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ONU 75, Madagascar 60. AG des îles ou désillusion ? Mes 2 solutions

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La 75e session de l'Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (ONU), présidée par S.E. M. Volkan Bozkir (récemment ministre des Affaires européennes de la Turquie), élu pour un an, a officiellement débuté à New York, hier mardi 15 septembre 2020. Retour historique sur un pan de l’Histoire de l’Humanité en général, celle des Malagasy, en particulier, qui sont allés d’un vif espoir en amères désillusions, à propos d’îles que la France usurpe en toute impunité, comme si la colonisation était toujours en vigueur de nos jours.


La Charte des Nations Unies a été signée à San Francisco le 26 juin 1945, et est entrée en vigueur le 24 octobre 1945. Il y a donc 75 ans en cette année 2020. Ce 75ème anniversaire de la Charte a lieu dans un contexte particulièrement difficile avec la pandémie de Covid-19 qui touche pratiquement tous les pays du monde. Lors d’un message vidéo diffusé à l’occasion de ce 75e anniversaire, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré, entre autres : «Reconnaître les problèmes est un début. Mais il faut en venir à bout». Et le successeur de Ban-Ki moon de souligner : «Pour affronter nos défis communs et remédier aux fragilités du monde, nous disposons d’un guide intemporel qui n’est autre que la Charte des Nations Unies. Bien que celle-ci ait été signée il y a 75 ans, ses principes résonnent toujours avec la même vérité». Puis M. Guterres d’assurer que «la foi dans les droits humains fondamentaux, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, dans la dignité et la valeur de la personne humaine ; le droit international et le règlement pacifique des différends ; de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande : ces valeurs intemporelles nous mèneront vers un avenir nouveau».


Un même 26 juin mais en 1960, Madagascar recouvrait son Indépendance. Il y a exactement 60 ans. L’Indépendance inclut la notion de souveraineté (dérivé de «souverain», du latin médiéval superus, de super, «dessus», fin XIIè siècle) qui, selon Wikipédia, désigne «l'exercice du pouvoir sur une zone géographique et sur la population qui l'occupe».

A partir de 1896, la France a colonisé ce qui était appelé Madagascar et dépendances, comprenant les îles éparpillées dans le Canal de Mozambique : Tromelin (actuellement co-gérée par la France et l’île Maurice), l’archipel des Glorieuses (Nosy Sambatra), Juan de Nova (Nosy Kely), Bassas de India (Nosy Bedimaky) et Europa (Nosy Ampela) dont les noms malagasy d’origine sont indiqués entre parenthèses.


Je ne ferai que survoler, ici, la félonie du Général Charles De Gaulle qui, avec le Décret n° 60-555 du 1er avril 1960, relatif à la situation administrative de certaines îles relevant de la souveraineté de la France -soit deux mois avant le retour de l’Indépendance de Madagascar-, a rattaché ces îles à l’administration de ce qui sont, à présent, les terres australes et antarctiques françaises (TAAF), selon la loi 2007-224 du 21 février 2007. Il faudra attendre 19 ans pour que la question de ces îles fasse l’objet d’une attention. Et, cela, de la part de l’ONU.

En effet, Le 12 décembre 1979, la 99è séance plénière ayant eu lieu dans le cadre de la 34è session de l’Assemblée générale des Nations unies, a adopté une résolution ordonnant la France à restituer les îles Éparses à Madagascar. Dans son point 3 (sur 6), l’Assemblée générale «invite le gouvernement français à entamer sans plus tarder des négociations avec le gouvernement malgache en vue de la réintégration des îles précitées, qui ont été séparées arbitrairement de Madagascar».


Il aura encore fallu attendre 40 ans pour qu’un pas en avant soit vraiment franchi. Entre-temps -et c’est Jean-Marc Chataigner, ancien ambassadeur de France à Madagascar qui l’a révélé dans «La Revue Maritime» n°504, décembre 2015, p. 70-87, IRD-01414230- : «Dans le cadre d’un gentleman’s agreement diplomatique (négocié sous les présidences de Marc Ravalomanana et de Jacques Chirac et prévalant jusqu’en 2014, soit 10 ans durant), Madagascar et la France avaient convenu de ne plus faire débattre l’Assemblée générale de l’ONU sur la question des îles Éparses, qui restait cependant inscrite à son ordre du jour mais, chaque année, faisait l’objet d’une décision de report».

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Mais pour entamer concrètement le sujet, il aura finalement fallu attendre le 18 novembre 2019, date de la première session de la Commission mixte Madagascar/France, sur la question des îles Glorieuses (Nosy Sambatra), Juan de Nova (Nosy Kely), Europa (Nosy Ampela) et Bassas da India (Nosy Bedimaky), qui s'est tenue au Palais d’Andafiavaratra, Antananarivo. Rien de concret n’a été convenu et une seconde session était prévue, à Paris, dans le courant de cette année 2020. Il faut se rappeler que les Présidents Emmanuel Macron et Andry Rajoelina, à l’issue de leur rencontre à l’Elysée, le 29 mai 2019, avaient annoncé « qu’ils allaient reprendre les discussions sur les îles éparses ». Cela, avec la mise en place d’une commission mixte, pour aboutir à une solution consensuelle d’ici le 26 juin 2020, date du 60ème anniversaire du retour de l’indépendance de Madagascar. Et ce 29 mai 2019, le Président Macron avait déclaré être « disposé à un dialogue pour aboutir à une solution commune ». Hélas…


Car bien avant la pandémie du coronavirus, ne voilà-t-il pas que le Président Macron a plongé dans l’ornière colonialiste esquissée par De Gaulle, en matière d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom. En effet, sur la plage de la Grande Glorieuse, le 23 octobre 2019, M. Macron a déclaré : «Ici c'est la France, c’est notre fierté, notre richesse». Et, à propos de la souveraineté des îles éparses et des revendications légitimes de Madagascar, voici la réponse du même personnage, le même jour : «Je souhaite que les îles Éparses fassent l’objet d’un traitement commun avec Madagascar dans une perspective de développement durable. Le modèle de développement malgache ne peut pas être antagoniste avec la prise de conscience qui est la nôtre sur les enjeux de développement climatique. Nous sommes face à un risque de nouvelle extinction de masse (…)».


Puis, dans la foulée, sans aucune concertation avec le gouvernement malagasy, M. Macron a annoncé «le classement en réserve naturelle (française évidemment) d’une de ces îles éparses, en 2020». Le 24 octobre 2019, le journal « Le Monde » met en titre : «Macron aux îles Éparses, un affront pour les Malgaches». Puis vint le coronavirus et la question des îles malagasy éparpillées dans le Canal du Mozambique ne fut plus ni d’actualité, ni une priorité. Tout le processus fut mis en stand-by… Mais l’affront sera bientôt lavé par le Président Andry Rajoelina lui-même. En effet, le 11 mai 2020, sur la chaine couplée de Rfi et France 24, le Chef de l’Etat malagasy a rappelé que «son pays réclame la restitution par la France de ces îles». Il a rejeté toute idée de cogestion, un concept prononcé à l’emporte-pièce par un Hery Rajaonarimampianina, Président déchu qui a toujours bien su parler pour ne rien dire et ne rien réaliser en fin de… compte (il est expert-comptable, don’t forget)...

Réponse de la France ? Le même 11 mai 2020, le ministre français de la Transition écologique, François de Rugy, lance une consultation publique portant sur un projet de décret relatif à la création de la «Réserve naturelle nationale de l’archipel des Glorieuses». Réplique du gouvernement de Madagascar ? Le 18 mai 2020, Christophe Bouchard, Ambassadeur de France, est convoqué au ministère des Affaires étrangères malagasy pour s’expliquer sur ce projet. Car, pour les autorités de Madagascar, le projet du gouvernement de la République française est «un acte de défiance envers Madagascar et va à l’encontre de l’engagement des deux parties à  poursuivre le dialogue dans un esprit positif». Jusqu’à présent, la diplomatie française n’a pas officiellement réagi à ces déclarations des autorités de la Grande île.

L'Ambassadeur Véronique Vouland-Aneinià l'Hôtel de Ville d'Antananarivo : «Ces îles éparses appartiennent à la France !»

Cette convocation d’un diplomate français semble être une première à Madagascar et à propos de ces îles. Car il faut se rappeler que Véronique Vouland-Aneini, qui a précédé l’Ambassadeur Bouchard, avait déclaré, le 19 octobre 2015, à l’hôtel de ville d’Antananarivo : «Ces îles éparses appartiennent à la France !». Pour cela, elle n’a jamais été inquiétée par le régime dirigé par Hery Rajaonarimampianina qui, le 23 octobre 2013, lors de son dernier meeting électoral, avait promis qu’il allait se battre, se battre dur et fort pour le retour de ces îles aux Malagasy : « Ny azoko hampanantenaina dia hiady aho, hiady mafy aho ny hiverenan'ireo amintsika! ». Tu parles, Charles !

Malgré les ravages mortels causés par le coronavirus en France, voilà-t-il pas aussi que le Sénat français s’est amusé à jeter de l’huile sur le feu, comme si on était encore en 1896. Voici, tel quel, le Rapport d'information de Christophe-André Frassa, Sénateur représentant les Français établis hors de France, fait au nom de la commission des lois n° 664 (2019-2020) - du 22 juillet 2020 :


Le sénateur Christophe-André Frassa

Une délégation du groupe d'études du Sénat sur l'Arctique, l'Antarctique et les Terres australes, rattaché à la commission des lois et présidé par Christophe-André Frassa, a participé à la tournée de souveraineté dans les îles Éparses à l'invitation d'Evelyne Decorps, préfète, administratrice supérieures des terres australes et antarctiques françaises. Ce déplacement, qui a eu lieu du 29 septembre au 3 octobre 2019 et auquel ont pris part Viviane Artigalas, Martine Berthet, Jérôme Bignon et Vivette Lopez, a été l'occasion pour le groupe d'études de mesurer la richesse de ces îles du canal du Mozambique et l'importance des enjeux auxquels sont confrontés ces territoires.

Il convient de poursuivre une action vigilante et déterminée dans ces îles qui constituent un patrimoine exceptionnel et essentiel à la gestion de l'évolution climatique et biologique en cours. Une meilleure connaissance de ces îles s'impose afin de mieux les protéger et de favoriser le développement de la recherche. Dans cette perspective, réaffirmer la souveraineté de la France sur ces îles, au cœur de nombreux enjeux dans l'océan Indien, est indispensable./.

«Réaffirmer la souveraineté de la France sur ces îles», hein ? Certes, la 75è Assemblée générale des Nations Unies ne sera pas du tout organisée comme toutes les précédentes. Elle a du adapter son fonctionnement en réponse à la pandémie de COVID-19. Elle a ainsi modifié le format de ses réunions et a eu recours aux outils digitaux afin de conduire ses travaux virtuellement, contribuant ainsi à contenir la propagation du virus. Aussi, concernant les prises de paroles traditionnelles des Chefs des Etats membres, elles se feront via visioconférences. Le Président Andry Rajoelina effectuera aussi son temps de parole par ce moyen. Abordera-t-il le sujet ou bien celui-ci, pour la énième fois, sera-t-il repoussé à la prochaine Assemblée générale comme à chaque fois, depuis 1980, alors qu’il est toujours inscrit à l’ordre du jour initial, mais sans cesse repousser à la prochaine AG ?

A mon humble avis, aucun chef d’État français, après De Gaulle et après Macron, ne baissera les armes d’une colonisation semblant immuable, qui ne fera que perdurer si l’on utilise des moyens classiques. Une seconde session de commission mixte Madagascar/France ne sera que du temps perdu. Vous avez vu, lu et entendu la fourberie des tenants du pouvoir de l’Hexagone depuis le 29 mai 2019 et même depuis le 1er avril 1960. Sacré poison d’avril…


Grande salle de l’Assemblée générale de l'ONU à New York

Voici mes deux solutions, réalistes et réalisables, en tant que citoyen malagasy. En premier lieu, faire appel à tous les pays membres qui ont été présents en 1979 et qui ont approuvé la résolution du 12 décembre 1979, afin qu’ils se réunissent, à l’ONU de New York, autour d’une table ronde avec les représentants de Madagascar et de la France plus ceux de la Russie, haut membre du Conseil de sécurité. La souveraineté n’est et ne sera jamais négociable. Ces îles doivent être restituées à Madagascar, point barre ! Il est temps de rappeler, ici, les déclarations, écrites plus haut, du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres : Reconnaître les problèmes est un début. Mais il faut en venir à bout à travers le droit international et le règlement pacifique des différends.


SITE WEB ICI

Ce qui m’amène à vous présenter ma seconde solution, qui est de faire appel à la Cour permanente d’arbitrage ou CPA de La Haye, aux Pays-Bas. Créée par une convention en 1899 -bien avant la colonisation française- cette Cour est une Organisation intergouvernementale, offrant à la communauté internationale un large éventail de prestations pour le règlement des différends, surtout territoriaux. Le cas de l’île de Palmas, actuellement appelée Miangas, fait figure de jurisprudence en matière de souveraineté. Pour résumer, il s’agit d’un différend international entre les États-Unis et les Pays-Bas. La Cour permanente d'arbitrage attribue l'île aux Pays-Bas car «il ne suffit pas d'avoir découvert l'île comme l'ont fait les Espagnols avant l'arrivée des Américains, car cela crée seulement un titre imparfait». Pour obtenir un titre, il faut démontrer l'effectivité de la souveraineté, ce qu'ont fait les Pays-Bas car «ils ont planté des drapeaux, obtenu l'allégeance d'autochtones et levé des impôts».


Cette affaire de l'île de Palmas est un exemple permettant légalement d’habiliter les États titulaires de la souveraineté à repousser toute atteinte portée à leur assise spatiale, au nom du droit à l'intégrité territoriale. Pour plus de détails, il faudrait demander à l’actuel Président de l’Akademia Malagasy, Raymond Ranjeva. En effet, la Cour permanente d’arbitrage a été aussi appelée, à ses débuts, Tribunal de La Haye, ville où Raymond Ranjeva été Magistrat puis Vice-président au sein de la Cour internationale de justice (CIJ), de 1991 à 2006. A ce niveau, et durant ces 15 années, le Juge Ranjeva semble n’avoir pu (ou voulu ?) faire aucune démarche concernant la résolution de l’ONU du 12 décembre 1979, à propos de son propre pays… Bah, malgré les fake news d’ici et d’ailleurs, je reste confiant : tôt ou tard, ces îles seront restituées à Madagascar. Car tout à une fin ici-bas. Comme l’apartheid. On en fera quoi après ? Chaque chose en son temps et un temps pour chaque chose, ô simples lecteurs mortels. Restitution avant toute chose.

Dossier de Jeannot Ramambazafy également publié dans "La Gazette de la Grande île" du mercredi 16 septembre 2020


Mis à jour ( Mercredi, 16 Septembre 2020 06:44 )  
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