Allocution de M. Christian Ntsay, Directeur du Bureau de Pays de l’OIT
à l’occasion du Lancement officiel du Rapport de l’Enquête sur la Transition des jeunes vers la Vie Active (ETVA) et du Bulletin d’Études de l’ONEF
Hôtel Carlton, Antananarivo, 24 avril 2017
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Madame le Ministre de l’Emploi, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle,
Chers Invités,
Mesdames et Messieurs,
Le BIT se réjouit de cette double cérémonie ayant comme point commun la priorisation de l’Emploi et de la Jeunesse à travers le lancement officiel du Rapport de l’Enquête sur la Transition des jeunes vers la Vie Active (ETVA) et du Bulletin d’Etudes de l'ONEF sur la situation des jeunes sur le marché du travail qui sont, par évidence, des outils d’information et d’aide à la décision.
D’ores et déjà , je tiens à vous remercier, vous tous, pour votre présence qui témoigne de l’intérêt que vous portez à l’égard de l’emploi des jeunes à Madagascar. Je voudrais aussi exprimer ma gratitude à tous ceux et celles qui ont contribué à l’organisation de cet évènement, surtout au Ministère de l'Emploi, à l’INSTAT et à l’ONEF, qui ont permis la réalisation et la disponibilité de ces résultats d’enquêtes et d’études. En effet, ces rapports permettent de construire une base de connaissances sur l’emploi des jeunes dans le cadre de l’appui au pays dans la conception et la mise en œuvre de réponses intégrées aux politiques de l’emploi des jeunes. Le BIT a ainsi l’immense plaisir de constater l’appropriation par le gouvernement et les institutions nationales de tels processus et de tels outils.
L’ETVA a impliqué la collaboration avec le gouvernement et l'INSTAT dans le cadre du partenariat entre l’OIT et la Fondation MasterCard à travers le projet «Work4Youth» touchant 34 pays à revenus faibles ou à revenus intermédiaires pour appuyer le développement des politiques et des actions efficaces dans les domaines de l’emploi et de la jeunesse. Pour Madagascar, nous sommes à la deuxième édition de l'enquête après celle de 2013. De ce fait, j’aimerais également adresser mes vifs remerciements à la Fondation Mastercard et à mes Collègues du BIT à Genève et ici à Antananarivo pour cette collaboration efficace et fructueuse.
Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Les défis relatifs à l’emploi des jeunes sont énormes. Selon le rapport de l'OIT « Emploi et questions sociales dans le monde 2016 : Tendances pour les jeunes », le chômage des jeunes repart à la hausse en 2016 après plusieurs années d’amélioration pour un taux de 13%. A part le chômage, la qualité de l’emploi, notamment dans les pays en développement, demeure un problème majeur pour les jeunes. En fait, 38% des jeunes qui travaillent vivent dans des conditions de pauvreté extrême aussi bien dans les pays émergents que dans les pays en développement avec moins de 1,90 US Dollars par jour. Outre de faibles salaires, les jeunes occupent souvent, faute de mieux, des emplois informels, des emplois à temps partiel ou des emplois temporaires.
Le monde est donc confronté à une aggravation de la crise de l'emploi des jeunes et il est reconnu que le chômage et le sous-emploi persistants des jeunes comportent des coûts sociaux et économiques très élevés et menaçant de plus en plus l'équilibre déjà très fragile des tissus sociaux dans les pays.
Madagascar n’échappe pas à ces tendances et l’ETVA effectuée auprès des jeunes âgés entre 15 et 29 ans a permis entre autres de dégager les principaux constats suivants :
- Plus de 7 jeunes sur dix vivent en milieu rural
- Plus de 6 jeunes sur 10 vivent dans des ménages à situation financière difficile voire très difficile
- Seul 1.7% des jeunes arrive au niveau de l'enseignement supérieur
- 69% des jeunes sont des travailleurs non réguliers
- 55% des jeunes sont des travailleurs familiaux et cela touche surtout les filles
- Seuls 2,5% des jeunes sont des employeurs
- Seuls 3,5% des jeunes adhèrent au syndicalisme
- 4 ans en moyenne de transition vers un emploi stable et plus facile vers un emploi indépendant. Seuls 15% des jeunes ont transité vers cet emploi stable.
Ces résultats démontrent encore, une fois de plus, la pauvreté et la précarité des jeunes malgaches en matière d’emploi. Cette pauvreté, notamment rurale, toujours citée comme la principale barrière à l’éducation et aux formations des jeunes, handicape leur transition vers la vie active.
Compte tenu de cette situation, le rapport ETVA recommande plusieurs pistes de mesures comme suit:·
- Le renforcement de l’accès à l’emploi par une éducation et une formation adéquates aux besoins du marché de travail avec un accent particulier sur les formations techniques et professionnelles dans les secteurs porteurs de l’économie malgache.
- L'amélioration de l’accès au marché du travail et aux informations sur le marché du travail en capitalisant les acquis du modèle du Système d’Information pour l’Emploi développé au niveau des Services Régionaux de l’Emploi.·
- L'augmentation de la demande du marché du travail en développant des politiques économiques et des programmes ciblés favorisant la création d’emplois décents avec une considération particulière de l’économie rurale qui renferme une niche d’emplois pour les jeunes. Dans la situation actuelle de faiblesse du tissu économique du pays, la transition directe est plus facile vers un emploi indépendant et cela devrait inciter les jeunes à s’y orienter et les acteurs du monde du travail à développer des politiques et stratégies efficaces dans ce domaine.·
- La promotion de l’inclusion et de l’égalité des chances à travers des appuis spécifiques apportés aux jeunes qui sont souvent marginalisés et considérés comme un groupe vulnérable.·
- Le renforcement des mécanismes de soutien à la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle par l’application de la Recommandation n°204 de l’OIT et la réplication des meilleures pratiques dans ce domaine.
Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Les défis sont immenses mais méritent d'être relevés. Améliorer la situation des jeunes n'est pas une option mais une obligation pour Madagascar, au moment où des incertitudes planent aujourd'hui sur des contextes mondiaux avec des implications sur des situations nationales.
L'Agenda 2030 de développement durable, notamment pour l'ODD 8, offre une perspective unique d’intégrer des politiques pro-jeunes dans les stratégies globales de mobilisation partenariale.
Dans la même veine pour Madagascar, les différents cadres d’intervention adoptés par le pays, notamment le Programme Pays pour le travail décent, peuvent contribuer à développer et renforcer les programmes en faveur de l’emploi des jeunes, à remédier aux déficits de travail décent pour les jeunes, à lutter contre la pauvreté et l’inégalité et à donner aux jeunes les moyens de bâtir un avenir plus équitable et plus prospère. Le rapport ETVA et les bulletins d'études périodiques de l'ONEF vont servir ainsi d'outils stratégiques pour un meilleur cadrage des interventions dans le domaine de l'emploi des jeunes pour Madagascar.
Comme vous le savez, depuis des années, le BIT n’a cessé de déployer des efforts pour apporter des appuis pour Madagascar en terme de la promotion de l'emploi décent, que ce soit en terme de conseils politiques et stratégiques, d’enquêtes et d’études comme celles que nous lançons ici aujourd'hui, en terme d'appuis institutionnels comme la mise en place des Systèmes Régionaux d’Information pour l’Emploi auprès des Services Régionaux de l’Emploi et le développement du Système d’Information sur le Marché du Travail (SIMT) au niveau de l’ONEF. Beaucoup de programmes d’actions directes ont été également mis en œuvre pour accompagner les politiques gouvernementales, pour ne citer que le renforcement de l'employabilité de plus de 50 000 jeunes à travers les formations multidimensionnelles, la facilitation de l’accès de plus de 30 000 jeunes à l’emploi par l'emploi salarié, l’emploi indépendant et l'auto-emploi par l’entrepreneuriat, la tenue des différentes conférences et des salons de l’emploi et de la jeunesse dans plusieurs régions de Madagascar et j’en passe.
Madagascar fixe résolument l'emploi des jeunes parmi les priorités nationales. Des résultats concrets sont là et tangibles mais demeurent encore insuffisants. Puisque force est de constater que le désespoir envahit la population jeune, compte tenu des difficultés d'insertion sur le marché du travail, comme le montre ce rapport ETVA. Ce constat m’amène aujourd'hui à lancer de nouveau un appel fort à l’endroit du gouvernement pour que toutes les mesures énoncées ci-dessus soient réellement prises et mises en œuvre en faveur des jeunes de ce pays qui regorgent de dynamisme et de talents immenses. Ces jeunes doivent constituer une importante force de progrès économique, social et environnemental pour Madagascar afin de garantir une croissance forte, inclusive et riche en emplois.
Madame le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
Avant de terminer, je voudrais féliciter votre Ministère pour la sortie de ce premier Bulletin d’Etudes de l'ONEF. Le BIT reste toujours disposé à vous accompagner ainsi que tous les acteurs du monde du travail dans cet objectif de promotion de l’emploi des jeunes. Le BIT espère qu'ensemble, des solutions adaptées et innovantes soient développées davantage pour faire face à la crise de l'emploi des jeunes qui a trop duré pour Madagascar.
Je vous remercie.​