11 février 2021 - Le matin de ce jour a été dédié à la commémoration du 46e anniversaire de la mort du général Ratsimandrava Richard à Ambohijatovo Avaratra. Le Premier ministre Ntsay Christian, a honoré de sa présence cette commémoration.
L'ensemble des forces armées malagasy a travaillé de concert pour marquer cette date-mémoire et, comme chaque année, la cérémonie s'est attachée à rendre hommage également à tous ceux qui sont morts au service du pays durant l'année dernière. Des gerbes de fleurs en leur nom respectif ont été déposées au pied de la stèle du souvenir, à l’endroit même où le Général Ratsimandrava a été assassiné. Le nom de ces héros morts en service commandé, issus de la Gendarmerie nationale, de l’Armée Malagasy et de la Police nationale, ont été épelés devant les membres de leur famille respective.
« La commémoration du souvenir d’un héros comme le Général Ratsimandrava doit être un exemple à suivre au nom de notre sainte patrie commune », a déclaré le Premier ministre Ntsay qui a poursuivi : « Ce, en raison du courage de cet homme qui s’est levé et n’a pas failli à son devoir d’homme d’état dans un contexte difficile qu’a traversé notre pays à l’époque. Et c’est ce même courage qu’ont montré tous nos héros morts dans l’exercice de leur fonction, que nous saluons, ce jour ».
Puis, le Premier ministre a passé en revue les efforts des forces de l’ordre menés sous la direction du gouvernement. Il a souligné, en particulier, la réalité du maintien l'ordre public dans de nombreuses régions du pays. Il a rappelé que, depuis 2018, Madagascar a choisi de défendre la démocratie et a instauré la bonne gouvernance, le droit et la liberté. Il a cité, en exemple, les résultats des élections présidentielles, législatives et communales, qui témoignent du respect du choix du peuple.
Ainsi, au nom du Président de la République et du peuple malagasy, il a exprimé ses remerciements et sa reconnaissance à la Gendarmerie nationale, l’Armée Malagasy et la Police nationale. Enfin, le Premier ministre Ntsay Christian a rappelé les nombreuses responsabilités qui les attendent en matière de sécurité, et les mesures prises par le gouvernement à cet égard, à savoir l’amendement et la réforme du système au sein des Forces Armées Malgaches.
Traduction libre de Jeannot Ramambazafy
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Il y a 46 ans, le 11 février 1975, vers 20h, le colonel de gendarmerie Richard Ratsimandrava -élevé au grade Général de brigade à titre posthume le 15 juin 1975- tombait sous les balles d’un commando dirigé par Zimbo lui-même tué au cours de cette embuscade, au rond-point d’Ambohijatovo ambony Antananarivo. Il avait 44 ans. L’heure n’est donc plus à se demander QUI a tué Ratsimandrava mais POURQUOI l’a-t-on assassiné ? Depuis bien longtemps, j’ai toujours plaidé pour un complot à base d’intérêts plus économiques que politiques. Certains avancent des noms. Voici ma propre thèse. Ma « fiction » serait-elle conforme à la réalité de l’époque ou bien Ratsimandrava n’aura été qu’un martyre de plus ? Voire...
Pas un mystère mais une conspiration
En 1975, il n’y avait pas de portables ni Internet donc pas de communications ni d’informations en temps réel. En ce temps-là , tout était quasiment permis avec cette culture malagasy qui n’admet pas que l’impossible puisse se produire (le cas du Rova incendié en 1995 cassera cette croyance). Personnellement, c’est à Paris, alors jeune étudiant de 21 ans, que j’ai entendu l’assassinat de Ratsimandrava, grâce à Radio France Internationale. Cela fait donc 46 ans aujourd’hui que le colonel de gendarmerie Richard Ratsimandrava, chef de l'Etat et du gouvernement malagasy et ministre de la Défense nationale et du Plan - après que le général Gabriel Ramanantsoa lui ait remis les pleins pouvoirs, le 5 février 1975 -, a été froidement assassiné. Eléments de réouverture du dossier, si possible par les temps de covid-19 qui courent…
Devoir de mémoire
Les bras armés de cette élimination physique sont des membres d'un commando formé d'éléments du groupe mobile de police (GMP) dont le tristement célèbre Zimbo tué lors de cette embuscade à Ambohijatovo. Actuellement, la question ne doit plus être : qui a assassiné Ratsimandrava mais POURQUOI l'a-t-on assassiné ? Qui avait intérêt à le faire disparaître de manière aussi rapide et durable ? En fait, des tas de personnes et personnalités étaient gênées par sa présence au sommet de la Nation. C'est pourquoi, c'est sans ambages que j’ose écrire que conspiration il y avait. Je tiens à signaler que je n'avancerais que des hypothèses glanées à travers des investigations minutieuses, sans fioriture. Il s'agit, ici, d'un devoir de mémoire, pour que le dossier Ratsimandrava ne soit jamais fermé et que son nom ne tombe pas dans l’oubli.
L’affaire JFK
Je prendrais comme référence de base, le « cas » du président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, assassiné à Dallas, le 22 novembre 1963. Le Terrien moyen ne saura jamais l'exacte vérité, étant donné qu'il s'agissait d'un complot à l'intérieur même de hautes sphères américaines. Par ailleurs, peu de gens, en Amérique et de par le monde, croient que l'assassinat de son frère, le sénateur Robert Francis alias Bob Kennedy, ait été une « coïncidence »... En effet, en 1968, Bob Kennedy se présente aux primaires, afin d'être candidat démocrate à la présidence des Etats-Unis contre Lyndon Baines Johnson qui assura la transition. Il remporte la victoire aux primaires en Californie, ce qui le conduisait tout droit à la candidature. Mais il se fait assassiner, le 5 juin 1968, le soir de sa victoire, par Sirhan-Sirhan. Le film « JFK » (1991) d'Oliver Stone fait allusion à tous ces faits, à travers la réouverture du dossier Kennedy, par le procureur de la Nouvelle-Orléans, Jim Garrison, au péril de sa vie. « La plus grosse conspiration que l'Amérique n'a jamais connu », où sont impliqués la Cia, le Fbi, la mafia, les républicains, le bloc communiste de l'époque, les Cubains, jusqu'au président Lyndon Baines Johnson qui succèdera à Kennedy jusqu'en 1968 (co-listier démocrate de celui-ci en 1961, Johnson a été réélu en 1964 mais ne s'est plus présenté en 1968. Il décède le 22 janvier 1973).
Trop de groupes de pression...
Pour Richard Ratsimandrava, il est aussi impensable qu'une seule personne ait pu décider de son élimination. Mais quel était le MOBILE ? A la suite de cet horrible assassinat, a été créé un comité national de direction militaire (Directoire) présidé par le général Gilles Andriamahazo. Ci-après les diverses hypothèses à réétudier :
Première piste : nommé à la tête de la gendarmerie, Ratsimandrava a commandé la répression contre l’insurrection paysanne d’avril 1971 dans le Sud de l’île, sous l’impulsion de Monja Jaona, leader charismatique du parti MONIMA («Madagasikara otronin'ny Malagasy» - Madagascar aux Malagasy) et père du candidat malheureux aux élections présidentielles du 3 décembre 2006, Monja Roindefo Zafitsimivalo. Les médias français avaient alors parlé de «jacquerie» (révolte paysanne)…
Seconde piste : nommé ministre de l’Intérieur du gouvernement Ramanantsoa, Ratsimandrava avait élaboré la doctrine du «fokonolona» comme seul cadre institutionnel et économique possible du développement à Madagascar, avec malgachisation de l'économie sans inégalité et décentralisation des pouvoirs. Il avait même animé une émission spéciale explicative à ce sujet sur les ondes de la radio nationale : «Ala-olana» (littéralement solutions aux problèmes).
Troisième piste : depuis la colonisation, était ancrée dans les esprits la notion que le président de la République malagasy ne pourrait jamais être un merina, originaire des hauts-plateaux. Ratsimandrava l'était, mais de la caste «Hova» comme le Premier ministre Rainilaiarivony et non de la noblesse («Andriana») ...
Quatrième piste : du long procès -une mascarade- qui se déroula du 21 mars au 12 juin 1975 sous le Directoire militaire, aucune lumière n'a été faite sur l'assassinat de Ratsimandrava. A cette époque, le général Roland Rabetafika avait déclaré : «L'assassin n'est pas présent dans cette salle...». A ce procès, Philibert Tsiranana (ancien président de la république), André Resampa (ancien ministre de l'Intérieur et vice-premier ministre) et Bréchard Rajaonarison (commandant du GMP ayant fait une reddition) étaient parmi les inculpés de «gros calibre». Ils seront tous acquittés avec 27 autres.
Cinquième piste : parmi les membres de ce Directoire militaire, qui a succédé à Ratsimandrava et a recueilli, ainsi, un avantage certain, après la période transitoire ? De quelle manière et pour combien de temps aussi ?
Assassiné pour rien ?
Le 21 décembre 1975, le Directoire militaire est remplacé par un Conseil supérieur de la révolution (CSR). De nos jours, les survivants qui ont vécu à l'intérieur même de cette «affaire» se comptent sur les doigts de la main, les autres n'étant pas tous morts de façon naturelle... Bref, beaucoup trop de groupes de pression ayant d’énormes intérêts, financiers surtout, pouvaient souhaiter voir Richard Ratsimandrava disparaître, craignant de voir leurs intérêts fortement remis en question. De nos jours, le paysage politico-social a beaucoup changé à Madagascar. Il existe sûrement, quelque part, des gens ayant des débuts de réponse précis pour axer de nouvelles recherches sur une des pistes citées. Mais oseront-ils se débarrasser de leur lourd secret pour ne pas l'emporter dans leur tombe ? Une chose est sûre alors : 46 ans après, leur silence indique que des risques mortels subsistent encore et toujours. Quoi qu’il en soit, en cette année 2021, beaucoup de personnes, impliquées directement ou indirectement par cet assassinat, sont décédées depuis. Avec la nomination, le 20 janvier 2007, du général Charles Rabemananjara au poste de Premier ministre, il est apparu que Richard Ratsimandrava aura été assassiné pour rien. En effet, sous-lieutenant en 1975, Charles Rabemananjara, originaire des hauts-plateaux, fait partie du corps de la gendarmerie, comme Ratsimandrava, dont la doctrine du développement, à partir du «fokonolona» (riverains) et du «fokontany», était devenue une priorité, le fer de lance du développement.
Grosso modo, il s’agissait de faire participer les habitants des 17.500 «fokontany» (quartiers) de Madagascar dont les chefs, nommés et non plus élus, dépendaient directement du Président Marc Ravalomanana, également originaire des hauts-plateaux, et qui entamait alors un second mandat depuis l’élection anticipée du 16 décembre 2006. Quant aux intérêts économiques de la France, malgré leur place de n°1, avec 600 entreprises tous secteurs confondus, ils commençaient durement à être malmenés par ceux des Anglophones et les Chinois. A ce stade, à qui profite ce crime en ce IIIème millénaire ?
Je rappelle -et nombreux sont ceux qui l’ignorent- que deux gendarmes ont également trouvé la mort aux côtés du colonel Ratsimandrava, ce 11 février 1975. Il s’agit des gendarmes GP2 Bernard Rakotoarisoa et Samuel Rabotovao. Enfin, Mme Thérèse Ratsimandrava, née Razafindramoizina, est décédée le 31 mars 2001, tandis que sa sœur Juliette, elle, nous a quittés le 16 avril 2016.  Juliette était ancienne Conservatrice de la Bibliothèque Nationale malgache, ancienne responsable culturel de la ville d’Antananarivo, responsable du Centre National des Langues de l’Académie malgache, membre de l’Akademia Malagasy et Présidente de l’Association AFAKA (Libre), créée en 1998 et qui prône la culture comme élément de vitalisation de la société malagasy.
Jeannot RAMAMBAZAFY