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Home Editorial Madagate Affiche COI : Jean Claude de l’Estrac, nouveau Secrétaire général

COI : Jean Claude de l’Estrac, nouveau Secrétaire général

Jean Claude de l'Estrac

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Discours de M. Callixte D’OFFAY, Secrétaire général sortant de la COI

Callixte d'Offay

L’Honorable Dr Navinchandra RAMGOOLAM, GCSK, FRCP, Premier Ministre de la République de Maurice,

Excellence, Monsieur Jean Paul ADAM, Président en Exercice de la COI et Ministre des Affaires Etrangères de la République des Seychelles,

Excellence, Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement de la République de Maurice,

Monsieur Jean Claude De l’Estrac, Secrétaire Général désigné,

Excellence, Dr Richard SEZIBERA, Secrétaire Général de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et Président du Comité Inter Régional de Coordination (CIRC),

Excellence, Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,

Mesdames et Messieurs, les Représentants des Etats membres de la COI

Distingués invités,

Mesdames et Messieurs,

Je vais dans un instant transmettre les pouvoirs que j’ai exercés en tant que Secrétaire Général de la COI à Jean Claude de l’Estrac, un de ses pères fondateurs. Je le ferai avec la fierté du devoir accompli et aussi avec une grande confiance dans l’avenir de notre organisation.

J’ai pris mes fonctions, voici exactement quatre ans, avec le cœur rempli d’espoir et la conviction que notre organisation régionale saurait franchir une étape clef de son évolution. Pour mener à bien mes activités, je me suis inscrit dans l’histoire de la COI, je me suis appuyé sur ses ambitions, sa vision, ses valeurs et ses engagements.

Ces quatre années ont été passionnantes, encore plus passionnantes que je ne l’imaginais. Avec l’ensemble du personnel du Secrétariat Général et des projets, sous l’autorité des présidences successives de la COI, nous avons mis le meilleur de nous-mêmes pour apporter une contribution à la construction d’une COI plus stratégique et plus efficace, en mettant l’accent sur une culture de résultats.

C’est dans ce contexte que nous avons amorcé sa restructuration pour l’adapter aux profonds changements de notre temps et de notre environnement institutionnel.

Nous avons assis la légitimité de notre organisation sur la scène régionale et internationale, en faisant valoir notre valeur ajoutée insulaire. A Rio, j’ai signé deux protocoles de coopération avec les Caraïbes et le Pacifique pour enclencher une dynamique de coopération interrégionale qui devrait se traduire par la construction des plaidoyers communs pour défendre leurs spécificités, notamment dans le contexte de l’architecture globale d’accès au financement de lutte contre le changement climatique.

C’est aussi dans ce contexte que j’ai renforcé davantage la collaboration avec les organisations régionales soeurs de la région : le COMESA, l’IGAD et l’EAC.

J’ai le plaisir de les accueillir à l’occasion de cette cérémonie de passation et je souhaite dire quelques mots en anglais sur ce sujet.

During my mandate, I have been reflecting on my very reason for having several regional organisations and the purpose for which we should continue to remain. I cannot terminate my mandate without making reference to this very important aspect of the role of the sister regional organisations, the Chief Executive Officer of East African Community and Chair of IRCC, Dr Richard SEZIBERA and representatives of COMESA and IGAD are present with us today and I wish to heartily thank them to have accepted my invitation to attend this ceremony and discuss matters of concern to us and some key strategic issues relating to our collaboration during the handing-over exercise. I have done my best to further reinforce the collaboration among the neighbouring regional organisations ; all of which have a common mandate to deepen and enlarge the regional market. There is therefore so much to do that each of the Eastern and Southern African-Indian Ocean regional organisation has its place in regional cooperation and regional integration matters. This is why the Inter-Regional Coordination Committee regrouping the ESA-IO regional organisations was set as a mechanism under EDF since 10 years and which deserves all the importance we have been giving it up to now. The emerging future challenges require us to further improve this collaboration.

Nous avons développé et enrichi les partenariats pour mener davantage d’actions concrètes et tangibles au bénéfice des populations.

Priorité a d’abord été accordée à la consolidation de la paix et de la démocratie dans notre espace régional, ainsi qu’à la promotion de la sécurité maritime à plusieurs volets et à la lutte contre la piraterie.

La COI s’est beaucoup investie aux côtés de la communauté internationale dans la recherche d’une solution à la crise malgache et a joué un rôle essentiel dans la signature de la Feuille de Route.

J’appelle de mes vœux le dénouement de cette crise dans les meilleurs délais dans l’intérêt de Madagascar et de la région.

Un accord a été signé sur le plan d’urgence régional pour la préparation et la lutte en matière de pollutions marines.

Nous avons vu le démarrage opérationnel d’un projet approuvé contre la piraterie, projet qui sera suivi d’un projet de plus grande envergure en 2013.

Dans ce contexte, une unité anti-piraterie COI a été créée aux Seychelles. Nous avons vu également le démarrage opérationnel de nouveaux programmes dans des domaines stratégiques pour la COI, à savoir le Programme Régional de Gestion et Stratégie de Développement de la Pêche et le Programme d’Appui aux Petits Etats Insulaires en Développement. Dans le cadre de ce programme aux PEID, nous avons développé un mécanisme de protection financière contre les risques de catastrophes naturelles et climatiques. L’actualité régionale récente nous a rappelé la nécessité d’un tel mécanisme. Au-delà de cet outil, un programme intégré de prévention et de gestion des Risques Naturels et des catastrophes est opérationnel depuis peu et travaille en synergie avec d’autres programmes comme le projet de Surveillance et d’Investigation des Epidémies.

La COI continue à rechercher des financements pour mettre en œuvre la stratégie régionale sur la sécurité alimentaire. De nouveaux programmes dans les domaines de la biodiversité et des énergies renouvelables sont en voie de concrétisation.

Pour améliorer la connexion entre les îles et réduire les coûts des transactions commerciales, la COI travaille à la préparation d’un programme de développement d’infrastructures dans les domaines des technologies de l’information et de la communication et du transport inter-îles. Dans ce contexte, la plateforme de dialogue public-privé a été renforcée.

Nous avons mis en réseau des professionnels et des associations de chercheurs, notamment sur les thématiques du genre, de la formation, de la santé et de la sécurité.

L’année 2012 sera déterminante pour le développement du tourisme, avec une rencontre ministérielle prévue avant la fin de cette année.

Le portefeuille actuel de projets dans les différents secteurs stratégiques pour lesquels la région a un intérêt est le plus important que la COI ait jamais eu à gérer. La COI gère aujourd’hui un portefeuille de 10 projets. Les fonds mobilisés pour l’année 2011 sont de 12 millions d’euros sur un montant de programmes pluriannuels de 83 millions d’euros, soit environ 3 milliards de roupies mauriciennes.

Ces actions, nous les avons menées en restant fidèles à notre identité et en portant haut les valeurs d’amitié et de solidarité propres à la COI.

J’ai l’honneur, au nom de toute l’équipe, de mettre à votre disposition, le dernier rapport du Secrétariat Général de la COI pour vous laisser découvrir ce bilan collectif.

Ce soir, je veux vous dire le très grand honneur que j’ai eu à servir à la tête de la COI. Je veux vous dire la force du lien qui, du plus profond de mon cœur, m’unit à chacune et à chacun d’entre vous. Ce lien qui nous unit est notre bien le plus précieux. Il nous rapproche. Il nous protège. Il nous permet d’aller de l’avant. Il nous donne la force nécessaire pour imprimer notre singularité dans la région, sur le continent africain et demain, dans le monde.

Ce lien, c’est celui du respect, c’est celui de l’admiration, c’est celui de la sympathie et de la fraternité, pour vous, pour le personnel de la COI, pour nos Etats membres et pour nos partenaires.

Je remercie toute l’équipe du Secrétariat Général et des projets qui m’a entouré, une équipe dynamique et laborieuse, pour le travail accompli et les efforts déployés.

La COI est un mécanisme de diversité culturelle. On vit dans l’échange et dans le respect.

Je crois sincèrement, quand on sort de la COI, tout en restant profondément seychellois, profondément malgache, profondément français/réunionnais, profondément mauricien, profondément comorien, profondément de son pays, on est citoyen de la région et du monde.

Mes différents déplacements à travers les îles ont été pour moi une source d’inspiration. Ce sont des terres qui réservent tant d’amitiés, d’accomplissements et de découvertes. Je revois ces visages d’hommes et de femmes, de jeunes et d’enfants qui nous interpellent et qui expriment des aspirations et des attentes très fortes vis-à-vis de la COI. Pour moi, dans toutes ces îles, le cœur de la COI bat très fort.

Je renouvelle mes remerciements aux Etats membres de la COI, et à travers eux, le Conseil des Ministres et les Officiers Permanents de Liaison, pour leur soutien, leur encouragement et leurs conseils. J’ai toujours pu m’appuyer sur leur amitié et leur solidarité.

Je termine mon mandat sous présidence seychelloise. Je me réjouis de la présence parmi nous de M. Jean Paul ADAM, Ministre des Affaires Etrangères des Seychelles et Président du Conseil de la COI. Je remercie M. James MICHEL, Président de la République des Seychelles de sa confiance et de l’occasion qu’il m’a donnée pour avoir été au service de la COI.

J’adresse des remerciements particuliers aux autorités mauriciennes pour avoir mis à la disposition de la COI, un nouveau siège dans la Cybercité d’Ebène. Je suis heureux de voir se concrétiser ce projet, projet pour lequel j’avais entamé des discussions avec les autorités mauriciennes dès le début de mon mandat.

Ce changement de siège social est chargé de symboles, d’espoirs et de messages : il confirme l’intérêt et l’appui du pays hôte envers l’organisation régionale. Il symbolise le renouveau, la modernisation et par là le professionnalisme. Il transporte la tradition de coopération de la COI dans la cybercité et démontre la capacité de la COI à s’adapter et à faire face aux défis de notre temps.

Mes remerciements s’adressent également à nos partenaires du développement, avec lesquels nous cultivons des liens fidèles de coopération et d’amitié. Ils nous apportent non seulement un soutien financier, mais aussi leurs compétences, leurs expertises, leur dynamisme et leurs expériences. Je les remercie pour la qualité des relations que nous avons entretenues et pour le travail que nous avons fait ensemble, dans un esprit constructif et amical.

Je voudrais mentionner l’Union Européenne, partenaire principal et historique de la COI, mais aussi, la France, le Conseil Régional et Département de la Réunion, la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale et le Système des Nations Unies, l’Organisation Internationale de la Francophonie, la Grèce et les perspectives avec la Chine et l’Australie. Je suis convaincu que nos partenariats continueront à s’approfondir avec eux pour le bien de toute la région.

Pendant ces quatre années, j’ai travaillé et vécu à Maurice. Je garde de mon séjour dans ce pays une impression forte et durable. Ici, sur cette belle terre mauricienne, riche de sa diversité, de sa vitalité et de son dynamisme, comment ne pas ressentir cette intensité particulière, ce qui fait la permanence et la grandeur de Maurice.

C’est ainsi l’occasion pour moi, Monsieur le Premier Ministre, de vous adresser mes sincères remerciements et mes vœux de prospérité pour votre pays et le peuple mauricien.

C’est maintenant avec beaucoup de satisfaction que je vais transmettre le flambeau à Jean Claude de L’Estrac, un personnage éminent et incontournable de notre région, un personnage avec une stature intellectuelle qui couvre plusieurs champs d’activités.

Avec lui, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour la COI, pour la faire vivre et progresser davantage encore, pour l’avenir et le développement de notre région.

Jean Claude et Cher Ami, tous mes vœux t’accompagnent dans cette mission dure, mais gratifiante, au service des populations de la région COI. Cette région magnifique que nous avons en partage, région avec laquelle ma longue carrière diplomatique s’est souvent confondue et que je ne quitte pas d’ailleurs totalement.

Callixte D’OFFAY

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Discours de Jean Claude de l’Estrac, nouveau Secrétaire général de la COI


Mesdames, Messieurs,

Merci M. le secrétaire général, et cher ami, pour ces mots d’amitié, de soutien et d’encouragement.

Mesdames, Messieurs,

Vous me voyez, ému et bouleversé devant les détours dont l’histoire est capable.

Quelle histoire en effet !

Il y a trente ans, mois pour mois, presque jour pour jour, je me trouvais à Mahé, avant d’aller à Antananarivo, un projet de constitution d’une Commission de l’océan Indien dans mes papiers. Ministre des Affaires étrangères, nommé en juin 1982, j’avais décidé de faire mes premières visites officielles dans les pays de la région, et ma première priorité était la création d’une Commission de l’océan Indien.

Et dès le 18 juillet 1982, à l’issue d’une visite d’Etat du président Albert René des Seychelles, à Maurice, un communiqué conjoint annonçait l’institution de la COI pour – je cite – « étudier et promouvoir la coopération entre les pays du sud-ouest de l’océan Indien. »

Autre clin d’œil de l’histoire, à la première conférence constitutive de la Commission, en décembre 1982, dans la délégation seychelloise, menée par le Dr Maxime Ferrari alors ministre des Affaires étrangères, un jeune fonctionnaire nommé Callixte d’Offay.

Et nous revoilà, mon cher Callixte, trois décennies plus tard, nous passant le relais, l’un et l’autre toujours aussi engagés dans l’un des grands chantiers de notre vie publique au service des peuples de la région.

Monsieur le secrétaire général sortant, cher ami, le chantier est sans doute inachevé mais vous pouvez vous enorgueillir d’avoir contribué à l’édification d’une institution unique en son genre qui occupe aujourd’hui une place reconnue sur l’échiquier politique et diplomatique international. Elle est porteuse de grands espoirs pour les peuples des iles du sud-ouest de l’océan Indien, région que nous devrions nommer Indianocéanie, le mot juste, déjà en usage chez nos scientifiques, chercheurs, historiens et écrivains. Il dit mieux notre identité et notre singularité. C’est en tout cas le mot que j’utiliserais.

Mon cher Callixte, vous venez de faire un bref bilan de votre mandature. Il est impressionnant. Ce qu’il ne dit pas, et que vos interlocuteurs, les partenaires financiers de la COI, les bénéficiaires des nombreux projets, vos collaborateurs au sein de l’organisation, connaissent bien c’est la passion, l’énergie, et le talent tranquille que vous avez déployés dans l’exercice de vos fonctions. Vous laissez une belle œuvre, et nous vous en sommes reconnaissants.

Nous nous réjouissons de savoir que vous ne partez pas tout à fait puisque votre prochain rôle d’Ambassadeur des Seychelles dans la région de la COI nous autorise à penser que vous serez aussi l’Ambassadeur de la COI auprès des Seychelles. Au nom de tous, nous vous remercions et nous vous souhaitons bon vent !

Il a y a trente ans, présidant la première conférence de la Commission de l’océan Indien, à Port Louis, entouré du ministre des Affaires étrangères de Madagascar, Christian Rémy Richard et de Maxime Ferrari des Seychelles, je ne pouvais imaginer que l’occasion me serait donnée d’assumer un jour le secrétariat général de la Commission. Je dois cette chance d’abord au Premier ministre de la République de Maurice, le Dr Navin Ramgoolam qui nous fait aussi l’honneur d’assister à cette cérémonie. En proposant ma candidature au conseil des ministres des Affaires étrangères de la COI, premier Mauricien à être présenté, le Premier ministre m’offre une opportunité rare de boucler la boucle. Je lui redis ici ma reconnaissance d’autant plus que comme chacun le sait, nos relations généralement amicales et libres, n’ont pas été exemptes de quelques désaccords publics. Ces incidents n’ont pas empêché le Premier ministre de proposer ma candidature, c’est tout à son honneur et c’est une belle expression de maturité démocratique.

Monsieur le Premier ministre, je me prépare à me montrer digne de la confiance que vous me faites. Comme de celle du conseil des ministres de la COI. Je salue la présence parmi nous du président de ce conseil, Jean Paul Adam, ministre des Affaires étrangères des Seychelles, une nouvelle démonstration de la haute importance que lui-même, le président et le gouvernement des Seychelles accordent aux objectifs de la COI.

I also wish to join the secretary general of the IOC in saying how I personally appreciate the presence in our midst of Dr Richard Sezibera, general secretary of the East African Community who is also chairperson of the Inter-Regional Coordination Committee. The IRCC is a most valued partner of the IOC and I am looking forward to build on the strong relationship Callixte d’Offay has established with the organization for the benefit of the region we all share. I am glad Dr Sezibera will take this opportunity to address issues pertaining to the role of the IOC in the wider region, including the key dossiers led by our organization within IRCC.

Avant même ma prise de fonction, j’ai pu constater que la COI a des fondations solides, une architecture clairement définie, des ressources humaines de qualité, et des soutiens financiers significatifs de partenaires agissants.

Sur la base de qui a été accompli, et du mandat qui m’est confié, je vois bien la première tâche qui m’incombe, celle de valoriser le rôle et les multiples activités de la COI, de les rendre plus lisibles, plus visibles, plus audibles.

Ma deuxième tâche sera moins simple ; je serai focalisé sur des secteurs déjà considérés prioritaires par le Conseil des ministres de la COI mais auxquels je voudrais donner l’impulsion  souhaitée par tous :

Le premier s’impose de lui-même : ce sont les infrastructures d’accessibilité et de connectivité sans lesquelles l’Indianocéanie restera un projet.

D’abord l’accessibilité,  les liaisons maritimes et l’accès aérien, mais aussi les communications, pour connecter nos îles entre elles et avec le reste du monde.

Je ne vois pas comment l’on peut espérer augmenter les échanges entre nous sans un accès amélioré, sans la disponibilité d’une ligne maritime de cabotage. Les opérateurs maritimes s’intéressent peu à la région parce que le volume d’échanges est relativement faible. Mais le volume est faible notamment parce qu’il n’y a pas suffisamment de trafic maritime. Je connais nombre d’opportunités d’affaires qui n’ont pas pu se réaliser ou qui ont échoué en l’absence d’une ligne maritime régulière et prévisible. C’est une condition préalable ; la création d’une ligne maritime régionale, en partenariat avec le privé, est un projet auquel les pays de la région doivent accorder la plus grande priorité si nous voulons continuer à parler d’intégration régionale. Il faut passer à la phase active. Cette question fait l’objet d’études depuis 1979. Une étude de Maxwell Stamp Associate Ltd., financée par la Communauté européenne, avait conclu qu’une ligne maritime ne serait rentable que si Madagascar y participait. Mais bien entendu ! L’étude récente, financée par l’Agence française de développement, me parait offrir suffisamment de pistes pour nous permettre d’avancer. Un projet de ligne maritime intra régionale à partir d’un ou de deux ports de transbordement de la région est d’autant plus pertinent qu’il rejoint parfaitement la stratégie des grandes compagnies maritimes internationales. Il faut maintenant passer à l’action et cesser nous-mêmes de faire du cabotage programmatique, d’études en études.

De même pour l’accès aérien.

Des complexes de fierté nationale, des considérations désuètes ont produit dans notre région cinq compagnies aériennes : Air Madagascar, Air Seychelles, Air Austral, Air Comores, Air Mauritius. Quatre sont largement déficitaires. La cinquième, Air Comores, a disparu. Je pose la question : n’est-il pas temps de considérer que les quatre compagnies déficitaires pourraient sans doute constituer une compagnie, Air Océan Indien par exemple, rentable, solide, et stratégiquement utile à la fois pour l’activité économique intra régionale, le tourisme et les communications extérieures de toute l’Indianocéanie.

Je ne nie pas la complexité de l’enjeu mais je suis convaincu que nous ne pouvons plus faire l’économie d’une remise en cause des modèles existants, étatiques, concurrentiels, non rentables et inadaptés. C’est le rôle du conseil des ministres de la COI de proposer un cadre d’analyse de cette question cruciale pour la région. Les avantages d’une mutualisation des ressources ne sont pas à démontrer mais nous mesurons l’ampleur du changement de paradigme qu’elle exigera à la fois des politiques et des opérateurs privés.

Le deuxième axe est aussi un dossier pour lequel le conseil des ministres de la COI, lors de sa dernière réunion en octobre dernier, a demandé au Secrétaire général l’instruction d’un programme dans le cadre du Fonds européen de développement et du soutien de la Banque africaine de développement, c’est celui de la sécurité alimentaire. Diverses études ont été réalisées. Elles confirment  que le potentiel est énorme, mais tout reste tributaire de ce qui se passera à Madagascar au plan politique. Madagascar, c’est 90% des terres arables de la COI.

J’ai déjà évoqué, de manière informelle, avec les autorités malgaches la question d’une éventuelle concession de terres destinée au projet de sécurité alimentaire pour la région. Elles en voient bien tout l’intérêt pour Madagascar comme pour la région, et les synergies possibles entre les entrepreneurs de l’agro-industrie de Madagascar, de la Réunion et de Maurice par exemple. Sur ce plan, le CIRAD, Centre de Coopération Internationale de Recherche Agronomique pour le Développement de la Réunion, déjà actif dans la région est un outil puissant à notre disposition. En matière de pêche, les Comores commencent à montrer la voie. Une étude récente a démontré que les produits alimentaires malgaches, exportables dans la région, en particulier vers La Réunion et Maurice, s’élèvent à environ un milliard d’euros par an. C’est pratiquement le montant des importations alimentaires de la région. Mais le commerce intra régional ne compte que pour 4% du total des importations régionales, ce qui a fait dire à un consultant de la COI que les produits dont nos pays ont besoin ne sont pas disponibles dans la région.  Ce n’est certainement pas vrai pour nombre de produits alimentaires. Et je ne parle pas des 6 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive de nos pays membres !

Le troisième axe est aussi une question d’infrastructure, culturelle cette fois. L’Indianocéanie est cet ensemble d’iles, géographiquement proches, peuplées de gens issus pour une large part d’une histoire commune, de vagues migratoires de mêmes origines. Ces liens de sang, les affinités culturelles qui en ont découlé, les nécessités pratiques, la volonté politique, ont forgé, entre les peuples, au fil du temps, des liens qui ont façonné une vraie communauté. Elle partage une l’histoire culturelle marquée depuis les temps anciens par l’influence de grandes civilisations, arabo-persane, indienne, indonésienne, africaine, et plus récemment européenne. Mais il manque à notre communauté indianocéanique un lieu identitaire de fréquentation et une plateforme permanente d’expression de nos réalités et de notre singularité. C’est pourquoi, je pense que la COI doit viser bien plus loin que les magazines programmés périodiquement dans le cadre de l’Association des radios et télévisions de l’océan Indien, l’Artoi. A la demande du conseil des ministres, le secrétariat général a déjà élaboré une stratégie culturelle régionale qui attend d’être entérinée par les instances de la COI. Je ne peux imaginer un projet plus utile que celui de la création d’une chaine de télévision régionale - la voix de l’Indianocéanie. Elle sera le moyen d’accroitre la connaissance des peuples qui la composent, une plateforme d’échanges culturels et économiques, le forum où les peuples de l’Indianocéanie se parlent à eux-mêmes et s’adressent au monde. Les progrès technologiques, les fibres optiques et le satellite, rendent aujourd’hui ce projet tout à fait réalisable.

Je suis persuadé que l’Union européenne, de loin le principal bailleur de fonds de la COI, la France, l’Agence française de développement, la Banque Mondiale, la Banque africaine de développement, le Programme des Nations Unies pour le Développement, et d’autres encore comme la Chine ou l’Australie, soutiendront ces projets dont les bénéfices, pour les peuples de la région, sont incontestables.

Je n’oublie pas, bien entendu, la question clé : la stabilité politique sans laquelle aucun de projets ne se réalisera. La situation à Madagascar est au cœur de nos préoccupations.

Nous sommes d'autant plus désolés que nous avons le sentiment que la COI, l’organisation politique de proximité, est au moins aussi compétente que la SADC pour accompagner les dirigeants politiques malgaches dans leur recherche d’une solution à la crise. Désormais, il y a urgence. Il ne faudrait pas que les desiderata de la Communauté internationale prolongent indûment une transition politique qui épuise les Malgaches.

Mesdames, Messieurs, je ne voudrais pas clore ses réflexions sans souligner qu’en définitive, la réalisation de nos ambitions d’intégration régionale reposera davantage sur la volonté politique des Etats membres, sur la cohérence de leurs actions, sur la démonstration de leurs engagements, que sur le fonctionnement même de la Commission.

Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président du conseil des ministres, Madame, Messieurs les ministres, Excellences du corps diplomatiques, Mesdames, Messieurs, vous le voyez bien, nous avons de grandes espérances. Je suis certain de pouvoir compter sur le soutien actif et éclairé du Premier ministre mauricien, pays hôte de la COI, du président du conseil de la COI, du ministre Jean Paul Adam des Seychelles, de l’expérience de son prédécesseur immédiat, le ministre Arvind Boolell, et de leurs collègues ministres des Affaires étrangères, de tout le personnel de la Commission, des Officiers Permanents de Liaison dont nous souhaitons que le rôle vital se renforce au sein d’un Conseil national de la Coopération régionale dont il faut souhaiter l’institution dans chacun de nos pays membres pour assurer une meilleure cohésion de nos îles autour d’objectifs communs.

Pour l’Indianocéanie, nouveau cœur du monde afro-asiatique qui s’éveille, de grandes opportunités se présentent. Nous nous mettons au travail, vous pouvez compter sur nous !

Jean Claude DE L’ESTRAC

Mis à jour ( Samedi, 14 Juillet 2012 04:50 )  
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