André Beaumont
Le texte qui suit -assez critique mais très pertinent car reflétant les réalités vraies malgaches- est l’Editorial d’une Newsletter intitulée « Lettre pays Madagascar », publiée en tandem par la CCIFM et UBIFRANCE. Il s’agit du numéro 20 d’octobre 2014,
« Pour l’instant les bailleurs de fonds de Madagascar n’ont toujours pas desserré les cordons de la bourse. Certains prétendent que c’est en raison de l’inertie gouvernementale, laquelle l’empêche de présenter un projet cohérent, ou quelque chose qui y ressemble.
Ce n’est pourtant pas par manque d’expérience. Depuis quarante ans que Madagascar tend la main, entre les «Madagascar Action Plan», les «programmes de développement», les «programmes d’ajustements structurels» et autres dénominations pittoresques, les fonctionnaires malgaches sont sans aucun doute rompus à cette tâche. Le défaut ne vient donc pas de là, c’est certain. Il s’agirait alors dit‐on, d’un manque de vision générale des dirigeants en matière de besoins du pays ou, plus grave encore, de signes d’une mauvaise volonté, totalement à rebours des discours officiels.
Ce manque d’empressement pourrait ainsi cacher leur peu d’appétence aux contraintes des financements habituels et préparerait alors l’opinion au caractère «inéluctable» du recours aux financements parallèles de sinistre mémoire. Cela mettrait encore une fois Madagascar sur la touche.
Devant l’urgence signalée, les mêmes bailleurs de fonds ont décidé, nonobstant cette somnolence coupable, et sans plus de justifications, d’accorder au pays des aides budgétaires conséquentes puisqu’elles atteignent 235 millions d’euros (FMI 47 millions de dollars, UE 78 millions d’euros, Banque Mondiale 45 millions de dollars, Banque Africaine de Développement 37 millions de dollars, Japon 16 millions de dollars, France 40 millions d’euros). Puisqu’elles sont budgétaires, ces aides sont destinées à faire tourner l’administration malgache et par ailleurs, elles sont décaissables en plusieurs fois. Si le grand sommeil persiste, le risque sera grand dit‐on de voir s’évaporer les secondes tranches. Le « gap » budgétaire apparaîtra alors sous son jour le plus cruel, c’est‐à‐dire les impayés et d’abord les impayés aux entreprises du secteur privé.
12 janvier 2012, Résidence de France, Ivandry. André Beaumont a été élevé au rang de Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur de la France
« Mais d’ailleurs est‐ce bien raisonnable d’équilibrer ainsi le budget d’un pays qui, l’air de rien, ne bouge pas le petit doigt ? Pourquoi ne pas plutôt faire rendre gorge aux pillards qui plastronnent, assurés qu’ils sont de leur impunité ? Cela ne comblerait pas le trou, mais ce serait un geste fort.
Évidemment, puisqu’il faut faire «rentrer l’argent», les entreprises du secteur privé - toujours les mêmes, celles qui sont considérées comme honnêtes à priori ou en tout cas celles qui paient leurs impôts ‐ continuent de subir ce racket fiscal dénoncé mille fois devant les autorités ; lesquelles feignent alors de s’étonner et prennent le prétexte du FMI. Quand le FMI dit d’élargir la base fiscale, on fait semblant de comprendre «allez‐y sur le secteur formel». La paresse des agents du fisc peut‐être ou plus sûrement leur crainte bien compréhensible de la réaction des «entrepreneurs protégés» font que ça ne change pas et que ça ne peut pas changer.
Donc, on voit bien que transition ou pas, rien ne change. La misère remplace l’extrême pauvreté et Madagascar sombre.
Hélas, ce ne sont pas quelques millions de dollars en plus ou en moins qui suffiront à redresser le pays. Il faut beaucoup plus que de l’argent. Il faut de la volonté et d’abord la volonté des dirigeants. On n’en est pas là ».
André Beaumont
Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie France Madagascar Représentant d’UBIFRANCE