Les candidats Jean-Louis Robinson (n° 33) et Hery Rajaonarimampianina (n° 03). Cette photo a été prise à la CENI-T à Alarobia, le 8 novembre 2013. Devant des vazaha évidemment. Les gros mots, c’est réservé au peuple malgache
Cet article, je l’ai rédigé le 15 novembre 2013, c’est-à -dire une semaine avant la proclamation officielle des résultats du premier tour de l’élection présidentielle de cette année (22 novembre 2013 au siège de la Cour électorale spéciale – CES- à Ambohidahy). A ce moment le nom de deux finalistes n’était encore qu’officieux. Mais c’est dans un contexte autre et un angle sortant totalement des sentiers battus que j’ai rédigé le présent texte dont l’argumentation reste toujours valable pour le prochain président de la république de Madagascar élu cette année 2018.
Lorsque des politiciens malgaches se rencontrent, entre eux, cela se termine fréquemment par des insultes copieuses. Rappelons-nous le comportement de Jean Louis Robinson sur le plateau de Tv Plus, à la veille du premier tour de l’élection présidentielle de 2013: « De vous quatre (Camille Vital, Hery Rajaonarimampianina, Roland Ratsiraka et Hery Rajaonarimampianina) aucun n’est favori. Quant à vous (à l’adresse de Hery Rajaonarimampianina), vous ne savez rien du tout (« tsy mahay n’inona n’inona »). Cela démontre, non pas un charisme hautain mais un grand complexe de supériorité.
Mais lorsque ce sont les vazaha (étrangers en général) qui « invitent », les mêmes politiciens malgaches deviennent totalement « civilisés ». Ici, nous avons affaire à un incommensurable complexe d’infériorité doublé d’un mépris pour le peuple malgache, celui qui va aller aux urnes et qui décidera de l’avenir des deux candidats au second tour.
En effet, l’introuvable « communauté internationale » (dixit le politologue français Michel Galy) se fout complètement que les Malgaches s’entretuent, s’appauvrissent. C’est leurs affaires, des affaires « internes ». Mais lorsque l’accalmie se pointe à l’horizon, alors là c’est son affaire (celle de la fameuse communauté internationale). Des affaires de rentabilité et de bénéfices. Car le monde des affaires est un monde de requins où la philanthropie n’a guère de place. Cessons de rêver.
La proclamation officielle des résultats du premier tour n’avait pas encore été effectuée mais voilà que les Chambres de commerce et de l’industrie de pays étrangers ont organisé une « conférence-débat », le 14 novembre 2013, à l’hôtel Carlton Anosy. Ce, en présence d’opérateurs « économiques » malgaches, européens en général, sud-africains et américains. Vive le capitalisme et tant pis pour les « homeless » ! A croire que ce sont ces opérateurs, totalement invisibles jusque-là , qui iront voter au second tour pour déterminer qui sera premier président de la IVème république de Madagascar, ma parole. La grande question (en fait il y en avait onze pour les deux candidats finalistes) qui résume cette rencontre est : qu’allez-vous faire si vous êtes élu président ? Ma question : Pourquoi rendre des comptes, en premier, à des vazaha, en public et en langue française ?
Dans le volet « promesses et intentions », et grosso modo, si Jean Louis Robinson, le candidat « favori » franco-malgache, a annoncé le retour du Map (Madagascar action plan) de l’anglophile Marc Ravalomanana, Hery Rajaonarimampianina, le candidat « d’ouverture » Malagasy, lui, table, sur la libéralisation totale du secteur privé en matière d’investissements. Tout cela vaut ce que ça vaut, mais il y a loin de la parole aux actions. Car c’est lorsque l’on se trouve dedans (dans le pouvoir) que l’on se rend compte que c’est plus difficile à réaliser qu’à dire. Il est donc bon de faire copain-copain avec ceux qui détiennent le nerf de la guerre. N’est-ce pas ? Et tout cela sera couvert par le doux euphémisme de « partenariat » qui a supplanté le terme « coopération ». Mot qui a remplacé le mot « colonisation ». Quoi qu'ils aient dit, ils ont déjà été jugés et pesés, à travers cette démarche pas anodine ni fortuite du tout. Et nécessairement urgente pour ceux qui sont déjà riches.
A ce rythme, même dans une dixième république, Madagascar ne sera jamais « indépendant ». Je ne dis pas qu’il faut cesser toute relation internationale mais je dis qu’étant dans notre propre pays, c’est aux dirigeants futurs de dicter les conditions d’abord. Ce qui va se passer, dans ce genre de démarche ? Les « opérateurs » séduits vont mettre des sous sur la table. Et le remboursement de cette dette -aussi bien morale que financière- et ses intérêts amènera la dépendance économique du pays tout entier. Complexé à mort devant un vazaha, le politicien malgache ne saura donc jamais dire non ? Et tout le monde, ici, trouve cela normal, sans aucune anticipation, sans aucune projection sur le grand revers de ce genre « d’invitation ». Vraiment, qu’est-ce qu’on n’est pas con dans le microscome politico-économique de la Grande île.
Et le peuple dans tout ça ? Vaincu d’avance, il n’aura toujours que les dirigeants qu’il ne mérite même pas. Et, paradoxalement, les deux mots « con » et « vaincu » forment le mot convaincu. Mais entre ces complexes de supériorité et d’infériorité, cela ne me… convainque pas du tout, étant donné tous les précédents historiques que j’ai vécu depuis Philibert Tsiranana, premier président de la première république de Madagascar à Hery Rajaonarimampianina, premier président de la quatrième république de Madagascar.
Attention, je n’ai jamais été réfractaire aux relations internationales, mais c’est ce genre de comportement vis-à -vis des vazaha, qui n’a pas fait avancer mon pays d’un pouce. Et je parle, ici, des politiciens malgaches. Le miracle aura-t-il lieu à l’issue du verdict du suffrage universel à venir ? Croisons les doigts de pieds dans l’eau car c’est encore le temps des grandes vacances pour la majorité des écoliers des établissements scolaires publiques de la Grande île.
Jeannot Ramambazafy - Article également publié dans « La Gazette de la Grande île » du mercredi 10 octobre 2018