« La violence n’est jamais excusable ». Cette phrase peut résumer le discours du mercredi 28 août 2019, de la Première Dame malagasy, également Présidente de l’Association Fitia, Madame Mialy Rajoelina, née Razakandisa. Un discours qui vient directement du cœur et qui touchera indéniablement tous les cœurs, même les plus endurcis... Cela, dans le cadre d'une conférence ayant eu pour thème: « Zéro violence basée sur le genre pour l’avenir de l’Afrique: ensemble, nous pouvons ».
Conférence organisée dans le cadre de la tenue de la 7ème Conférence internationale pour le développement de l’Afrique (TICAD 7) qui a officiellement débuté ce jour à Yokohama au Japon.
Après cette conférence, les premières Dames d’Afrique se sont mises d’accord et ont fait une déclaration commune relatant leur ferme volonté à lutter contre les violences basées sur le genre ainsi que contre le mariage précoce. Il convient de noter que des Chefs d’États, époux de ces femmes engagées dans cette lutte, ont assisté à cette conférence dans le cadre de la TICAD 7, dont le Président Malagasy, S.E.M. Andry Rajoelina, spécialement venu épauler son épouse. La Première dame du Burkina Faso, également Présidente de l’Organisation des Premières dames d’Afrique pour le Développement, a félicité l’engagement de la Première dame malagasy, Mialy Rajoelina, dans cette lutte commune qu’est la violence basée sur le genre.
La présidente de l’OPDAD a, par ailleurs, souhaité la bienvenue à la Première dame malagasy pour son entrée dans cette sororité, et les autres « First Ladies » d’Afrique lui ont démontré par leur présence qu'elles sont là pour l’épauler dans cette lourde responsabilité. Voici, d'ailleurs, la liste des Premières Dames présentes lors de cette conférence :
- S.E. Mme Adjoavi Sika Kabore, Première Dame du Burkina Faso, Présidente de l’OPDAD
- S.E. Mme Mialy Rajoelina, Première Dame de Madagascar, Présidente de l’Association FITIA, championne de l’UNFPA – Madagascar pour la lutte contre la Violence basée sur le Genre
- S.E. Mme Denise Nyakeru Tshisekedi, Première Dame de la RD Congo
- S.E. Mme Monica Geingos, Première Dame de la République de Namibie
- S.E. Mme Ambari Azali Assoumani, Première Dame de l’Union des Comores
Ont également marqué de leur présence cet évènement de haut-niveau :
- S.E. Mme Akie Abe, Première Dame du Japon
- Dr Natalia Kanem, Secrétaire Général Adjointe des Nations Unies et Directrice Exécutive de l’UNFPA
- S.E. Mme Cessouma Minata Samate, Commissaire aux affaires politiques de l’Union Africaine
- Mme Bience Philomena Gawanas, Conseillère spéciale pour l’Afrique, Bureau du Conseiller spécial pour l’Afrique.
Un dossier réalisé par Jeannot Ramambazafy
Discours de Madame Mialy Rajoelina
Yokohama, le 28 Août 2019
Excellences Messieurs les Chefs d’États et de Gouvernements,
Chères Premières Dames,
Madame la Sous-Secrétaire Générale des Nations Unies, Directrice
Exécutive du Fonds des Nations Unies pour la Population,
Honorables invités,
Mesdames et Messieurs,
Konnichiwa!
L’honneur m’échoit de m’adresser à vous, au cœur de cet événement : la 7ème Conférence Internationale de Tokyo pour le Développement de l’Afrique, qui nous réunit ici à Yokohama City, au Pays du Soleil Levant.
Je tiens d’abord à remercier la générosité du Gouvernement et du Peuple Japonais pour l’accueil chaleureux et pour l’organisation de la TICAD.
Je suis honorée par la présence remarquable de toutes les délégations, ainsi que par notre distingué panel d’aujourd’hui. Cela témoigne de la dynamique, de la diversité et de l’inclusion des défenseurs de l’élimination de la violence basée sur le genre. Merci à toutes et à tous de l’attention que vous portez sur ce sujet grave et important.
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Excellences, Mesdames et Messieurs,
Nous allons consacrer du temps à discuter de la violence basée sur le genre, sur les droits et la protection de la femme et de la jeune fille. Et nous avons de bonnes raisons de le faire. C’est un sujet dont on parle souvent, sans parvenir à appliquer toutes les solutions et résolutions, pour lesquelles la plupart de nos pays se sont engagés : Zéro violence basée sur le genre pour l'avenir de l’Afrique et je voudrais vous dire qu’Ensemble, nous pouvons !
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Mon nom est Mialy Rajoelina, Première Dame de Madagascar, Fondatrice de l’Association Fitia, Ambassadrice de la FNUAP pour la Lutte contre les Violences Basées sur le Genre, et surtout mère de 3 enfants. Des enfants que j’ai d’ailleurs laissé seuls, comme des grands, en période de rentrée scolaire. Ils ne m’en veulent pas pour autant, je le sais. Je m’en veux plus à moi-même… les mamans dans la salle sauront de quoi je parle. Ils ne m’en veulent pas car ils savent que cet engagement que j’ai pris, celui de défendre la cause des plus faibles, des femmes et des enfants, me tient particulièrement à coeur. Ils savent que le combat que je mène est aussi le leur.
Selon les estimations, 35% des femmes dans le monde subissent, à un moment de leur vie des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime ou des violences sexuelles de la part d’une autre personne.
On estime qu’en 2017, 87.000 femmes dans le monde ont été intentionnellement tuées.
Plus de la moitié soit 58%, ont été tuées par leur conjoint ou des membres de leur famille.
Cela signifie que chaque jour en moyenne dans le monde, 137 femmes sont tuées par un proche.
Plus d’un tiers, environ 30.000, par un conjoint ou ex-conjoint.
Plus de la moitié des victimes du trafic d’êtres humains dans le monde soit 51% sont de sexe féminin.
Les femmes et les filles représentent 71% des victimes du trafic d’êtres humains.
Concernant le trafic d’enfants, 75% sont des filles et trois individus sur quatre, de sexe féminin, sont victimes d’exploitations sexuelles au sein de ces trafics.
On estime qu’à l’heure actuelle, 650 millions de femmes et de filles dans le monde ont été mariées avant l’âge de 18 ans.
En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale plus de quatre jeunes femmes sur dix ont été mariées avant leur 18eme année.
Le mariage d’enfants, se solde souvent par une grossesse précoce, un isolement social, il interrompt la scolarisation, limite les possibilités de la jeune fille et l’expose davantage à la violence familiale.
Nombreuses sont celles qui contractent le VIH SIDA.
Dans 30 pays disposant de données représentatives, au moins 200 millions de filles et de femmes actuellement en vie ont subi de mutilations génitales.
Dans la plupart de ces pays, la majorité des filles a subi une excision avant l’âge de cinq ans.
Environ 15 millions d’adolescentes, de 15 à 19 ans ont subi des rapports sexuels forcés, à un certain moment de leur vie.
De 11 à 15 ans, au niveau mondial, 1/3 des élèves, a été victime d’intimidations par ses camarades à l’école.
Et ce phénomène se produit au moins une fois par mois pour les filles et les garçons qui sont exposés.
Cependant, les garçons sont davantage la cible des intimidations physiques que les filles. Celles-ci, en revanche, sont victimes de harcèlement de nature psychologique.
La violence, sous quelque forme qu’elle se manifeste, est un échec.
L’échec de celui qui la perpétue, et non de celui qui la subit.
L’échec, est aussi celui d’une société qui accepte cette violence, qui la tolère, qui l’excuse, qui l’ignore, qui la transmet qui la cultive…
Est-ce un péché d’ignorance ou d’indifférence ?
Est-ce un échec prémédité ?
Est-ce que nous nous sommes fait rattraper par ce statu quo ? par les préjugés sexistes et racistes ? Par ces valeurs inéquitables et inégalitaires que l’on a laissé germer et se répandre en nous ?
Est-ce que nous nous sommes fait rattraper au fil des siècles ……
• Parce que… c’est la tradition ?
• Parce que c’est la culture ?
• Parce que c’est ce qui se dit « habituellement »
• Parce que c’est ce qui se fait « chez nous » ?
• ou peut-être même parce que c’est « normal » !
A-t-on laissé cette insidieuse violence s’installer et proliférer parce que l’on crut que les préjugées était innocents ? sans conséquences !
A-t-on échoué depuis tout ce temps ?
OUI !
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Cette violence à l’égard des femmes et des filles est l’une des violations des droits fondamentaux les plus fréquentes dans le monde.
Elle ne connaît pas de frontières.
La violence n’est ni sélective ni tatillonne. Elle pousse là où on l’autorise, là où on l’entretient et là où on la pratique.
• Un coup, est une violence,
• Le viol, est une violence,
• Une insulte, est une violence
• Le mariage forcé, est une violence
• L’excision, est une violence
• Le racisme, est une violence
• Les remarques sexistes, sont des viols
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L’indifférence aussi est une violence. L’une des PIRES, car détourner les yeux et se taire, font perdurer ce mal.
Mais il existe un mal plus grand, plus souterrain, aux racines profondes: je veux parler du carcan des traditions et de la mentalité.
La mentalité et les traditions en sont la cause
Les violences basées sur le genre en sont les symptômes.
Notre engagement et nos actions sont vitaux pour le futur de ce monde.
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Et je vous le répète avec force : Zéro violence basée sur le genre pour l'avenir de l’Afrique
Ensemble, nous le pouvons !
Dans ce combat, plus que jamais, les femmes ont un rôle clé à jouer.
C’est par nous que passe la transmission.
Nous avons la lourde et honorable tache de sculpter l’adulte que deviendra notre enfant.
C’est notre rôle de rappeler à nos enfants que leur référentiel, n’est pas la violence.
Mais qu’ils doivent prendre en compte leurs propres valeurs, leurs idées et leurs ambitions.
Nous avons la charge de la narration.
Nous racontons l’histoire. Ainsi, nous avons le pouvoir de la changer.
Tant que les femmes sont debout, l’histoire n’est pas écrite.
ÉCRIVONS-LA ENSEMBLE !
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Je réitère, ici, un appel lancé le 8 mars dernier.
Joignez-vous à moi, à la FNUAP, à l’Association Fitia, à la sororité des femmes engagées pour le changement de mentalité, l’égalité des sexes et la fin des violences basée sur le genre.
Notre objectif est d’éradiquer en profondeur et de façon durable les violences basées sur le genre.
RÉALISONS-LE ENSEMBLE !
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Et c’est le choix de mon combat, de mon engagement : Agir pour le changement !
Brisons le silence.
Sensibilisons la société civile : Hommes comme femmes, jeunes et adultes, sur le fait que la violence n’est pas une norme.
Qu’elle peut être explicable mais pas justifiable et jamais excusable.
Déclarons la violence illégale et condamnable.
Changeons les mentalités l’éducation et l’enseignement.
Modifions :
• les comportements,
• les attitudes,
• les normes et les valeurs qui influencent les rôles et la perception des genres dans notre société actuelle.
Rassurons les victimes qu’elles ne sont pas seules, que des structures pour leur rétablissement, et leur épanouissement existent.
• Défendons leurs droits.
• Plaidons leur cause et portons leurs messages.
• Incitons le plus grand nombre à s’engager.
• Portons nos regards à la source de vie : les femmes.
• Donnons-leur le meilleur de nous-même.
Comme on dit chez nous à Madagascar : « Izay mitambatra vato, izay misaraka fasika », ceux qui s’unissent, deviennent un roc, ceux qui marchent seul demeurent sable.
Cela passera bien sûr par nous les femmes, nous les mères. Mais cela passera aussi par les hommes, qui nous rejoignent toujours plus nombreux pour combattre ce fléau. Nous disons non à la violence et oui à la bienveillance !
La lutte contre les violences basées sur le genre se mène et se gagne sur le terrain au plus proche de l’Homme, dans la confidence d’une femme, dans nos villages, à travers un regard et au milieu de ces femmes et filles pour qui, nous nous mobilisons.
A cet égard, l’UNFPA et l’Association Fitia, que je préside, ont déjà conjointement réalisé la mise en place et l’équipement, de 2 unités de brigades féminines de proximité dans la Capitale Antananarivo, et dans une province au Sud du pays.
Nous soutenons activement la campagne de sensibilisation de la lutte contre les violences basées sur le genre.
Nous avons initié les conventions avec les ministères compétents et partenaires, pour la création d’une plateforme chargée de la rédaction d’une loi, qui sera très prochainement discutée à l’Assemblée Nationale.
Notre participation est effective dans les différentes conférences internationales relatives à notre sujet, comme par exemple à Oslo et au Niger.
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Mesdames et Messieurs,
Je préfère les actes à la parole. Et je pense en avoir déjà trop dit.
Je sais surtout que le chemin est long et que le travail qui nous attend est colossal.
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Mesdames et Messieurs,
Mes chères amies, mes chères sœurs.
Un grand homme a dit un jour : « un monde sans espoir est irrespirable ».
Nous portons en nous l’espoir et le pouvoir de changer l’histoire.
Insufflons un nouvel air de changement.
Respirons à nouveau.
Je vous remercie de votre attention.