Le guitariste Jean Claude Vinson sâest engagĂ© Ă dĂ©fendre le peuple Mikea et sa forĂȘt en voie de disparition plus quâavancĂ©e. Quelle a Ă©tĂ© sa premiĂšre approche ? Il a choisi le volet culturel Ă travers la musique de ce peuple martyre. Pour garder lâauthenticitĂ©, il est allĂ© chercher lĂ -bas, Refonitse, un chanteur accordĂ©oniste qui, jusquâici vivait vraiment dans des conditions primitives.
Dans un premier temps, un concert a Ă©tĂ© donnĂ© le vendredi 28 novembre 2008 au Centre culturel français dâAntananarivo. Le public prĂ©sent a auditivement vĂ©cu lâambiance sans nulle pareille de cette forĂȘt des Mikea qui, comme lâa dit Jean Claude Vinson lui-mĂȘme : « commence Ă ĂȘtre dĂ©truite par des inconscients ». Plus quâun simple spectacle, ce concert a Ă©tĂ© une vĂ©ritable complainte sur le rythme dit « Beko » avec des paroles Ă la fois chantĂ©es en Masikoro, Sakalava et Mikea Ă©videmment.
Mais câest le morceau « Mikea Forest Blues », tirĂ© de lâalbum de Jean Claude Vinson (allez sur le lien suivant pour en savoir plus :
http://64.233.183.132/search?q=cache:bsQxZr_an9EJ:www.madagate.com/artistes-malagasy/musiques/473-vinson-and-masoandro-band.html+vinson+jean+claude&hl=fr&ct=clnk&cd=2) qui a fait prendre conscience lâassistance trĂšs cosmopolite de ce vendredi 28 novembre lĂ .
La dĂ©marche de Jean Claude Vinson sâest poursuivie le mardi 2 dĂ©cembre 2008, au CITE Ă Ambatonakanga, par une table ronde agrĂ©mentĂ©e de la projection dâun film documentaire sur le quotidien des Mikea, co-rĂ©alisĂ© par Dutilleux et Vinson.. Constat immĂ©diat de ce dernier : « Les Mikea reprĂ©sentent une grande richesse en perdition pour la Grande Ăźle de Madagascar. Il est impĂ©ratif de protĂ©ger et ce peuple et son environnement. Au fait, Mikea, câest quoi exactement, mis Ă part le groupe de ThĂ©o Rakotovao ?
DâoĂč vient le mot Mikea ?
Il faut savoir quâon peut lâĂ©crire de plusieurs maniĂšres : Mikea, Mikeha, Mekea ou Mikeo. Mais la plupart des auteurs prĂ©fĂšrent utiliser le mot Mikea qui provient dâun groupe de mots : « tsy meky hea », signifiant littĂ©ralement « qui ne peut pas ĂȘtre suivi ou poursuivi ». Une partie des lettres est tombĂ©e (tsy, y et h), pour obtenir le mot Mekea plus proche de son Ă©tymologie. En effet, en 1988, lâauteur Rengoky, dans son mĂ©moire de maĂźtrise intitulĂ© « Mekea, Mpihaza, Mpioty ao Añalabo », a insistĂ© sur le fait que le mot Mekea est proche de lâautenticitĂ© par rapport aux autres appellations. Car, lors son sĂ©jour de quelques mois Ă AnĂŁlabo (village Mikea), les habitants de ce village nâutilisent que le mot Mekea.
Comment et dans quel environnement vit ce peuple ?
Comme la carte ci-dessus nous le montre, la forĂȘt des Mikea (« Añalamikea ») se situe au sud-ouest de Madagascar, un peu au Nord de la ville de Toliara.
Dans la partie nord de cette forĂȘt des Mikea lâeau abonde, particuliĂšrement dans le bassin dans Namonte et ses environs oĂč lâon trouve les grands Ihotry (second plus grand lac de Madagascar), Mafay, Betsiriry, Ankiliolio, Andramby, Mañafo, etc
Câest dans la partie sud dâAñalamikea, zone la plus frĂ©quentĂ©e par les chercheurs et les journalistes, quâon observe la raretĂ© de lâeau. Molet a mĂȘme Ă©crit un ouvrage intitulĂ© : « Les Mikea de Madagascar, vivre sans boire ». Dans son ouvrage, lâauteur pense que les Mikea peuvent vivre sans eau. Selon toujours cet auteur, les Mikea sont des hommes du dĂ©sert. De mĂȘme, les chercheurs de lâex-ORSTOM, travaillant dans la rĂ©gion dâAñalabo (sud) de la forĂȘt des Mikea, donnent une place importante Ă un tubercule gorgĂ© dâeau appelĂ© « babo ». Celui-ci Ă©tanche la soif des hommes et des bĂȘtes. Assertion authentifiĂ©e par Refonitsy lui-mĂȘme.
La diffĂ©rence sur le plan gĂ©ographique entre le sud et nord ne signifie pas quâil y a une diffĂ©rence anthropologique entre les Mikea du nord et les Mikea sud de la forĂȘt. Les Mikea sont identiques que ce soit au nord ou au sud, malgrĂ© une lĂ©gĂšre diffĂ©rence sur le plan appellation des choses. Et certains gĂ©nĂ©alogistes disent que les clans Mikea vivant dans le sud dâAñalamikea sont originares de la partie septentrionnale de la forĂȘt et vice versa.
LâHistoire des populations Mikea nous renseigne que les Mikea Ă©taient des anciens habitants des villages en marges de la forĂȘt. Mais pour des raisons multiples, ces ancien villageois ont dĂ©cidĂ© de vivre dans la forĂȘt. Pour rĂ©sumĂ©, il y a des clans originaires des villages Masikoro dont Marofote, Antsimitiha, Maroringitse, etc., comme il y a des clans originaires des villages de la cĂŽte dont Ndrabala, Sambimañitse, etc.
Ainsi, il y a les Masikoro-Mikea qui ont choisi de mener une vie forestiĂšre. En plus on appelle Ă©galement MasikoroâMikea, les habitants des certains villages Ă la lisiĂšre est de la forĂȘt. Ces derniers sont Ă la fois des cultivateurs et Ă©leveurs et aussi des chasseursâcueilleurs. Quant aux VezoâMikea, ce sont des Mikea originaires des villages cĂŽtiers. Il sâagit des habitants de certains villages cĂŽtiers proches de la forĂȘt qui pratiquent Ă la fois la chasse, la cueillette et la pĂȘche.
Pour ce qui est des Mikea authentiques, comme Refonitse, il sâagit de la fusion des gens originaires de la cĂŽte et des gens originaires de la lisiĂšre Est de la forĂȘt des Mikea. Ils vivent de chasse et de cueillette (« mitindroke ») au cĆur de la forĂȘt.
Ces authentiques Mikea sont des conservateurs de la forĂȘt quâils considĂšrent comme leur lieu de refuge et leur grenier naturel. A force dây vivre, ils se confondent en elle, ce qui dĂ©route le plus souvent la vision simpliste des voyageurs de passage dans cette forĂȘt, car ils confondent les prĂ©-Mikea et les Mikea dans leur existence actuelle. Actuellement la sociĂ©tĂ© Mikea a subi une transformation comme les autres sociĂ©tĂ©s paysannes, notamment avec le phĂ©nomĂšne migratoire liĂ© Ă la culture spĂ©culative du maĂŻs. Ces nouveaux venus « se mikĂ©isent » Ă leur tour et sâadaptent saisonniĂšrement Ă la maniĂšre des Mikea.
Quoi quâil en soit, une dimension mythique est encore solidement ancrĂ©e Ă propos des premiers arrivants qui peuplent la forĂȘt, car certains chercheurs, ayant obtenu des informations trop fragmentaires les assimilent Ă des ĂȘtres fantomatiques et donc des crĂ©atures imaginaires destinĂ©es Ă effrayer les enfants. Pourtant, les traditionnistes, croient fermement Ă leur existence.
Et la prĂ©sence de Refonitse Ă Antananarivo est preuve irrĂ©futable. Leur environnement, pour des raisons purement spĂ©culatif est en danger dâextinction. Surtout certaines localitĂ©s littorales Ă Ă©cosystĂšme encore intacte, entre autres les rĂ©gions dâAmpanonga, dâAnkidranoke, de Tampolove, notamment les sites dâAndranomahia, dâAndrakatomivola, dâAndranolaza, qui sont lâhabitat primitif de ces groupuscules anciens. Et malheureusement aussi, lâusage dĂ©signe aujourdâhui par Mikea tout habitant de la forĂȘt quâil soit saisonnier se livrant Ă la culture sur brĂ»lis de maĂŻs ou quâil soit permanent poursuivant les activitĂ©s quotidiennes de chasse et cueillette. Mais si on tient compte de lâĂ©tymologie du mot Mikea, le groupe dit Mikea a une identitĂ© culturelle distincte des autres groupes, caractĂ©risĂ©e par une dĂ©pendance considĂ©rable envers les produits de la forĂȘt pour sa subsistance quotidienne.
Mais sans savoir lâhistoire des populations Mikea, on ne peut pas comprendre le niveau de leur adaptation Ă des diffĂ©rentes strates des populations forestiĂšres. Câest pour cette raison que beaucoup de chercheurs et des bailleurs fonds sâintĂ©ressent Ă la forĂȘt des Mikea au jour dâaujourdâhui. Car la destruction de leur forĂȘt signifie la mort de tout leur peuple. Câest lĂ le combat que mĂšne vaillamment Jean Claude Vinson, mis Ă part le fait dâĂȘtre un guitariste qui compte parmi les grands, les⊠authentiques. En tout cas, il faut insister sur le fait que le peuple Mikea ne relĂšve pas de la lĂ©gende ni du mysticisme. Cela est lâĆuvre de gens en mal dâeux-mĂȘmes.
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Dossier préparé par : Jeannot Ramambazafy - Journaliste