Balaclava, île Maurice, Hôtel « The Westin Turtle Bay Resort & Spa », le 13 mars 2019
Lors de sa visite d’État entrant dans le cadre du 51è anniversaire de l’Indépendance de l’île Maurice, le président de Madagascar, Andry Rajoelina a procédé à l’ouverture du Forum des Affaires, organisé par l’EDBM (« Economic Development Board »). Voici la transcription intégrale de son discours à cette occasion.
« Excellences, Messieurs les ministres des Affaires étrangères,
Mesdames et Messieurs les Présidents des groupements patronaux
Mesdames et Messieurs les Présidents des EDBM,
Mesdames et Messieurs les Capitaines d’industrie mauriciens et malagasy,
Honorable assistance.
C’est avec joie, une joie et une fierté de faire l’ouverture de ce Forum des Affaires malgacho-mauricien, aujourd’hui. L’organisation de cette rencontre entre les opérateurs économiques de nos deux pays, traduit notre volonté commune de raffermir nos relations d’amitié et de partenariat, en apportant une nouvelle dynamique à notre coopération de longue date. Cet évènement constitue un excellent moyen de réunir tous les acteurs économiques pour avancer avec conscience et détermination, vers la prospérité constante de nos deux pays. L’alternance démocratique démontrée par ces dernières élections présidentielles, est un signal fort de stabilité politique de Madagascar.
Nous commençons actuellement un long chapitre de notre histoire, une page que nous souhaitons écrire avec l’île Maurice comme amie, alliée et partenaire essentielle à notre avancée. Cette coopération internationale sous le signe de l’équité, de l’efficacité, du respect mutuel, sera l’un des piliers de notre redressement. Nos échanges seront fréquents et mèneront vers l’aboutissement de projets structurants, faisant la part belle au partage de nos savoir-faire, de nos ressources et de nos expériences.
Excellences Mesdames et Messieurs,
Ainsi vous l’aurez compris : nous sommes réunis, aujourd’hui, pour donner une nouvelle approche, nouvelle approche de travail entre Maurice et Madagascar. A ce titre, je tiens à remercier chaleureusement les deux EDBM ainsi que tous les participants à ce Forum des Affaires.
Je remercie également les nombreuses entreprises mauriciennes et malagasy qui nous accompagnent aujourd’hui pour représenter la fierté de notre tissu entrepreneurial. Comme vous le savez, nous avons pris l’engagement solennel de rattraper le retard de développement accumulé de Madagascar après 58 années du retour de l’Indépendance et ce, grâce à un Leadership fort et une vision qui se transformera en actions.
Cette vision est actuellement matérialisée par la Politique générale de l’Etat qui nous donne les orientations stratégiques permettant d’atteindre les objectifs de l’émergence de Madagascar. J’ai clairement exprimé les « Velirano » qui signifie engagements en malagasy, traduisant les axes prioritaires et les résultats attendus par la population, à mettre en application dans un meilleur délai. Il s’agit, entre autres, des priorités suivantes :
La Sécurité.
La sécurité, à la fois des biens et des personnes et des investissements. Nous le savons, c’est une condition essentielle à la venue des investisseurs. Ainsi, nous allons mettre en place des mesures de protection du capital Investi. Des mesures fortes seront également engagées au niveau de la sécurité quotidienne et de proximité. Nous allons sécuriser nos routes, nos villes, les habitants, mais également la sécurité en ce qui concerne les investissements.
L’Énergie et l’Eau pour tous.
L’état actuel des réseaux électriques malagasy, représente un chantier colossal. Il est donc condamnable et inconcevable, aujourd’hui, que l’énergie produite à Madagascar soit la plus chère en Afrique. Elle varie entre 20, 30 et parfois même 40 centimes de dollar le kilowatt/heure. Notre objectif est de doubler la production énergétique et de réduire de moitié de moitié de tarif de l’énergie en 5 ans. Je vais juste prendre un exemple. Aujourd’hui, à Madagascar, nous n’avons que 400 Mégawatts de production d’électricité pour 25 millions d’habitants. Ce qui est très peu. Et je prends juste l’exemple de la Côte d’Ivoire qui a aussi 25 millions d’habitants, mais la Côte d’Ivoire a plus de 2000 Mégawatts de production d’électricité.
Aujourd’hui, avec les contrats que j’ai déjà accepté et signé, nous allons démarrer plus de 300 Mégawatts en hydraulique cette année. Cela veut dire que notre objectif est de doubler, voire même tripler la cap acité de production d’énergie à Madagascar, qui sera largement atteinte dans les 5 prochaines années. Ceci est donc un enjeu prioritaire car Madagascar ne peut opérer sans énergie, et il est primordial de sortir les Malagasy de l’obscurité. Cependant nous voulons un développement rapide, certes, mais surtout durable.
Ainsi, j’appelle toutes les personnes qui opèrent dans le secteur de l’économie verte à venir investir et s’épanouir à Madagascar, dans le domaine de l’éolien, solaire, l’hydraulique et l’éthanol. Des produits des secteurs d’avenir pour un pays d’avenir.
La Corruption.
Nous allons également lutter contre la corruption de manière intransigeante, afin de garantir la paix sociale et restaurer la confiance dans les institutions publiques. Les administrations ainsi que les démarches seront clarifiées et assainies pour favoriser la transparence des interactions et des transactions.
L’Éducation et la Formation professionnelle assureront l’employabilité de tous car le développement du Capital humain est le pilier de l’émergence. L’ambition de développer le développement de Madagascar demande de la main-d’œuvre qualifiée. Il est annoté que 60% population malagasy a moins de 25 ans. De jeunes Malagasy motivés, avec l’envie de travailler, d’apprendre mais surtout de réussir. Nos hommes, nos femmes et notre jeunesse sont nos plus grands atouts. Ils ont besoin de soutien et de stimulation. C’est pour cela que nous allons implanter de nombreux centres de formation professionnelle dans les 22 régions de Madagascar.
L’Accès à la Santé sera facilité grâce au déploiement d’équipe mobiles dans les 119 districts ainsi que l’amélioration des centres de santé de base. Nous avons donc d’investissements pour équiper nos hôpitaux aux normes internationales. L’importation des médicaments de Madagascar est aujourd’hui de 150 millions de dollars par an. Étant donné que notre objectif est de tout produire localement, nous encourageons les laboratoires pharmaceutiques à venir s’implanter dans la Grande île. Nous avons non seulement l’espace nécessaire pour la construction d’usines et de laboratoires, mais aussi de nombreuses matières premières à la fois pour l’industrie pharmaceutique chimique mais aussi pour les médecines naturelles. Madagascar est donc une source intarissable d’opportunités.
Nous voulons garantir un poids décent à toutes les populations malagasy. Un nouvel objectif est de produire localement tous les besoins du pays. Pour ce faire, des mesures prises pour faciliter l’implantation des opérateurs industriels à Madagascar seront prises dans les prochaines semaines. Des actions seront déployées pour promouvoir la création de développement de l’industrie comme l’agro-alimentaire, la pharmaceutique, l’industrie automobile et l’assemblage de panneaux solaires pour répondre aux besoins de la population.
En ce qui concerne l’industrie touristique, celle-ci assure un grand nombre de créations d’emplois et de croissance rapide, tout en garantissant de fortes rentrées de devises. Grâce à l’offre de produits touristiques diversifiés, nous pourrons franchir le cap de 800.000 touristes car, actuellement, Madagascar accueille seulement 300.000 touristes contre 1.500.000 à l’île Maurice. Et pourtant, nous avons les moyens de relever ce défi grâce à notre nature 5 étoiles. Madagascar détient en effet 80% des espèces endémiques et 5% de la biodiversité mondiale, sans parler de nos 5.000 kilomètres de côté et aussi nos sublimes plages de sable blanc. Dans le classement mondial des pays détenteurs d’une méga biodiversité, Madagascar est le n°1 du top 10. Nous avons des réserves touristiques propices à l’investissement que nous mettrons à la disposition des opérateurs avec des cahiers de charge précis mentionnant nos besoins spécifiques et les délais d’exécution.
A titre d’information, nous visons la construction de 10 hôtels 5 étoiles en 5 ans pour le démarrage du tourisme de prestige à Madagascar. L’évidence est là  : nous allons miser sur un tourisme de qualité : infrastructures, services et produits touristiques en conformité aux normes internationales. ? Nous vous incitons fortement à venir nous accompagner dans cette aventure passionnante. Nous mettrons en place des mesures incitatives et un cadre règlementaire pour faciliter vos investissements. Pour appuyer cette volonté de développement de notre offre touristique, le Forum, le premier Forum dans l’Initiative pour l’Émergence de Madagascar dédié au Tourisme se tiendra au mois de juin prochain. C’est une grande première à Madagascar. Nous vous invitons à venir y assister et à participer à cet évènement.
Nous atteindrons l’autosuffisance alimentaire grâce à l’extension des surfaces cultivables de 100.000 hectares en 5 ans. Notre premier objectif est de produire 500.000 tonnes de riz avant 2024 et redevenir le Grenier à riz de l’océan Indien. Nous ne nous limiterons pas au secteur rizicole car nos demandes en produits agricoles divers sont existantes et fortes. Nous souhaitons exporter dans la région indo-océanique mais aussi en Afrique, dans un premier temps, pour capitaliser sur notre proximité géographique. C’est la raison pour laquelle nous voulons dynamiser au maximum les investissements pour exporter des produits aux normes internationales. A titre d’exemple, 21% des importations de l’île Maurice sont des produits alimentaires, y compris 50.000 tonnes de maïs acheminés depuis l’Argentine et le Brésil ?
Saviez-vous qu’il n’y a que 884 kilomètres de trajet entre Toamasina et Port Louis ? Alors pourquoi chercher si loin, à l’autre bout du monde, ce que vous pouvez trouver si près de vous ? Nous sommes prêts à fournir à l’île Maurice tout ce dont vous avez besoin. Pour ne citer que les oignons, les grains secs, les pommes de terre et les poulets. Parce que les Mauriciens consomment 28 kilos par individu de poulet chaque année. Contre 2 kilos à Madagascar. Et pourtant nous avons tout pour fournir l’île Maurice. Nous sommes conscients de l’importance de la gestion durable et de la conservation de nos ressources naturelles.
Nous allons normaliser et assainir la filière aurifère de Madagascar. Je tiens juste à vous rappeler que lors de mon discours que j’ai prononcé à l’Union africaine qu’il est inconcevable que le continent africain est le premier exportateur mondial de l’or, or que nous ne possédons même pas de réserve d’or dans nos banques centrales. Donc, il faut changer et inverser l’Histoire. Et c’est pour cette raison que nous envisageons une production de 25 tonnes d’or par an, et souhaitons travailler main dans la main avec des experts en extraction de métaux précieux, afin de moderniser les pratiques dans ce secteur. Juste à titre d’information, on dit que Madagascar exporte 2,5 à 2,8 tonnes d’or chaque année, contre 25 tonnes en Côte d’Ivoire. Nous pourrons faire plus. Des spécialistes ont remarqué que Madagascar pourrait produire même jusqu’à 50 tonnes d’or chaque année. Il est à noter que 25 tonnes d’or c’est l’équivalent de 800 millions jusqu’à un milliard de dollars. Or, aujourd’hui, l’aide de l’Union européenne à Madagascar est aux environs de 100 millions d’euros chaque année. Pour dire qu’avec nos ressources j’espère que Madagascar pourrait aider les pays amis dans quelques années.
Concernant l’habitat.
L’habitat et la modernisation de Madagascar figure parmi les projets prioritaires à promouvoir. La construction et la promotion immobilière sont des moteurs de croissance et de création d’emplois. Nous commençons le chantier de Tanamasoandro, une nouvelle ville à Madagascar, dès cette année même. Car la Capitale de Madagascar a été créée pour 300.000 habitants. Aujourd’hui, nous sommes à 3 millions. Et c’est pour cette raison que nous allons créer une nouvelle ville et d’ores et déjà , cette année même, nous allons commencer la construction de la ligne pour le tramway à Madagascar. C’est un défi mais avec la foi et le courage, rien n’est impossible. Nous allons également construire 40.000 logements. D’autres nouvelles villes seront également construites en région, de nombreuses infrastructures publiques tels que des marchés couverts et des aires d’autoroute sont à l’ordre du jour.
La transformation de Madagascar est en train de s’opérer et de grandes avenues d’opportunités s’ouvrent à tous. A nous d’oser l’aventure malagasy. La réhabilitation des réseaux routiers sera incontournable pour permettre l’acheminement des produits et l’exportation. La construction d’infrastructures telles que les routes, les ports, les aéroports, est prioritaire. De nombreux appels d’offre seront lancés pour le démarrage de ces travaux structurant.
Le Sport, pour renforcer l’esprit combatif et le bien-être sur la Culture, pour porter bien haut la fierté nationale, seront valorisés. Nous avons de grands projets novateurs pour la promotion sportive et culturelle. Nous prévoyons, d’une part, la construction de la première Académie nationale des Sports de haut niveau, pour professionnaliser le sport malagasy et nous avons en chemin la création de la première Maison de la Culture et des Arts malagasy, ainsi que des salles de spectacle.
Dans la mise en œuvre de cette politique, nous avons mis en place la Politique générale de l’Etat. Nous comptons, certes, sur nos propres ressources mais nous aurons également besoin du soutien de nos partenaires aussi bien bilatéraux que multilatéraux. Maurice, dont la proximité n’est plus à démontrer, et le second pays fournisseurs d’investissements à Madagascar, si l’on se réfère au nombre d’entrepreneurs mauriciens installés sur la Grande île.
Mesdames et Messieurs,
Honorable assistance,
Nous le savons, nous le constatons aujourd’hui, les liens entre l’île Maurice et Madagascar sont empreintes d’amitié et se construisent grâce à une volonté partagée de développer nos échanges économiques et nos partenariats qui se distinguent par un dynamisme de croissance sur tous les plans. Je suis convaincu que notre coopération sera porteuse de nouvelles idées pour la transformation de Madagascar et aussi pour l’essor économique et social de l’océan Indien. Ce sera un élan neuf dans les relations entre nos deux pays.
En cette période de renouveau pour Madagascar, pour les îles Mascareignes ainsi que pour le continent africain, il est crucial pour chaque gouvernement de tracer pour ses populations et son économie, le contour d’un avenir meilleur répondant à leurs aspirations légitimes. Dans ce sens, je souhaite renforcer et consolider nos échanges, en vue d’édifier un véritable partenariat stratégique plus fort entre nos deux pays, surtout dans les domaines vitaux de l’économie mauricienne et malagasy.
Chers entrepreneurs mauriciens, vous serez toujours les bienvenus à Madagascar, quel que soit la taille de votre projet. Venez nombreux et prenez place. Construisons ensemble de grandes choses. Joignons nos ambitions et concevons nos efforts pour créer ainsi un cercle productif commun où l’océan Indien s’unit et n’aura plus à se battre pour la postérité et la stabilité économique. Le gouvernement malagasy sera et fera l’honneur et le plaisir de faciliter et d’accompagner les initiatives des projets de développement auxquels Maurice voudra participer.
Ainsi, je formule le vœu que les années à venir soient une période exaltante, riche en succès remarquables et en croissance réelle pour nos deux pays. Désormais, notre coopération est sur les rails, avec à la tête un TGV.
Je déclare ouvert solennellement ce Forum des Affaires en Maurice et Madagascar ».
Andry Rajoelina
Président de la République de Madagascar
Transcription : Jeannot Ramambazafy, envoyé spécial à l’île Maurice