche de la vérité historique, malgré quelques points erronés comme le trop célèbre « coup d’état » et le fait de ne pas avoir expliqué pourquoi « Rajoelina a rejeté l'accord qu'il avait déjà signé ».

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Mais on finira bien, un jour, à comprendre que les origines réelles et véridiques de l’actuelle crise politique remontent bien plus loin. Plus exactement, en 2007, lorsque Ravalomanana a organisé un referendum pour son Map (Madagascar action plan, ersatz du petit livre rouge de l'amiral Ratsiraka). Le taux d’abstention était de 50% pour 60% de "oui". Cette même année 2007, les électeurs d’Antananarivo lui ont tourné le dos en ayant voté Andry Rajoelina qui a été martyrisé à outrance, en tant que Maire de la Capitale de Madagascar. En décembre 2008, les bailleurs de fonds ont coupé les vivres à cause de l’opacité totale concernant l’achat de ce jet à 60 millions de dollars. Et ne parlons pas de l’affaire de terres louées à Daewoo Logistics, ni de l’accaparement de terrains communaux au profit de la société Tiko, devenue un empire tentaculaire. Qui donc fait semblant d’oublier tout cela ? Sans oublier qu'il a ôté de la Constitution la laïcité de l'Etat au profit d'une théocratie donnant la part belle à l'église protestante réformée Fjkm dont il était l'inamovible vice-président. On connaît la suite et les actions d'une frange de ces pasteurs qui ont plus divisé que réuni...

Par ailleurs, la seule différence entre les Arabes et les Malgaches est d’ordre culturel. Si les premiers n’attendent pas de meneurs pour contester leurs dictateurs, les seconds, eux, ne bougent pas sans un meneur. Il y a eu Zafy et, ironiquement Ravalomanana, tous les deux contre la dictature de Didier Ratsiraka. En vérité, la révolution Orange d’Andry Rajoelina a été l’amorce de tous les mouvements de contestations actuels que traverse le monde arabe. Voyez le résultat invraisemblable, lorsque les intérêts de la communauté des intérêts internationaux est en jeu. L’Onu et l’Otan, sensées être des forces d’interposition, sont devenues des forces d’intervention de frappe directe. Mais où va ce monde, vraiment ? Je le répète : même l’enfant âgé de 10 ans, en cette année 2011 sera « dead » en 2101. Et la chanson des troubadours franco-canadiens sera toujours d’actualité : « Quand les hommes vivront d’Amour, il n’y aura plus de misère ; les soldats seront troubadours, mais nous, nous serons morts mes frères ». Et, pour l’heure, entre les Malgaches eux-mêmes, c’est l’héritage de la logorrhée verbale et de la haine qui domine. Enfin, s’il est dit qu’il faut de tout pour faire un monde… On verra bien qui sera l’homme le plus riche du cimetière. En attendant, voici la traduction de l’interview via mail de Stephen Ellis.

Quel est le fond de la crise politique à Madagascar ?

L'origine immédiate de la crise politique à Madagascar a été la démission forcée du président élu, Marc Ravalomanana, le 17 mars 2009, à travers un coup militaire effectif. Ravalomanana était devenu impopulaire -non seulement au sein de l'élite politique de Madagascar, mais également au sein des bailleurs de fonds- à cause d’avoir mélangé les intérêts de l’Etat avec ses intérêts privés. Au début de l’année 2009, le pouvoir Ravalomanana a été sous la pression d’un vaste mouvement dans la capitale, Antananarivo, soutenu par les politiciens d'opposition, certains hommes d'affaires et par des éléments des forces armées. Les douzaines de personnes ont été tuées lors de ce mouvement populaire, dans les protestations, lorsque les forces de la sécurité présidentielle ont ouvert le feu sur la foule devant le palais présidentiel le 7 février 2009. En se rendant compte qu'il perdait sa prise sur le pouvoir, Ravalomanana a transmettre ce pouvoir à un directoire militaire, dans le but non caché d'exclure son challenger politique principal, l’ancien maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina. Pourtant, les militaires ont rapidement transmis ce pouvoir à Rajoelina. Depuis, Rajoelina a fait office de chef d'Etat non élu. En faisant un flash back, c'est le dernier dans une série de bouleversements politiques depuis la chute du premier pouvoir post-indépendance à Madagascar en 1972.

Quel a été l'impact régional de la crise jusqu'au présent et quelles sont les implications du fait que cette crise persiste ?

Etant donné que Madagascar est une île, l'impact régional de la crise a été assez limité. Mais elle a provoqué de l'inquiétude au sein de la Sadc dont Madagascar est un membre. Les principaux bailleurs de fonds ont suspendu leurs aides, étant donné que le pouvoir Rajoelina n’émane pas d’élections. Dans ces circonstances, il semblait inévitable qu'il y ait, tôt ou tard, une crise politique de plus. L’enjeu n'est pas seulement le mieux-être des 20 millions de Malgaches, mais surtout les importants investissements internationaux des projets minéraux et pétroliers émanant de la Chine, la France, les Etats-Unis et d'autres pays encore.

Qui sont les acteurs extérieurs principaux impliqués dans la médiation de la crise et quels sont les intérêts qui les animent ?

Des mois après la chute de Ravalomanana, les différents médiateurs, incluant l'UA, la SADC et l’ONU, ont œuvré pour arriver à des termes d'un accord visant le retour de l’ordre constitutionnel. L'accord a été soutenu, non seulement par Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, mais aussi les deux anciens chefs d'Etat, Didier Ratsiraka et Albert Zafy. En décembre de 2009, pourtant, Rajoelina a rejeté l'accord qu'il avait déjà signé. Actuellement, Rajoelina est officiellement le Président de la Haute Autorité de la Transition, dans l'attente de nouvelles élections. Le 17 novembre 2010, cette Haute Autorité de la Transition a organisé un référendum destiné à valider une nouvelle constitution, et elle a annoncé son intention d'organiser des élections en 2011. Mais Ravalomanana et d'autres considèrent la démarche contraire à une résolution incluse de la crise politique. Ainsi, jusqu’à présent, la communauté internationale a différé sa reconnaissance de l’actuel pouvoir de transition.

De manière globale, les partenaires africains de Madagascar semblent inquiets d’un retour à l’ordre constitutionnel qui ne respecte pas les règles de la loi édictées par l’UA dont Madagascar est membre. L'ONU, qui a nommé un représentant spécial en 2009, est en symbiose avec ce principe. Les Etats-Unis, un des principaux bailleurs de fonds du pays, veulent voir la restauration de la démocratie et de la règle constitutionnelle. La France, ancien pouvoir colonial et membre influent de l'Union Européenne, en ce qui concerne la crise politique malgache, est aussi opposée à la règle inconstitutionnelle, mais a semblé plus disposée que d'autres à admettre la légitimation du pouvoir actuel pour l’organisation des élections.

Traduit de l’anglais par Jeannot Ramambazafy

(Source : worldpoliticsreview.com)

Mis à jour ( Samedi, 04 Juin 2011 02:35 )  
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