Alinéa 2 de l'article 46 de la Constitution de la IVème république de Madagascar : « Le Président de la République en exercice qui se porte candidat aux élections présidentielles démissionne de son poste soixante jours avant la date du scrutin présidentiel. Dans ce cas, le Président du Sénat exerce les attributions présidentielles courantes jusqu'à l'investiture du nouveau Président ».
Cette nouveauté dans l'Histoire politique de Madagascar, depuis le retour de l'Indépendance en 1960, a été incluse dans la loi fondamentale adoptée en 2010 par voie référendaire. Ce passage de l'article 46 interdit, désormais, à tout président en exercice voulant briguer un second mandat d'user et abuser de l'appareil étatique et ses démembrements pour faire campagne et se faire réélire sans coup férir, malgré des résultats socio-économiques « désolants » (pour être gentil dans ce monde malgache de bruit et de terreur). Ce fut le cas de Philibert Tsiranana, réélu avec plus de 98% des voix exprimées en janvier 1972 mais chassé du pouvoir par un « simple » mouvement estudiantin au mois de mai de la même année. « Le plus jamais çà » est donc enfin arrivé en cette année 2018, après avoir vécu les mainmises électorales des pouvoirs Arema et Tim.
Si ce passage de l'article 46 de la constitution malgache est là depuis 2010, par contre, personne ne savait qui serait le futur remplaçant qui allait assurer, pour la toute première fois, cette démarche intérimaire au plus haut sommet de l'Etat malgache. Soudain, le 31 octobre 2017, Honoré Rakotomanana, ancien du parti Arema, sénateur élu, démissionne de son poste de Président du Sénat. Celui qui lui succèdera à partir de la même date, faisant fi du règlement intérieur du palais de verre d'Anosy, concernant un délai à respecter, ne sera autre que Rivo Rakotovao, sénateur nommé sur le quota présidentiel. La Haute Cour Constitutionnelle (HCC) étant devenue muette comme une carpe, « l'élection » -en tant que candidat unique, il faut le préciser- par 52 voix sur 55 de l'ancien ministre d’État emprisonneur de journalistes, est passée comme lettre à la poste.
Depuis ce mois d'octobre 2017, quoi qu'on dise, Hery Rajaonarimampianina comptait fermement se représenter et l'on se demande franchement pourquoi il a entretenu un suspense jonché d'inaugurations pas entièrement achevées de tout et n'importe quoi. Pour bien se faire voir ? Pour gagner du temps ? Mais un temps pour préparer quoi exactement ? En tout cas, Hery Rajaonarimampianina, le 6 septembre 2018, en tant que Président de la République -et conformément aux dispositions de l’article 119 de la Constitution-, a envoyé la lettre n°111/PRM/SG/DEJ-18 au Président de la HCC, pour voir un avis sur « les attributions courantes du Président de la République ». Réponse de la HCC, à travers Avis n°07-HCC/AV du 7 septembre 2018, relatif à cette demande :
Après pas moins de 26 « considérant » :
(...)
En conséquence,
la Haute Cour Constitutionnelle émet l’avis que :
Article premier.– Rentrent dans la catégorie juridique des attributions présidentielles courantes, les affaires constituant la poursuite normale d’une procédure régulièrement engagée avant la démission du Président de la République, toute affaire dont l’importance dépasse celle des affaires de gestion journalière si la procédure qui a donné lieu à l’acte règlementaire concerné a été engagée bien avant la période critique et a ensuite été réglée sans précipitation et si les questions politiques, qui ont pu se poser sur le plan administratif, ont été résolues avant cette période critique.
Article 2– Ne rentrent pas dans les compétences attribuées au Chef de l’Etat ad intérim celles qui procèdent des articles 45 alinéa 3, 54 ; 55 -2°, 4° sauf en cas de faute grave ou de crime ou délit commis par le haut fonctionnaire, 5°, 6°, 7°, 8°; 56; 57 alinéa premier; 58; 59 alinéa 2; 60; 61; 103; 104; 107; 137; 162; 163. Il est habilité à exercer toutes les autres attributions confiées au Président de la République par la Constitution.
Article 3.- La présence du Président de la République sortant et démissionnaire lors de la passation de pouvoirs avec le nouveau Président de la République élu a un caractère strictement symbolique dans le cadre d’un esprit républicain.
(...)
Pour être franc, toute cette littérature constitutionnelle, c'est bien du charabia pour vous, mes pauvres lecteurs. Pour résumer, les pouvoirs du Chef d’État ad interim sont restreints. Seulement, lorsqu'ils sont transmis à un exécutant, un second couteau comme Rivo Rakotovao, Il faudra s'attendre à une « élasticité inattendue" et agréée par la HCC dans la pratique. là va se situer le drame avant, pendant et après cette élection présidentielle 2018. La vigilance est donc de rigueur pour tous les lanceurs d'alerte incluant les journalistes professionnels et patriotes. Car les journalistes mercenaires et anti-patriotes, cela existe bel et bien de nos jours... Pour l'heure, je vais vous raconter une histoire vraie, authentique.
Rivo Rakotovao et Hery Rajaonarimampianina: Jusqu'où va leur complicité?
Hormis le fait qu’ils sont tous les deux du même club rotarien à Antananarivo, ce sont les gros sous facilement gagnés qui unissent l’ex- président de la IVème république de Madagascar et le président du Sénat qu’il avait parachuté dans le pur style anticonstitutionnel signé Hvm depuis janvier 2014. Retour sur un enrichissement honteux au détriment de tout un peuple qu’ils prennent pour un ramassis d’imbéciles finis.
Il était une fois… Rivo Rakotovao. Oui, çà peut commencer ainsi. Ce personnage possédant un CV long comme un jour sans pain, utilisera d’abord son savoir (façon de parler) et sa connaissance (de personnalités surtout) pour sa « confortabilité financière » personnelle, parallèlement à une honorabilité de façade dans un club de service de renom mondial qui montre une roue qui tourne, comme la vie. Et, effectivement, elle a tourné pour ce fils de Manjakandriana, localité à une quarantaine de kilomètres de la Capitale malgache, où il est né. Mais c’est à Mahajanga que le petit Rivo a effectué ses études primaires et secondaires avant de rejoindre Antananarivo pour achever des études universitaires locales. Il y côtoiera qui vous savez… Puis, une année en France lui aura suffi pour se targué d’être expert en suivi, stratégie et gestion d’entreprise. Lire (et relire) son Curriculum Vitae, ci-dessous.
Ainsi, il entre dans la vie active dès l’année 1986, à 26 ans donc, dans le milieu des produits agricoles dont le riz produit de première nécessité et aliment de base de Malagasy. Il y fera même son beurre mais pas de manière… conventionnelle du tout. Ce, à partir de la société industrielle et agricole du Lac Alaotra (Silac). Au départ, il s’agissait d’une société d’exploitation rizicole fondée par la famille d’Alphonse Ralison, ancien ambassadeur de Madagascar en Allemagne, entre autres postes à responsabilité. Pour la compréhension de l’histoire, il importe de rappeler le parcours… rizicole de Rivo Rakotovao.
De juin 1986 à juillet 1993, il a été cadre dirigeant au sein de la Société d’intérêt national des produits agricoles (Sinpa) ; de 1993 jusqu’en 2014, il l’a été au sein de cette Société industrielle et agricole du Lac Alaotra ou Silac donc. Une fois membre du gouvernement, devinez qui l’a remplacé à ce poste ? Eh ben, un neveu d’Alphonse Ralison, le dénommé Alain Hervé Rasolofondraibe qui sera nommé, par la suite, gouverneur de la Banque centrale de Madagascar, par le président Hery Rajaonarimampianina. Quels sont les liens de tous ces personnages ? Avant sa nomination en tant qu’ambassadeur en Allemagne, Alphonse Ralison a été ministre du Commerce et de la Consommation (2002-2003). C’est à ce moment qu’il a placé Rivo Rakotovao pour être un administrateur de la Société d’exploitation du port de Toamasina (Sept). Un quatrième personnage s’ajoute à cet authentique triumvirat : Harison Edmond Randriarimanana, actuellement ministre de l’Agriculture, de l’Élevage dans l’actuel gouvernement Ntsay Christian. Notons qu’il a remplacé Rivo Rakotovao lorsque ce dernier a, subitement, été parachuté au Sénat. De 2004 à 2006, cet Harison Edmond était aussi ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche. Et il avait enrôlé, devinez qui, dans son cabinet ? Ben Rivo Rakotovao. Oui.
Rivo Rakotovao, Président du Sénat, sonnant le... glas pour son prédécesseur (à gauche à moitié caché)
Ainsi, depuis son entrée sur le marché du travail, l’ex-Président du Sénat de Madagascar a surtout gravi des échelons de la vie en société grâce à des amitiés non exemptes de retour(s) d’ascenseur. Pour abréger les relations des uns et des autres, Rivo Rakotovao, copain rotarien, a été conseiller technique de Hery Rajaonarimampianina lorsque celui-ci a été l’inamovible ministre des Finances et du Budget de la période de transition 2009-2014. Quant à l’actuel Gouverneur de la Banque centrale, Alain Hervé Rasolofondraibe, en plus du fait qu’il est donc un grand copain du sujet de ce dossier, il a été un étudiant du professeur Hery Martial au département d’économie de l’université d’Ankatso. Entre eux donc, c’est comme les mousquetaires : un pour tous et tous pour un… Mais la réalité est toute autre. Un de ces quatre matins, charge au Bianco et au Samifin -et bientôt la Haute cour de Justice ?- de se pencher sur ces gaillards-là car il semble bien que leur devise est plutôt : un pour tous, tous pourris !
Dans le cadre de l’opération « Vary Mora » durant la période de transition, personne, jusqu’à présent, ne sait ce qu’il est advenu de la somme exacte de 49 629 947 124,83 Ariary, soit 250 milliards d’anciens francs malgaches arrondis. De qui s’agit-il diriez-vous ? Bonne question. Cette somme a été le résultat de cette opération d’importation de riz qui avait été confié à la Silac qui paraissait être très sérieuse et très professionnelle, dans la filière rizicole. L’objectif de l’opération « Vary mora » était d’importer du riz puis de le vendre à un prix subventionné par l’État. Ce fut un flop car selon un rapport de l’IGE (Inspection général de l’État) par la suite : « dans cette affaire, il a été relevé une perte de près de 50 milliards d’ariary pour l’État car les remboursements n'ont pu être effectués. Il y a une forte présomption de concussion de hautes personnalités concernant cette somme, l’existence de favoritisme certain, impliquant Monsieur Rakotovao Rivo, alors dirigeant de la Silac ». Étrangement, les agents vérificateurs ont qualifié cette énorme somme non remboursée par la Silac, de « somme disparue ». Quel est le montant exact de cette somme déjà astronomique, même en ariary ?
Les enquêteurs ont pu découvrir que l’opération « Vary mora » avait fait des virements de plus de 31 millions de dollars aux deux fournisseurs : Le groupe multinational de négoce français Louis-Dreyfus et l'entreprise indienne Universal Trading Company. La contrepartie en monnaie locale de ces transferts en devises ont été portés au débit du compte de la Silac, soit un peu plus de 65 milliards d’ariary alors que les remboursements effectués par la société ne totalisent qu'un peu plus de 16 milliards d’ariary. De deux choses l’une : soit la Silac ne veut pas rembourser du tout; soit elle a effectivement remboursé quelque chose et donc la majorité n'a pas été comptabilisée. Pour ceux qui connaissent bien les arcanes de ce genre de transactions, ils disent que le problème (mais en est-ce vraiment un ?) réside dans le fait qu’il n'y a eu aucune convention entre la Silac et le Trésor public. Or, il s'agissait bien de deniers publics, non? Pourquoi remettre cette affaire sur le tapis, actuellement? Bonne question également. Vous êtes très perspicaces, amis lecteurs.
Qu'on le veuille ou non, le régime Hvm touche à sa fin. Comme nous vivons au siècle de l'information en temps réel et des NTIC, le peuple malgache en a assez de l'impunité totale passée, en matière de détournements de deniers publics. Une fois qu'ils ne seront plus à leur haut poste d'irresponsabilité, les auteurs de ce genre de crime ne doivent pas s'en sortir indemnes. Non, çà suffit! Certes, pour l'heure, ils profitent encore des copines et copains haut placés mais ils devront rendre des comptes, un jour ou l'autre et ils doivent savoir que le temps n’effacera jamais les crimes commis. Rivo Rakotovao ne sera jamais celui qui fait croire qu’il est. Il n'a été, n'est et ne sera jamais qu'un vulgaire second couteau opportuniste grâce à l'incompétence devenue légendaire d'un président de la république par substitution qui n'a jamais eu l'étoffe d'un homme d’État.
Février 2015 devant le Trésor Public sis à Antaninarenina Antananarivo : "Nous ne reculerons pas dans nos efforts d'assainissement de la gestion de l'argent des contribuables"
Pour rappel, en février 2015, survolant le ministre de tutelle légal, Rivo Rakotovao, ministre d’État, « s’est imposé » à Orlando Robimanana, alors Directeur général du Trésor public pour que celui-ci débloque la somme de 40 milliards d’ariary. Ni plus ni moins. Pourquoi ? Parce qu’il a promis que son département allait s’occuper de la réhabilitation des rues d’Antananarivo, avec un budget à hauteur de 11 milliards d’ariary. Or donc, le monde entier sait, désormais, comment il allait se procurer ce budget mais en se montrant très gourmand, 40 milliards étant le quadruple de 11 milliards moins 4. Quel a été son argument ? Une simple communication lors du conseil de gouvernement du 24 février 2015, ci-après raccourci au sujet de ce qui nous intéresse ici :
Personne ne connaît la suite de cette intention de détournement de fonds déguisé mais Orlando Robimanana a été limogé malgré ses états de service reconnus par les institutions de Bretton Woods. Son ego finira par perdre définitivement Rivo Rakotovao qui, j’allais l’oublier, est, depuis mai 2014, le président national du parti présidentiel Hvm (Hery vaovaon’i Madagasikara) qu’il a prétendu être « le plus puissant de Madagascar ». Ah bon ? Signalons au passage qu'Orlando Robimanana est candidat à la présidentielle du 7 novembre 2018... Il va y avoir du sport, je vous le garantis. Mais surtout entre pro-Hvm d'avant avril 2018.
Riana Andriamandavy VII. Le caméléon politique malgache par excellence, actuel ministre de la Communication
Enfin, à présent que l'ex-président en fin de mandat à bien démissionné en vue de se présenter à nouveau candidat à l'élection présidentielle du 7 novembre 2018, l’opinion publique a pleinement le droit d’en connaître un peu plus sur celui qui, d’après la constitution de la IVème république de Madagascar, est devenu chef d’État par intérim. En juillet 2014, Rivo Rakotovao, pour cause d’ego surdimensionné, avait fait emprisonner deux journalistes. Il était super ministre d’État -le seul- à l’époque. Va-t-il rééditer l’exploit en tant que « Filoha vonjimaika » (Président intérimaire) avec l’aide de son compère l’actuel ministre de la communication, Riana Andriamandavy VII qui n’attend que çà ? De toute façon, il n'a rien attendu du tout, en regard de cette foultitude de chaines audiovisuelles qui inondent l'étendue du territoire, à la gloire ce celui qui n'est plus président de la république et qui, dès lors, n'a plus aucun pouvoir direct.
En tout cas, qui vivra verra, mais ils ont tort de sous-estimer l'information en temps réel sur Internet et les réseaux sociaux. Cela, malgré le ton et la couleur donnés à la suite de la tragédie mortelle qui est survenue au stade de Mahamasina, avant le match de football entre Madagascar et le Sénégal. En effet, le service de communication de la présidence a bel et bien présenté Rivo Rakotovao comme « Président de la République » tout court, puis « Président de la République a.i. », dans l’invitation pour la passation purement symbolique de ce 12 septembre 2018.
L'heure de l'usurpation de titre a bel et bien sonné alors! Le terme exact, comme indiqué dans le titre de ce dossier, étant Chef d’État intérimaire car Hery Rajaonarimampianina, Président démissionnaire ne peut en aucun cas transmettre des pouvoirs dont il ne dispose plus à, Rivo Rakotovao, Président intérimaire selon l’article 46 de la Constitution, chargé uniquement, donc, d’ exercer les attributions présidentielles courantes.
Jeannot Ramambazafy – Dossier également publié dans « La Gazette de la Grande île » du mercredi 12 septembre 2018