Jean Eric Rakotoarisoa, l'expert au service de sa majesté HVM... Grâce à lui, "ce n'est qu'à Madagascar qu'on peut réussir le tour de force d'être sans député élu, mais majoritaire à l'Assemblée nationale" (Léa Ratsiazo, Madagascar Tribune, 06.09.2014)
Â
Il paraît que Jean Eric Rakotoarisoa est un « spécialiste » de la loi fondamentale, un « expert » constitutionnaliste, matière qu’il a enseigné des années durant à l’université d’Antananarivo où il était, en prime, vice-président. La montée au créneau de quatre députés issus de formation politique différente, m’amène à lui poser directement la question en titre : jusqu’où ira l’anticonstitutionnalité, Jean Eric Rakotoarisoa ? Surtout qu’à présent, vous êtes membre -nommé sur le quota du président Rajaonarimampianina- de la Haute cour constitutionnelle (HCC).
En effet, voici ce que l’on peut lire dans la Constitution de la IVème république de Madagascar, en son article 72 :
Durant son mandat, le député ne peut, sous peine de déchéance, changer de groupe politique pour adhérer à un nouveau groupe, autre que celui au nom duquel il s'est fait élire.
Â
Â
Or, qu’ont révélé les députés Mara Niarisy (élu VPM/MMM à Ankazoabo Sud), Rakotomalala Lucien, élu MAPAR à Morombe), Milavonjy Philobert (élu VPM/MMM à Ambovombe Androy) et Randrianiaina Théophile (élu député Hiaraka Isika à Benenitra) ? L’aberration suivante : à l’Assemblée nationale de Tsimbazaza, le parti présidentiel HVM dispose désormais d’un groupe parlementaire composé de 30 députés !
Â
Telle qu'elle se présente, et tant que Jean Eric Rakotoarisoa en sera membre, la HCC ne prononcera jamais la déchéance de ces "députés HVM".
L'Etat de droit selon Hery Rajaonarimampianina : justice impartiale ou justice pour Martial ?
D’où sort ce parti qui, déjà n’existait pas AVANT les élections ; n’avait aligné aucun député PENDANT les élections et dont personne ne parlait APRES la proclamation des résultats ? Qui sont alors ces 30 députés qui se targuent d’être des députés HVM et qui continuent à siéger à l’Assemblée ? A tout bout de champ, le président Rajaonarimampianina parle d’Etat de droit (« tany tan-dà lana ») : «Il faut respecter l’Etat de droit». Sait-il vraiment de quoi il parle, dès lors ?
Â
Le parti HVM a été présenté officiellement le 29 mai 2014 au Carlton Anosy. Sur la photo, quelques membres, de gauche à droite: Henry Rabary-Njaka, directeur de cabinet de la présidence et secrétaire général du parti mais aussi membre du CA d'Air Madagascar; Herisoa Razanadrakoto; conseillère spéciale du président Rajaonarimampianina et trésorière du parti, Kolo Roger, Premier ministre; Paul Rabary, ministre de l'Education nationale. Quel amalgame!
Déjà , par quelle magie ce « parti » a-t-il pu être inscrit officiellement comme étant le énième parti politique au ministère de l’Intérieur, en un laps de temps record ? Parce que Hery Martial a été élu par le peuple ? Le nom de ce parti, même équivoque : « Hery vaovao ho an’i Madagasikara »), permet-il de telles permissivités anti-démocratiques, anticonstitutionnelles? Dans ce cas, nous pouvons être certains que tout acte qui n’ira pas dans les intérêts personnels du président élu, même anticonstitutionnel, sera débouté par la HCC.
Â
Ubu roi, pièce de théâtre d'Alfred Jarry. Résumé: Poussé par l'ambition de sa femme, Ubu décide de tuer le roi des Polonais, Vanceslas, pour s'emparer de son trône. Grâce à la complicité du capitaine Bordure, la famille royal est massacrée. Seul rescapé, le jeune Bougrelas vengera ses aïeux. Une fois installé sur le trône, Ubu règne sans aucun bon sens. Pour accroître ses richesses, il extermine les nobles, les magistrats et les financiers, avant de se charger de collecter lui-même les impôts...
Que faire alors puisque que Jean Eric Rakotoarisoa et compagnie ne peuvent être « déboutés » ? Aussi, amis de la communauté internationale, ne vous étonnez pas si, à Madagascar, les descentes de rues deviennent des cycles de plus en plus courts pour chasser les dirigeants du pouvoir. Ils sont eux-mêmes les artisans de leur déchéance car, une fois dans la place, ils oublient l’adage suivant : « Aleho halan’Andriana toa izay halam-bahoaka » qui signifie : Mieux vaut être haï du roi (par extension, des nobles) que du peuple (« vahoaka »).
Â
Il y a aussi un autre « phénomène » au sein de ce régime rajaonarimampianina. Je nomme Paul Rabary, « sociologue » et actuel ministre de l’Education nationale dont les récentes déclarations rejoignent le sujet de cet article. Qu’a-t-il dit ? « Les élections sont finies. Il y a eu un deuxième tour puis un second tour. Le peuple a choisi. Il n’y aura pas de troisième ni de quatrième tour. Ceux qui pensent faire cela à travers un coup d’état à partir de mon ministère sont dans l’erreur ». Alors je dis que : non seulement il se prend pour un élu (de Dieu ?) mais, en plus il efface d’un revers de paroles insensées, l’Histoire même de Madagascar. Rien n’arrête un peuple en colère, Monsieur Rabary !
En fait révolution estudiantine de mai 1972 a débuté en janvier à l'école de médecine de Befelatà nana. Le sociologue-ministre Paul Rabary devrait réviser son approche de l'Histoire de son pays. Mais quel âge avait-il à l'époque ? Moi, 18 ans. Et le parti PSD, sensé durer jusqu'à la mort ("Pisodia izahay mandrapahafatinay") n'allait durer que 12 ans. "Nandritra ny 12 taona, Tompoko, tamin'io, no nijaly ny zanaka malagasy!"
Rappel : en 1972, les étudiants en médecine se sont levés contre un système qui privilégiait les étudiants étrangers, français surtout. Cela a amené à la révolution estudiantine de mai et à la chute du président Tsiranana pourtant élu à plus de 98% en janvier. Dirigeants du régime actuel, arrêtez-donc de débiter des âneries parce que vous êtes au pouvoir ! Ré-apprenez la sagesse ancestrale car, désormais, par votre orgueil mal placé, votre comportement hautain et dédaigneux, votre manque de communication, votre incapacité à diriger et gérer le pays, tout peut arriver. Et au moment où vous vous y attendrez le moins et pour un rien…
Hara-kiri
Que ceux qui se sentent vraiment Malagasy, réfléchissent à l’adage suivant, hérité de nos ancêtres communs : « Raha olona iray no tsy tia ahy, mitoto koba aho hatavy; fa raha ny be sy ny maro no tsy tia ahy, hisotro tsingala aho ho faty ». Traduction : Si je ne suis haï que d'un seul, je préparerai de la farine pour m'engraisser, mais si tous me haïssent, j'avalerai un poison pour mourir. Jadis, en effet, les Malagasy connaissaient les impacts sociaux de la honte (« henatra ») et du déshonneur (« barà ka »). Au Japon, par exemple, les Hara-kiris existent encore…
De nos jours, avec ses 100 millions fmg mensuels de carburant, Jean Max Rakotomamonjy, président au forcing de l’Assemblée nationale s’en contrebalance. Pour lui, les proverbes suivants par étape chronologique:
Aza manao fo milafin-karena
N'ayez pas le cœur conditionné par la richesse
Ny fitiavam-bola no volombodin'ny mosavy
L'amour de l'argent est la plume de la queue de la sorcellerie
Ny vola toy ny vahiny : tonga anio, lasa rahampitso
L'argent est comme un visiteur : il arrive aujourd'hui et demain il repart
Lany harena, lany haingo
Quand la fortune est perdue, la parure l'est aussi
Raha lany harena, lany haingo
Quand il n'y a plus d'argent, il n'y a plus d'ornements
Mirediredy toy ny andrian-dany harena
Radoter comme un noble ruiné
Enfin, un linceul n’a jamais eu de poches où mettre les biens (mal) acquis qui ne serviront strictement à rien dans l’Au-delà . Certes, aucun ne tiendra compte des avertissements d’un simple journaliste. Mais ce n’est pas nouveau. De toute façon, il n’y a rien de nouveau sous le soleil de la bêtise humaine : les regrets ne viennent toujours qu’après : « Saintsaino anie fa ny nenina tsy alohanao ka hananatra, f'ao aoriana ao foana handatsa anao ».
Lequel a eu 100 millions par mois de carburant ? Lequel n'avait même pas 250 fmg pour s'acheter un "mofo gasy" ? Là où ils iront -et où nous finirons tous sans exception-, ils seront tous égaux
Jusqu'où iriez-vous, Mesdames et Monsieur, en fermant encore les yeux sous tous les actes anticonstitutionnels perpétrés depuis le 25 janvier 2014 ? Justice impartiale et équitable, hein ? N'avez-vous pas prêté serment de faire respecter stricto sensu la Loi fondamentale ? Honte à vous ! Déshonneur pour Madagascar !
Der des der : ils se prennent tout pour de fervents chrétiens, ayant la crainte de Dieu. Aussi, au jour de leur déchéance -qui viendra tôt ou tard-, ils se souviendront brusquement de ceci : « Andriamanitra tsy omen-tsiny, Zanahary tsy omen-pondro fa ny olombelona no be siasia ». A Dieu point de blâme, au Créateur point de reproche, c'est bien d'eux-mêmes que les hommes s'égarent.
Jeannot Ramambazafy – 6 septambre 2014